Sur le quai, tandis que le train ralentit pour s'arrêter, l'appréhension d'un wagon vide et froid ferait presque espérer les wagons surpeuplés et malodorants.

En face de moi, une grosse jeune femme noire à casquette chinée blanc et noir a dû manger un pain aux lardons, l'air empeste la charcuterie. Mon voisin tient sa baguette dans l'alignement de sa cuisse, la forme de sa chaussure correspond curieusement à celle du pain, miroir blond.
Cinq rangs plus loin un homme lit Crime et Châtiment dans une édition de poche jaunie et cornée de Garnier-Flammarion. Il termine le tome I. Enfin, je suis persuadée que c'est le tome I. (Ce matin, mon voisin a fermé Ecrits sur l'hésychasme quand j'ai ouvert mon livre.)

Je souffle. Pas de vapeur blanche. Plus de 6°, c'est déjà ça. Je lis à mi-voix, je marmonne pour me défendre contre la voix de la femme au téléphone. Je change de place. Le froid alourdit le métal de mes lunettes. C'est long. Je lis un peu.