Retour à ces rendez-vous mensuel. Thème facile: "un été, un livre". J'ai amené le Marie Stuart.

Admirable cours de savoir-vivre et de gentillesse (est-ce la même chose?) de la part de ma voisine, qui relance plusieurs fois par des questions ciblées le discours de la vieille dame en face de moi qui présente longuement son livre — ça n'en finit plus —, nous racontant absolument tout (j'en ai oublié le titre: un gros roman de 2013 racontant la vie d'une rue anglaise), fascinée par l'argent étalé dans le récit.

Son voisin me lance des coups d'œil goguenards, il s'ennuie. Lui présente Un été avec Proust, tiré de l'émission de France Culture. Visiblement il n'est pas convaincu et pose la question qui le taraude: y a-t-il réellement des gens qui lisent Proust, ou est-ce réservé à un petit nombre de spécialistes? Je lui assure que oui, il y a des lecteurs, «mais La recherche n'est pas un livre que vous lisez pour passer à autre chose, c'est la lecture d'une vie, vous y revenez régulièrement, vous ne le lâchez jamais plus».
(Je repartirais avec son livre pour que celui-ci ne reste pas sur la table. Pour moi c'est une lecture facile, je commence à bien connaître Proust, mais comme dirait Barthes, à chaque lecture on découvre des passages qu'on a jamais lus.)

Ma voisine de droite présente A l'encre russe qui l'a déçue (mais alors, pourquoi le présenter? C'est étrange) et un autre poche que j'ai oublié. Je repartirai avec le Rosnay en me disant que j'en aurai au moins lu un, avant de m'apercevoir en l'ouvrant que je suis incapable de lire ce genre de phrases sans force.

Le dernier participant est un trentenaire venant pour la première fois. Il présente une autobiographie de Miles Davis. Comme elle est écrite en anglais je l'emprunte en me disant que personne d'autre ne la prendra. En toute innocence (je veux dire qu'il ne connaît pas encore les travers de ces réunions) il cite Deleuze sur Proust, Perec et La vie mode d'emploi à propos du livre de la vieille dame. Les autres sont un peu perdus. Il m'emprunte Marie Stuart.

Comme nous parlons de nos prochaines participations, j'évoque l'impossibilité de venir le mardi l'année dernière; de fil en aiguille, je parle de mon cursus et de la théologie. J'ai toujours la même surprise de découvrir que cela passionne les gens. Le jeune homme est d'origine arménienne (qu'il ne parle pas) et étudie le russe, la conversation glisse sur les orthodoxes et les chrétiens d'orient, nous faisons le tour des lieux de culte parisiens, j'évoque la librairie de St Serge, les autres tables se sont vidées que nous sommes encore à discuter.

J'avais prévu des chaussures plates pour rentrer ce soir, mais je les ai oubliées au bureau. J'arrive à temps pour prendre le bus B à Villeneuve-Saint-Georges (23h46), ce qui est plus rapide que le périple d'hier.