A huit heures, passage d'un artisan qui évalue les travaux pour le remplacement des velux.

A neuf heures, départ pour Blois et l'anniversaire de mon père. Deux parties de belote sauvent l'après-midi mal engagée. (Ma fille n'est pas venue puisqu'elle travaille, les garçons et H. font la sieste, je reste debout dans le salon à faire la conversation en sachant que si je m'assois, je m'endors).

Ma mère parle du centenaire de la guerre de 14, des églises qui ont carillonné le 1er août: «J'ai regardé un documentaire; tous les hommes sont partis, ils ont emmené les chevaux. Et il y avait la moisson à faire. Comment ont-ils fait? Mon père avait neuf ans à l'époque. Il n'était pas drôle, mais maintenant je comprends mieux, quand on pense par quoi il est passé dans son enfance.»

Histoire de famille au dîner. Mes parents ont appris très récemment que le cousin de papa avait souscrit deux assurances-vie au profit de mon père et mon oncle, sa seule famille connue (depuis, le notaire a découvert vingt-huit cousins en Pologne). Les sommes sont importantes et mes parents un peu sonnés par cette bonne nouvelle.
La maison du cousin est vendue ou en passe de l'être (elle a été longtemps sous scellés pour l'enquête, l'est-elle encore?), ma mère a répété au notaire puis à son successeur (le premier étant mort) qu'elle souhaitait récupérer les photos de famille mais n'a pas de nouvelles. Je crains qu'il ne soit trop tard.

Elle nous raconte l'histoire d'une grand-tante éloignée, mais très proche de la famille (une grand-mère pour ma mère, en quelque sorte, de l'autre côté de la cour de la ferme). Cette grand-tante et son mari, sans enfant, avaient opté pour le régime de la communauté universelle. Elle est morte la première, tous les biens sont revenus à lui. Quand il est mort, comme il était de l'Assistance (publique, ie abandonné, sans famille connue), tous leurs biens sont revenus à l'Etat et ont été vendus aux enchères (alors que si c'était elle qui était morte en dernier, ses neveux et nièces en auraient hérité):
— Ma mère [ma grand-mère] a assisté aux enchères et à chaque fois qu'un lot passait, elle récupérait les photos de famille.

Ces histoires de succession assises sur des règles juridiques me fascinent. Ai-je raconté la pire que je connaisse, elle aussi racontée par ma mère? Je ne sais plus de qui il s'agissait, de collègue de lycée, je crois. Le père et le fils se tuent dans un accident de voiture en allant à l'enterrement du grand-père. Selon les règles juridiques, quand on ne sait pas qui est mort le premier dans un accident, l'ascendant est réputé mort le premier, ce qui veut dire ici que les biens du père reviennent au fils.
Ce sont donc les descendants du fils (ici il n'y en avait pas) puis à défaut ses ascendants qui héritent, en l'occurence la mère du garçon. Or le père et la mère étaient divorcés. Elle a donc hérité de la moitié de la maison de son ex-mari (qui venait d'en hériter suite à la mort de son père) sur l'île d'Ouessant dans laquelle vivait depuis toujours son ex-belle-mère, une vieille dame qui venait de perdre mari, fils et petit-fils.
Que ce soit vieux règlement de compte entre belle-mère et bru, divorce mal digéré ou douleur d'avoir perdu son fils, elle a exigé de toucher la valeur de la moitié de maison devenue sienne, obligeant la vieille dame à lui racheter sa part ou à vendre le lieu où elle avait vécu toute sa vie.

Anicroche: A. téléphone, elle n'a pas ses clés pour rentrer à la maison. Je songe à Rhotull («c'est quand même des sous-doués des clés») et nous l'envoyons chez les voisins en attendant notre retour vers minuit.