Je ne sais plus ce que je voulais écrire. Ça m'agace.

Aujourd'hui, j'ai arrêté de donner le change (au moins dans un domaine): on attendait de moi une liste de liens économiques astucieusement recueillis et chaudement recommandés par moi-même, je n'en ai donné que deux:
- les 300 sites de référence en économie collationnés par Alternatives économiques,
- les 4341 sites tous azimuts rassemblés par l'IAE de Paris Sorbonne.

J'ai bien peur que cela ne plaise pas : en effet, cela prouve que le travail est déjà fait ailleurs et qu'il est stupide de le refaire. Or il est de bon ton de le cacher.
(Une façon de donner une valeur ajoutée à ce travail serait par exemple d'organiser à partir de (certains liens de) ces listes un univers Netvibes[1], mais cela aussi, il faudra(it) que je le cache et que je le diffuse discrètement auprès de mes collègues intéressés. (J'explique pour ceux qui ne voient pas le problème: un univers Netvibes, c'est sur internet, c'est public: puis-je envisager sérieusement de diffuser sur internet la liste des sites que ma société utilise pour recueillir de l'information (ie, des sites aussi confidentiels que la Documentation française[2] ou l'Insee)? Je dois avoir perdu la raison.)


A long time ago, j'ai commencé à travailler en comptabilité. A l'époque, les premiers ordinateurs individuels étaient sur les bureaux depuis deux ou trois ans (avant il n'y avait que des terminaux 3270), on découvrait l'ancêtre d'Excel (Multiplan ou Lotus). Un collègue m'a montré ce qu'était une clôture de bilan «avant»: des bandes papier crachées par les calculatrices à bande agraffées aux pages des cahiers de compte:
— Chaque fois qu'on changeait un chiffre (NB: notamment un montant de provisions, je travaille dans un domaine où l'évaluation des provisions est très technique), il fallait tout recalculer, cela prenait des heures ou des jours.

L'arrivée de Multiplan avait tout changé: tableaux croisés, résultats immédiats (même si certains vieux chefs désorientés vérifiaient les calculs des tableurs avec leur machine à bande), des heures et des heures gagnées, inoccupées: qu'en faire? Je suis arrivée dans les bureaux à la fin d'un âge d'or passé à jouer aux échecs et autres puisque l'ordinateur travaillait désormais à la place des comptables. Je suis arrivée à la fin de cet âge d'or, au moment où l'on commençait à comprendre que ce temps pouvait servir à autre chose, et notamment à vérifier les chiffres, la façon dont ils étaient constitués, ce qui se cachait derrière leur désincarnation (d'ailleurs, peu après, un énorme scandale financier éclata dans cette entreprise).

J'ai l'impression de vivre cela à nouveau, dans un autre domaine: il est devenu absurde de stocker de l'information façon grand-papa, comme si elle était rare; l'enjeu aujourd'hui est de fournir vite et à faible coût la bonne information à la bonne personne au bon moment en s'appuyant (au moins en partie) sur ce qui est fait ailleurs.

Cela vous paraît d'une effarante banalité?
A moi aussi.
Si seulement c'était banal pour tout le monde.

Notes

[1] à partir de celui-ci, d'ailleurs

[2] qui d'ailleurs a son propre univers