Impossible de ramer la semaine dernière pour cause de brouillard.
Aujourd'hui, le courant est rapide et le niveau de la Seine a beaucoup monté. L'eau est brun sale et charrie beaucoup de déchets, à commencer par des débris végétaux, branches et troncs, dangereux pour nos coques. Les péniches semblent dévaler la Seine comme les enfants une pente: «Normal, explique quelqu'un, il faut qu'elles aillent plus vite que le courant pour être manœuvrables.» Mais oui, c'est évident, c'est une question de physique.
Je contemple les arbres et me dis que j'ai été absente trop de week-ends: je n'ai pas vu la dernière chute de feuilles.

Monté la crèche, décoré le sapin.

Je continue mes notes sur L'Eglise de Congar. Livre aride, technique, dont le titre complet devrait être quelque chose comme L'évolution de l'idée d'Eglise à travers deux mille ans de christianisme. Exemple : le détournement de la pensée de Gélase:
«Il existe en effet deux instances par la primatie desquelles le monde est régi: l'autorité sacrée des pontifes et le pouvoir royal. En cela, la charge des évêques est d'autant plus importante qu'ils auront à répondre, au tribunal de Dieu, pour les rois eux-mêmes» «Duo quippe sunt, imperator auguste, quibus principaliter mundus hic regitur: auctoritas sacra pontificum et regalis potestas. In quibus tanto gravius est pondus sacerdotum, quanto etiam pro ipsis regibus hominum (domino?) in divino reddituri sunt examine rationem.»

Yves Congar, L'Eglise, p.32-33 (Cerf, 1970)
Au VIIIe et IXe siècles, cette citation est reprise dans un autre contexte:
Le Christ est à la fois prêtre et roi, selon le type biblique de Melchisédech. […] C'est pourquoi les deux pouvoirs, que le Christ réunit, se trouvent, mais séparés, dans son corps fait des fidèles. […] Et l'on cite le texte de Gélase, «Duae sunt» (supra, p.52)

Mais ce texte a subi ainsi un changement profond de sens. Pour Gélase, c'était le monde, mundus hic, qui était régi, comme par deux principes, par les évêques et par les rois. Pour l'épiscopat carolingien, c'est l'ecclesia-corpus Christi, l'Eglise-Corps du Christ. C'est au point que, si le texte de Gélase est souvent cité avec les mots originaux «mundus hic», «ce monde», bien que dans un contexte d'application à l'ecclesia, il arrive que les mots «mundus hic» soient remplacés, dans la citation même, par ecclesia ou, en tout cas, que le gouvernement de l'ecclesia soit attribué aux pontifes et aux rois. […] Ainsi ecclesia désigne, non plus (seulement) ce que nous appelons l'Eglise, mais le peuple des baptisés ou des fidèles, la société des chrétiens.

Ibid., p.52-53