Lundi j'appelle ma mère que je n'ai pas eu au téléphone depuis son retour de vacances.
De plus en plus souvent je téléphone plutôt qu'écrire alors que j'ai horreur de cela. La raison en est paradoxale: c'est pour ne pas donner de nouvelles. Elle ne sait rien de mes études en théologie, rien de mes blogs, rien de mes lectures, et je n'ai pas envie de parler des enfants car la situation m'attriste. Or si j'écris, il faut bien que je trouve un sujet; alors que si je téléphone, c'est elle qui parle, problem solved.

J'ai donc appris en quelques minutes la mort de la tante Paulette (que j'aimais bien, elle venait de Brantôme (les deux propositions apposées n'ont pas de lien causal)). Elle avait plus de 90 ans, c'était dans l'ordre des choses (commentaire de ma mère: «Il ne reste plus beaucoup de belles-sœurs de mémé» (tandis que ma tante m'avait dit trois jours avant «Il ne reste plus qu'un frère et une sœur» (sur treize, note de la rédaction))); puis celle d'une petite-cousine de papa «à 56 ans, tu te rends compte, c'est jeune, elle était en fauteuil roulant depuis plusieurs années, je n'ai jamais bien compris quelle était sa maladie»; et enfin celle d'une fille de Marila: « Tu te rappelles de Marila? (évidemment que je m'en souviens), eh bien elle avait une fille, tu sais, en 81, on lui envoyait de la bouillie (en Pologne, NdR), eh bien elle s'est mariée le 6 avril et elle s'est tuée en voiture le 8!»
Ma mère de conclure: «Tous ceux qui étaient au mariage se sont retrouvés à l'enterrement».

Quel était le mot qu'utilisait Compagnon? Shadenfreude?

Et moi de me demander in petto quel sort poursuit désormais la branche maternelle de mon père.

Ma mère continue (ou fait des incises, je m'y perds):
— Oui, on a été au courant par le cousin qui fait des recherches généalogiques. D'ailleurs ça le désespère que ça n'intéresse personne de notre côté. Parfois il me dit «il n'y aurait pas un fils de Joseph que ça intéresserait, L., par exemple?»
— Tu sais, L., ses enfants sont trop petits, entre l'aîné et les jumeaux, ça m'étonnerait qu'il ait le temps de faire autre chose pendant quelques années encore.
— Surtout qu'ils en attendent un quatrième, encore un garçon.

Et voilà comment j'apprends les grossesses dans ma famille. Cela me fait toujours un peu de peine de voir que les naissances sont moins un sujet que les morts.

(Pour mémoire, l'un des jumeaux a un nom proustien: Céleste.)