Tôt le matin je me remets à ma fiche de lecture. Toujours des problèmes de méthode (ce que je fais s'apparente plutôt à des notes de lecture et c'est beaucoup trop long, je n'ai pas le temps de faire cela, il faut que je m'y prenne autrement — mais comment? (je note ici ces questions scolaires car je n'en reviens pas de les avoir encore — en fait je ne les ai jamais résolues). Vers cinq heures du matin, je décide de tailler dans le vif, de reconstituer la démonstration du volume et de laisser tomber le reste (ça devient très court, soudain!) en notant à part les définitions et les citations bibliques.
En cherchant des conseils de méthode sur Google, je trouve un petit livre de Sertillanges, La Vie intellectuelle, inspiré de seize préceptes de Thomas d'Aquin. Mon Dieu, du self-help français en 1921! (Ne pas trop lire, ne pas trop se spécialiser : de quoi me redonner le moral).

Journée comme les journées depuis le début de l'année: tout va mal. Tout s'est terriblement dégradé depuis septembre, les gens et l'informatique ont l'air de ne plus tenir le coup. C'est infernal, on s'emmêle dans les mêmes demandes formulées trois fois à trois semaines d'intervalles à trois personnes différentes, les adhérents s'énervent et il y a de quoi (jeudi, j'écris un mail au délégataire intitulé "JE CRAQUE." Je réussis à attirer leur attention.)

Tutorat encore. Sueurs froides: en voulant imprimer le document envoyé à ma tutrice vendredi matin d'un Starbuck (document terminé en catastrophe sur les genoux — je dois être la seule à synthétiser quelques chapitres d'Initiation à la pratique de la théologie dans un Starbuck à huit heures du mat' avant d'aller à un colloque de langues anciennes — cela me fait rire, j'éprouve une certaine fierté devant cette excentricité, mais en même temps cela me désespère d'être toujours aussi à la bourre, de ne jamais être aussi sérieuse que je le souhaiterais — mais d'un autre côté la proscratination… si j'avais du temps, ferais-je mieux? pas sûr), en voulant imprimer le document, donc, je découvre que mon mail ne contient pas de document attaché.
Mais si ma tutrice ne m'a rien dit, c'est qu'elle a estimé que vendredi, c'était trop tard, que j'aurais dû envoyer le doc jeudi… Je suis à la limite des larmes, morte de honte… si j'avais son téléphone je décommanderais le rendez-vous. D'un autre côté c'est absurde, c'est elle qui aurait dû décommander si elle trouvait que j'avais fait montre de trop de désinvolture en lui envoyant mes notes trop tard, et en outre en oubliant le document attaché…
La mort dans l'âme, j'y vais quand même, et il se trouvera qu'elle a bien reçu mes notes — je ne comprends pas comment est paramétré mon mail, pourquoi je n'ai pas vu de document attaché. Enfin qu'importe, elle se déclare satisfaite: «J'ai été contente de lire cela, vous avez bien avancé». J'en suis heureuse et intérieurement un peu interloquée: je n'ai fait que reprendre la démonstration d'Hervé Legrand, je n'ai même pas pris la peine de changer l'ordre des parties, et elle le sait puisqu'elle a apporté le livre. Je ne m'habituerai jamais au fait qu'on attende de nous de la restitution tout en nous proclamant qu'il nous faut produire «un travail personnel». Je le sais, je le sais, je le sais, mais j'ai un tel sentiment d'imposture et de plagiat quand je travaille ainsi que je m'imagine toujours qu'on attend autre chose.

Il est probable — je n'y avais pas pensé — que je vais pouvoir écrire quelques lignes sur cette différence qui me paraît essentielle, le bon et le bien («Vous pouvez mener une vie parfaitement morale sans amour». Ah mais oui, et mes héros préférés sont les amoraux pleins de bonté (non, ça je ne le mettrai pas dans ma dissert)).