Depuis Charlie (ah tiens, j'en ai vu en kiosque aujourd'hui), des militaires montent la garde devant l'école juive de Yerres. Au début c'étaient des policiers de la police nationale, désormais il s'agit de cinq militaires en treillis (cela doit varier en fonction des disponibilités, je suppose) devant les portails, sabbat et dimanche compris. L'école est située sur l'un des axes les plus passants de la ville du nord au sud et nous ne pouvons éviter de les voir, soir et matin.
Quand nous passons devant eux, dans le froid ou sous la pluie (pas de guérite — c'est une école, il n'est pas prévu d'abriter des militaires des intempéries), je me dis, dans le mouvement des CRS applaudis le 11 janvier («on est gêné, on n'a pas l'habitude» m'a attendrie), que je devrais leur apporter du café. Mais où garer la voiture, et auraient-ils le droit de l'accepter? (sans doute pas).

Toujours est-il que croisant leur regards, sentant la tension de leurs corps, la main sur leur arme, je songe: cette posture n'est-elle destinée qu'à les maintenir en alerte? Comment rester sur le qui-vive quand il ne se passe rien? En vient-on à certaines heures d'ennui et de désœuvrement à souhaiter de se faire attaquer, pour qu'enfin, enfin, il se passe quelque chose (pour qu'on ait peut-être l'occasion de se conduire en héros, de justifier des heures d'entraînement et de garde)? Quel paradoxe, cette tension à souhaiter à la fois qu'il ne se passe rien et qu'il se passe quelque chose…

Et peut-être parce que je commence à être très atteinte, ou un peu désespérée à l'idée que je ne suis pas à la hauteur, ou juste parce que j'aime écrire le mot "eschatologique", je me dis que cela ressemble à l'attente de la fin des temps, pour les religions juive ou chrétienne: devoir attendre comme si elle devait se produire à tout moment tout en espérant mourir sans avoir vu cela (pour plus de développement, cf L'Etoile de la rédemption de Rosenzweig).