Matinée aux urgences. C. m'accompagne, il conduit.
— C'est bon, tu peux me laisser, tu ne vas pas attendre toute la matinée, je rentrerai en RER.
— Maman, arrête. Il faudrait que tu acceptes qu'on s'occupe de toi.
Les larmes montent. Je sais qu'il ne faut surtout pas attendre cela.



Après-midi à La Défense. J'avais un rendez-vous, il s'avèrera que j'aurais pu m'abstenir de venir.

Je suis absente depuis mercredi dernier. K. m'accueille avec embarras :
— Il y a du nouveau.
— Quoi? Grave?
— Non… Lisez vos mails.

Elle m'explique en quelques mots. Mon patron a attendu que je sois partie, et le mercredi a envoyé des ordres auxquels je m'opposais depuis des mois. Mon projet est mort. Cet après-midi il est venu prendre de mes nouvelles. J'étais en train de regarder le site UGC. Il m'a serré la main.
— Ça va?
— Oui.
— Qu'est-ce que vous vous êtes fait?
— Je suis tombée.

Ce qu'il vient de faire, c'est d'entériner qu'il ne veut pas que je travaille. Je me battais pour travailler, pour faire avancer le projet alors qu'il insistait pour le partager entre trois autres personnes sur lesquelles il n'a pas autorité hiérarchique et débordées de travail par ailleurs. Il a donc envoyé son mail. Je ne sais pas trop ce que je vais faire. Poser des journées de vacances les jours de réunion jusqu'au mois de juillet. Chercher un autre job? Ce qu'il faut savoir, c'est que mon patron ne nous suivra pas lors de la vente de l'entreprise. En effet, en tant qu'appartenant à la direction générale, il est salarié non de la filiale, mais de la maison-mère. Comme il a soixante ans, il ne sera sans doute pas racheté par les repreneurs mais repartira dans la-dite maison-mère, d'où son comportement: il multiplie les signes d'allégeance vers cette maison, tandis que je me battais pour sortir le projet du formalisme imposé par elle, et pour demander aux opérationnels des actes utiles pour la filiale quel que soit le futur.

Je ne me sens même pas réellement en colère, plutôt en deuil. J'aurai essayé. Mais ai-je réellement fait de mon mieux? Sans doute pas, je ne me suis pas assez expliquée, pas assez patiemment. Je m'en veux un peu, vaguement, même si je me dis que les intérêts de mon chef, qui cherche juste à se protéger pour les mois à venir divergent trop des intérêts de la boîte. Je ne sais pas ce que je vais faire. Bloguer, lire. J'ai dit à K. qu'elle pouvait ramener ses documents au bureau et travailler à son mémoire de fin d'études.


Cela a-t-il un rapport? Alors que j'avais marché normalement jusque là, une violente douleur dans le pied droit me fait boîter en rentrant chez moi. Je décide (exceptionnellement, pour tenter d'être raisonnable, à l'encontre de toute la tradition héritée de ma grand-mère paternelle) de retourner aux urgences. Nous en sortons à minuit, ils ont oublié de regarder ma radio, ils m'ont oubliée, cela fait trois heures que nous aurions dû être sortis, et de toute façon je n'ai rien, une toute petite entorse de rien du tout, j'ai honte d'avoir créé tout ce remue-ménage pour si peu, pour rien ("accepter qu'on s'occupe de moi": tu parles, c'est inutile, ça ne marche pas, la preuve: il n'y a rien, pas de problème. Je ne vais tout de même pas m'en plaindre, non?).