J'aime les westerns. J'aime les westerns à cause de l'âpreté des paysages, la terre jaune et le ciel bleu, entre les deux des chevaux et de la poussière.

Ce n'est pas que 3:10 to Yuma soit vraiment mauvais, mais il donne envie de rire, ce qui n'est pas très bon signe pour un western. Il est plein de bons sentiments, c'est gentil. Il met en scène des conflits moraux (western: fable morale ayant pour objet d'apprendre ou de rappeler aux Américains et au monde le courage, les sacrifices, les compromis, les lâchetés, les saloperies, qui sont à l'origine de ce grand pays, les Etats-Unis d'Amérique (western: équivalent américain des mythes fondateurs grecs (l'intéressant de cette piste, c'est qu'elle fait du cinéma le vecteur principal de la tradition))) avec un peu trop de paroles. C'est un western verbeux.

Il me semble assister à la tarantinisation du western: trop de paroles (mais dans Tarantino, c'est maîtrisé et souvent drôle). Ici, aucune retenue ne vient endiguer la débauche d'explications: nous saurons tout. Les péripéties s'enchaînent, il y en a un peu trop, on frôle l'invraisemblable, le méchant revient toujours, c'est un méchant très complaisant.

Fais-je un contresens? Après tout, le ressort de l'histoire, c'est justement la parole, la capacité du méchant à raconter les mauvaises actions de ceux qui sont du côté de la loi et à faire parler les médiocres. C'est un méchant qui a beaucoup de patience envers la médiocrité, elle le rend indulgent, comme si ne pas être courageux et héroïque vous dispensait d'un certain nombre d'obligations morales. L'un des leitmotiv des dialogues tourne autour de la parole: «tais-toi», «ne lui parle pas», «je ne veux pas vous parler», «je vous interdis de lui parler», etc.

L'une des idées intéressantes du film, ou peut-être l'idée principale, celle qui donne envie de pardonner les maladresses du film (car il est difficile de traiter de la morale, nous en avons fait récemment l'expérience), est l'idée qu'il existerait une pente du Bien comme il existe une pente du Mal. Ainsi l'explique le méchant: «C'est pour cela qu'il ne faut jamais faire une bonne action: un acte en appelle un autre et on se retrouve du côté de l'honnêteté (decency).» «On fait une bonne action et on se prend pour le Christ». (Et cette phrase est peut-être la clé de l'invraisemblable fin du film: il s'agit bel et bien d'une conversion.)


Ben Foster est étonnant ainsi que dans une moindre mesure Russel Crowe et Christian Bale.
J'ai rarement vu des acteurs monter aussi mal à cheval. C'est le genre de détail qui montre qu'on a changé de génération d'acteurs.
Les images à la lueur de lampes à pétrole ou de feu de camp sont dorées, très belles.
Il reste à voir la première version du film. Je suis curieuse de comparer les fins — et le traitement de la parole.