Je réussis samedi matin à me lever plus tôt qu'en semaine avec pour objectif la séance de 9h10 aux Halles. Je laisse la voiture gare de Lyon, prend la rue Roland Barthes toujours aussi rêveuse (quelle douceur de savoir que cette rue n'est pas destinée aux voitures), tous les vélos sont au rouge, je vais à la station suivante (c'est facile, c'est ce que j'ai fait la veille), deux types de la maintenance sont perplexes devant la carte de la borne: visiblement ils ont pour mission de réparer une station de vélos, mais ils ne savent pas très bien laquelle, et ils ne savent pas lire une carte. J'essaie de leur indiquer comment aller rue Roland Barthes mais ça ne leur convient pas à cause des sens interdits, je leur fait remarquer qu'ils pourraient y aller à pied, cela semble les épouvanter.

Les Halles, une place pour rendre mon vélo presque en face de l'appartement de Zvezdo, le film, pas le temps de boire un café.

Raisons d'Etat est un beau film, un film long et lent, durant lequel on ne s'ennuie pas. Il couvre une durée de six à sept jours, du 19 au 26 avril 1961 (de mémoire, soit les jours qui suivent le débarquement de la Baie des Cochons : quelqu'un a trahi, qui est-ce?
C'est l'occasion de divers flash-back qui permettent de retracer la vie du héros Edward Wilson.
C'est un film mélancolique, sans pathos, très sobre. La question est classique, qu'est-ce qu'être loyal dans un monde de mensonges? Comment ne pas trahir son pays, comment ne pas se trahir?

Peut-être un peu trop de gros plans, peut-être un peu trop de violons par moments, mais des scènes magnifiques, comme celle du lacet, par exemple.
Ai-je rêvé, ou Matt Damon se tasse au fur à mesure du film?
C'est un film très WASP. Un vieil Italien demande à Edward Wilson: «Nous avons la famille et la religion, les juifs ont leurs traditions, même les niggers ont leur musique, qu'est-ce que vous avez, vous? — Nous, nous avons les Etats-Unis d'Amérique, les autres ne font que passer» (are only visitors), répond Wilson.

Je n'ai pas compris les quelques critiques que j'ai lues ça et là avant de voir le film, notamment que cela donnait une mauvaise image de la CIA — cela n'en donne qu'une image humaine — et que le héros se renfermait de plus en plus: il ne me semble pas qu'il soit davantage renfermé à la fin qu'au début. L'Histoire broie les individus, voilà tout.


En sortant, je reprends un vélo, je passe sous l'appartement de Zvezdo et je vais rejoindre Tlön pour continuer nos gender studies. (Il a ses habitudes dans un restaurant où la serveuse est très jolie et très souriante).
Tlön, très classe, a son propre vélo, et pas un vélo de prolétaire qu'on partage (non mais quelle horreur!).