Pendant les vacances de Noël, en ouvrant le quotidien régional chez mes parents, je tombe sur un article sur l'hôpital : photographie de couloir, gros titre accrocheur, rappel de la mort à Massy de cet homme qui n'a pas trouvé de lit aux urgences.

Mon cœur se serre et j'espère que mon père n'a pas vu l'article (ce qui est impossible).
Ma grand-mère est morte sur une chaise dans le couloir des urgences de l'hôpital de Vierzon un jour de juillet 2001 (tandis que je me souviens des dates de naissances, celles des morts m'échappent). Mon père venait de la quitter pour rentrer à Blois, elle s'est sentie mal, a appelé une ambulance ou un taxi. Elle avait quatre-vingt-sept ans, c'était l'été — avant la canicule de 2003 — on ne s'est pas occupé d'elle.

C'est moins sa mort qui me touche (bien qu'elle me manque terriblement, et de plus en plus) que les circonstances de cette mort, l'humiliation de mourir sur une chaise d'hôpital en attendant que quelqu'un veuille s'occuper de vous.

Ma grand-mère habitait une ferme très isolée. Elle avait des malaises cardiaques sans savoir qu'il s'agissait de cela. Le cardiologue lui avait donné une boîte de pilules ; elle devait en prendre une chaque fois qu'elle avait un étourdissement. Il m'avait expliqué à mi-voix : « Ainsi, en comptant le nombre de pilules manquantes, on saura combien de fois ça lui est arrivé ». J'avais admiré l'astuce.
Ma grand-mère m'avait raconté qu'un jour qu'elle déterrait des pommes de terre, elle s'était sentie terriblement mal : « Je me suis dit: "si je meurs là, on me retrouvera dans trois jours, les corbeaux m'auront mangée. Il faut que je rentre à la maison pour mourir". »
Elle concluait: «Et voilà, je ne suis pas morte».

Tout ça pour mourir sur une chaise dans un couloir.