Compiègne :
- l'abbaye Saint-Corneille reconstruite et transformée en bibliothèque;
- le cloître, inaccessible;
- les rois sacrés ou enterrés là, aux noms évocateurs (Charles le Chauve, Louis le Bègue);
- le café Saint-Corneille, ses tenanciers accueillants et ses croque-monsieurs moelleux;
- l'église Saint-Jacques, qui a mon avis ne porte pas chance (comment peut-on se vanter d'être le lieu où vint prier Jeanne d'Arc le jour de son arrestation?), son étonnant sanctuaire regroupant des reliques d'un peu tout le monde, quelques os de saint Rémi, saint Benoît, sainte Cécile, saint Louis, sainte Victoire dont le crâne luit dans sa châsse, me rappelant la relique de la galerie Doria-Pamphili que je ne sais plus quelle femme de la famille avait obtenu d'emporter avec elle quand elle partait en voyage (ne jamais se déplacer sans son squelette préféré, oui, cela m'a marquée) et les arcs compliqués de ses absidioles, dus à la contrainte d'un espace trop étroit entre deux rues;
- le château, triangulaire, lui aussi pour épouser une contrainte (j'aime les formes sous contrainte, ce sont les plus libres, celles qui font le preuve du plus d'imagination);
- le jour gris, la brume vaporisée sur les statues emmaillotées de la terrasse, les arbres au loin perdus dans le brouillard;
- les merveilleuses anémones des sièges (et le sentiment que broder ainsi pourrait constituer le but valable d'une vie);
- l'ordonnancement si naturel des pièces s'ouvrant si naturellement sur le parc qu'il semblerait tout naturel de vivre là;
- les œuvres de la collection de Nicolas Esterhazy (après tout ce sont elles qu'on est venu voir), une petite gravure de Dürer, la Salomé de Cranach, des partitions de Haydn, de Mozart, le (tableau de) Véronèse ne me convainc pas et j'ai oublié le nom de mon tableau préféré, d'un Espagnol je crois, un couple de paysans et un faune, en tout cas un chien magnifique sous la table;
- mon tableau préféré parmi l'accrochage permanent : La revue des ombres de Victor Giraud.



A la nuit tombante, nous fûmes à la clairière de l'armistice près de Rethondes. Le wagon n'est pas le véritable wagon de l'armistice, qui a été détruit en 1945 dans la forêt de Thuringe. Le véritable wagon avait servi sur la ligne Deauville-Trouville avant d'être affecté au service du maréchal Foch, et je n'ai pu m'empêcher de penser que Proust l'avait peut-être utilisé.
Au milieu de la pelouse une grande dalle porte une inscription que je ne pus lire, vu le manque de lumière, qu'en montant dessus. Je n'ai pas noté la phrase, elle se terminait à peu près par «les peuples libres ont vaincu l'Allemagne guerrière qui voulait les asservir». Cette dalle date de l'entre-deux-guerres, elle a été emportée en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale, une discrète plaque sur le côté précise qu'elle a été récupérée avec quelques difficultés en 1949. (Je regrette de ne pas avoir noté précisément tout cela, le ton des deux inscriptions nous a fait rire (jaune), il signifiait très clairement que justice avait été faite et qu'il y avait des limites à ne pas dépasser).
Le petit bâtiment sans prétention qui contient le wagon comprend également toutes une série de photographies sur les tranchées et les villages de France bombardés, c'est très instructif et émouvant.


Pierrefonds est évoqué avec tant de mépris dans Corée l'absente que je voulais le voir. Las, il faisait trop noir, c'est tout juste si l'on distinguait la masse noire du château par instants. Le charcutier-traiteur sur la place de l'hôtel de ville collectionne les récompenses.