Je continue d'indexer Vehesse. Ce matin, je tombe sur ça. L'ami, c'était Paul. J'ai prêté Douglas Adams à Paul… Ma folie (comprendre: mon inconscience) ne m'apparaît jamais que rétrospectivement.

Cependant, s'il me l'a rendu en 2004, c'est que je lui ai prêté en 2003. Il m'est difficile de me représenter la vivacité de son esprit à cette époque. Les derniers souvenirs écrasent les impressions antérieures.

J'avais pris très au sérieux son désir de "lire" (découvrir la littérature) et je tâtonnais, cherchant ce qui lui plaisait, ce qui lui aurait plu, ce qui lui aurait permis de discuter avec ses petits-fils (son grand souci), mélangeant les genres, les degrés de difficulté. Ce n'est que lentement que j'ai admis qu'il ne "lirait" jamais, il était trop tard, cela ne l'intéressait pas assez, il ne pouvait aller à la fin des livres (il les abandonnait sans les terminer).

Je n'ai découvert/compris que très tard que sa passion littéraire aurait été les auteurs latins. Il en avait un souvenir vif, me confiant qu'à une époque il lisait La guerre des Gaules couramment dans le texte. Vers la fin, il avait souvent sur lui une mince plaquette bilingue de Cicéron ou de Lucrèce.

Et ces mots de Fumaroli m'ont touchée au moment où j'en avais la preuve devant les yeux:
C'est au cours de la brève vacance de l'enfance et de l'adolescence que sont semées (ou non) dans la jeunesse les futures ressources de l'esprit, de l'âme et du cœur, dont disposeront (ou non) l'âge adule et le grand âge. Je me retrouve maintenant, senex-puer, au temps des vendanges, lisant et relisant, mais aussi écrivant et réécrivant, étonné de trouver dans ces exercices un remède aussi efficace à la mélancolie de mon automne que l'avaient été, à celle de mon printemps, mes premières plongées dans la lecture.

Marc Fumaroli, préface à Exercices de lecture, p.8 et 9
(Et je m'inquiète, faisant le compte de ce que j'ai lu à l'adolescence: quelle pauvreté.)