Un certain Emmanuel proposait des cours de perfectionnement en skiff. J'avais reçu les mails sans oser m'inscrire, peur de me retrouver seule de mon âge avec des rameurs de quatorze ans (ça m'embarrasse, je n'y peux rien. J'ai peur de gêner.)

Finalement je me suis lancée: je quitte le bureau à La Défense à quatre heures et quart pour aller à Melun.
Temps magnifique, nous sommes quatre, les autres ont entre quinze et vingt ans. Emmanuel a les yeux très clairs, si étonnants que j'évite de le regarder de peur de me mettre à les observer.

Il semble surpris par mon coup de rame:
— Tu n'as pas fait de skiff depuis quand?
— Un an.
— C'est pas mal.

Plus tard:
— Tu connais la différence entre des bras tendus et des bras allongés?
— Euh… (je ne lui dis pas qu'il me rappelle Jean-Louis qui m'avait demandé la différence entre du steack haché et de la viande hachée.)
— Eh bien, il faut allonger les bras, toi, tu les tends. Ils ne doivent jamais être tendus, sauf au moment de la prise d'eau, et encore, ce n'est qu'une conséquence de la force qui s'exerce sur les pelles. (Il rit:) Détends-toi! J'étais en train de penser à tout ce que tu pouvais améliorer, mais en fait, c'est tout simple, détends-toi!


Et j'observe en moi-même avec philosophie et amusement qu'au moins c'est cohérent: aviron, rock, équitation, et même études, langues étrangères à l'oral, toujours le même diagnostic: détends-toi!

Et me connaissant, je m'imagine parfaitement concentrée, les dents serrées, en train de m'appliquer à me détendre…