En fait, le "véritable" anniversaire, c'est aujourd'hui, l'anniversaire du mariage religieux.

Vingt-cinq ans. Je dois pouvoir considérer que j'en suis à la moitié de ma vie d'adulte, car il est plus probable que je vive jusqu'à soixante-quinze ans que jusqu'à cent, en tout cas en pleines possessions de mes moyens intellectuels.
La moitié parcourue donne une idée de la moitié restant à parcourir. C'est difficile de donner une épaisseur à la durée. On tend à imaginer le temps de façon logarithmique, si je puis dire, ou selon les règles de la perspective: autant ce qui est proche conserve une durée réaliste, autant ce qui est lointain est déformé, plus tassé.

Il s'agirait donc de donner aux années à venir la même durée que les années passées, de déplisser le temps.
Je pense à cette remarque de l'équipe traversant l'Antartique avec des chiens: «arrivés à la moitié, c'est devenu plus dur, car inconsciemment on s'imagine être arrivé en haut de la montagne et qu'il n'y a plus qu'à descendre, que cela va être plus facile. Mais en réalité la deuxième moitié est aussi longue que la première, et c'est plus dur parce qu'on est fatigué» (impossible de retrouver le titre du film).

Exercice de mémoire, reconstitution du temps passé, vingt-cinq mois d'avril. Ou pas tout à fait, avril 2006 suffira, début des blogs.

- avril 1990 : mariage.
- avril 1991 : je travaille au pire endroit où j'ai jamais travaillé.
- avril 1992 : Je suis enceinte de Clément, peut-être déjà en congé maternité. Nous passons une semaine à Verrière-le-Buisson, chez Brigitte qui nous a prêté sa maison pour que nous la gardions et sortions de notre appartement d'Aubervilliers. H. est tout excité à propos de NeXT, mais je ne sais plus exactement ce qui se passe.
- avril 1993 : Rien de particulier. Sans doute les deux pires années de ma vie. Mon entreprise (une mutuelle d'assurance) a déménagé de porte d'Asnières à Levallois-Perret. Je passe beaucoup de temps à la bibliothèque de Levallois, excellente.
- avril 1994 : Cela fait cinq ans que je travaille (septembre 1989). J'écris à Sciences-Po pour demander un dossier d'inscription dans la filière parallèle réservée aux salariés avec cinq ans d'expérience. (Finalement je serai reprise directement en troisième année après un entretien en juillet).
- avril 1995 : Sciences-Po. Le bonheur. Je suis enceinte de deux mois. Personne ne le sait à l'école, de la même façon que j'ai caché mon fils.
- avril 1996 : J'ai négocié mon départ. Je suis au chômage. Je suis un stage d'anglais d'une semaine avec Anne-Claire à deux pas de la place des Vosges.
- avril 1997 : Rien de particulier concernant avril. Tour G*n. Je suis en train de faire une grosse conn**.
- avril 1998 : Enceinte du dernier de façon imprévue. Je ne sais comment l'annoncer au bureau. Trois mois et demi, quatre mois. Je n'ai toujours rien dit.
- avril 1999 : Nous achetons une maison, le prêt commence en juin. Je suis terrifée, je ne comprends pas comment nous allons nous en sortir financièrement.
- avril 2000 : Nous fêtons nos dix ans de mariage avec des copains, sur la terrasse sous une pluie battante. J'ai rédigé une invitation: «Une maison, trois enfants, venez fêtez dix ans de bonheur bourgeois». Cela ne fait que refléter mon étonnement d'être parvenus jusque là, d'avoir tenu jusque là. C'est la dernière fois que je vois Jacqueline. (Ou pas? ne sommes-nous pas allées à la piscine avec nos garçons l'été suivant? je ne sais plus.)
- avril 2001 : Je cherche à quitter mon entreprise. Je m'ennuie. Je me suis inscrite à un Deug de philo par correspondance (à Toulouse!) J'écris une dissertation sur Platon dans l'arrière-pays niçois (nos premières vacances ailleurs que chez Eric, nos premières vacances payantes), mais je ne sais plus si c'est en avril ou en mai (je songeais au pont de l'Ascension: 24 mai, me dit Google). Nous avons eu une panne de voiture un jour férié, mais je ne sais pas si j'ai encore la facture.
- avril 2002 : Le Pen passe le premier tour des élections présidentielles.
- avril 2003 : Quel jour était le vendredi saint? (le 18, me dit Google). Point de repère pour une autre grosse conn** que je regrette amèrement.
- avril 2004 : Quelque part en avril H. se fait opérer de l'épaule gauche (je ne me souviens pas de cette période, où pourtant il a fallu que je me débrouille seule puisqu'il ne pouvait pas conduire. Je ne me souviens pas.) R.
- avril 2005 : La mort de notre chatte Framboise, peut-être? (c'est cette année-là, mais quand? En mars, en avril? Je l'aimais profondément, nous l'avions depuis juin 1989).
- avril 2006 : François Matton fait des commentaires absurdes sur la SLRC, tout le monde en semble très satisfait. Quand je démontre ses contradictions et sa malveillance, JV vient le défendre. Je suis écœurée par toute cette bêtise pour ne pas dire méchanceté. Je quitte la SLRC.
- avril 2007 : Venise
- avril 2008 : premier article accepté dans une revue universitaire
- avril 2009 : Venise
- avril 2010 : menace d'huissiers. Je suis très secouée.
- avril 2011 : dernière rencontre (en date) avec "lecteur"
- avril 2012 : quelque part en avril je me casse un doigt (ce qui me permet de préparer Porto)
- avril 2013 : je clôture mon premier exercice liasse fiscale incluse
- avril 2014 : entorse — et liasse fiscale, mon lot d'avril tant que je resterai à ce poste
- avril 2015 : j'écris ce post en écoutant plus que regardant La Guerre des Mondes. Je le trouve plus terrifiant que la première fois. Le train en flammes qui passe dans la nuit en respectant parfaitement les règles de signalisation (le passage à niveau) est une idée magnifique.

Cet exercice est inquiétant.