J'ai assisté hier a ce qui était sans doute ma dernière réunion de parents en primaire — sans nostalgie aucune.

Préparation de classe de mer, j'ai déjà vu le numéro deux fois. J'admire l'instituteur impavide qui prévient les mêmes questions, les éternelles inquiétudes sans objet :

— Aucun médicament ne sera administré sans ordonnance, inutile de fournir une valise de médicaments. Si vous bénéficier d'un protocole P.A.I. (ou A.P.I? de mémoire: autorisation administrative de dispenser un traitement sur les lieux scolaires pour une maladie chronique, le plus souvent l'asthme), tout se passera comme d'habitude. Quelle que soit la maladie nous appelons un médecin, et si nous appelons un médecin, nous vous prévenons. Donc ne vous EVANOUISSEZ PAS si nous appelons, ce n'est pas forcément grave.
Une mère : — Et vous appelerez si vous administrez de la Ventoline ?
L'instituteur : — Je ne vous appelle pas quand je le fais à l'école, pourquoi voulez-vous que je vous appelle de classe de mer ?

— Prévenez-nous en cas d'allergie ou si vous respectez des interdits alimentaire. Le cuisinier est à notre disposition et fait de son mieux, alors merci de ne pas noter que votre enfant n'aime pas les épinards s'il n'aime pas les épinards: nous ferons des épinards quand même.

— A l'aller, la valise est remplie de vêtements soigneusement repassés par la maman — ou le papa (je ne veux pas être sexiste) — au retour, non ! Alors prévoyez des sacs plutôt que des valises, et des sacs plutôt trop grands.

— Nous les nourrissons, il est inutile de leur envoyer des colis de nourriture.

— Ecrivez au moins deux fois (en dix jours). Le téléphone est interdit (et nous trouverons les portables !)
— Mais pourquoi ?
— Parce que cela déstabilise trop les enfants. Ils vous écriront deux fois durant le séjour, mais la correspondance est libre. Donc ne venez pas vous plaindre si vous recevez « je vais bien; tout va bien » (et je songe avec présomption que je recevrai mieux que ça, mon plus jeune a un brin de plume et a compris les principes).

— En cas de décès dans la famille, ne prévenez pas les enfants par courrier, téléphonez au centre et demandez un responsable (non, je ne donne pas mon portable !)
Et je reste ahurie que des parents puissent envisager de prévenir leur enfant de dix ans en classe de mer de la mort d'un être cher par une lettre.

Etc, etc.
J'admire l'humour et le dévouement de cet instituteur plutôt mal vu (il aime la discipline). Ses élèves ne grandissent pas (puisqu'il a année après année des CM2), il est plus surprenant que les parents ne grandissent pas non plus.


Les parents ne cessent de m'étonner par leurs inquiétudes multiples, on dirait qu'ils ne peuvent survivre loin de leurs enfants (et ils imaginent clairement que l'inverse est vrai, quelle prétention). Comment ont-ils fait pour ne jamais se séparer de leurs enfants avant que ceux-ci n'aient dix ans ? Ont-ils donc tous de la famille sur place ou des mères au foyer pour les garder pendant les vacances ?
L'instituteur rappelle cette vérité de base: Point de nouvelle, bonne nouvelle.

Qui avais-je donc choqué ainsi ? Mes parents partis à l'autre bout du monde, je-ne-sais-qui me demanda s'ils étaient bien arrivés :
— A priori oui, puisque la radio n'a annoncé aucun crash.
On m'avait regardé avec horreur.


J'en ai parlé à midi à Paul. Il m'a raconté que dans les années 30 au collège Sainte-Croix du Mans, une mère d'élève en 6e était venue se plaindre de ce que la professeur d'anglais parlait… en anglais.

J'ai ri de bon cœur. Je me souviens de cette mère, lors d'une préparation de première communion, qui s'était émue de la violence de la mort sur la Croix : ne pouvait-on éviter cela aux enfants ?
Le prêtre, avec un fin sourire: — Il est tout de même difficile de faire l'économie de la Passion.