Je discute avec une ou deux personnes que je ne connais pas et qui ne connaissent personne, afin qu'elles ne se sentent pas isolées. P. et moi les raccompagnons à leurs voitures. Elles partent.

C'est alors que je me rends compte que je suis seule. Philippe, Tlön, Skot, blogueurs des premières heures qui ne sont ici que parce que je les ai présentés à P., et JY avec qui j'ai porté plainte contre JA et supporté un certain nombre de difficultés, tous sont partis à la cathédrale sans me prévenir, sans venir me chercher, sans que je compte le moins du monde.

Je m'effondre intérieurement. Il est toujours difficile d'être ramenée à la vieille malédiction, car on a beau savoir qu'on n'échappe pas à une malédiction («car à ceux condamnés à cent ans de solitude, il n'est pas donné de seconde chance»), il se trouve toujours des périodes où l'on pense l'avoir dépassée, l'avoir exagérée, que ce n'était pas une malédiction, que ce n'était qu'un concours de circonstances qui ne se reproduira plus. Et toujours la tentation de cette vieille question à laquelle je sais désormais qu'il ne faut pas vouloir répondre, qu'il faut juste la balayer de ses pensées: «C'est eux ou c'est moi?»

Je m'endors sur un canapé du salon, après m'être sans doute évanouie quelques secondes dans les WC (évanouissement ou sommeil flash? Comment savoir? Quelle est la différence?)
Plus tard, ils reviendront puis s'entasseront à cinq dans une voiture pour rentrer à Paris, me laissant seule dans la mienne.

Plus tard encore, découvrant que Skot m'a envoyé vers 15h le téléphone d'une amie, nous aurons l'échange de SMS suivant:
— ??
— C'était le téléphone de X. (commentaire off: oui, ça j'avais compris. Mais pourquoi?) Sinon ça va? Tu semblais fâchée, on n'a pas compris…
— Fâchée? (Je décide de donner mon point de vue, même si c'est pitoyable. Juste pour voir, comme au poker: voyons ce que je vais avoir comme réponse. Je m'applique à utiliser des termes sans ambiguité. (Sachant que c'est un peu injuste que cela tombe sur Skot qui est le plus à même de culpabiliser)) En larmes d'avoir été larguée comme une vieille chaussette. J'aurais préféré que vs pensiez à moi avant plutôt que vs vs inquiétiez après (Vs êtes vraiment bizarres).
— Terrible malentendu! Je t'ai appelée plusieurs fois au moment de partir et P. nous a dit que tu suivais.
— Il ne m'en a rien dit.
— Il devait être occupé avec ses autres invités Désolés mais on n'a pas tt de suite compris que tu souhaitais venir et on a pensé que tu nous rejoindrais avec d'autres convives.
— Tant pis. […]

Je sais déjà que je ne saurai jamais ce qui s'est passé. Je n'ai rien entendu, mais comme je ne faisais pas attention, cela ne veut rien dire; P. ne m'a jamais dit que nous pouvions les rejoindre, se bornant à répéter en boucle «ils vont revenir» (Mais qu'est-ce que ça peut me faire qu'ils reviennent puisque ma présence leur est indifférente? Quelle importance désormais? Et pourquoi P. n'y est-il pas allé? Ce n'est pas si souvent qu'il croise JY, Tlön ou Skot. N'avait-il aucun désir de bavarder un peu, dégagé des soucis d'hôte de maison? J'ai le soupçon que cela lui plaisait que je reste, qu'il n'a rien fait pour que nous partions avec les autres.)


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Agenda
J'emmène la collection entière des Maigret et deux Rohmer.
Les trois ados installés dans le salon avec leurs portables ont fait fondre les fils électriques à force de jouer en ligne.