Des propos du prix Nobel Tim Hunt sur les femmes scientifiques on suscité le tollé: «Vous tombez amoureux d'elles, elles tombent amoureuses de vous, et quand vous les critiquez, elles pleurent» ; tant et si bien qu'il a été contraint de démissionner du University College of London où il travaillait.

Les propos de Tim Hunt ne me surprennent pas, je les ai déjà entendus. Ce qui me surprend, c’est la réponse qu’ils reçoivent.

Concernant les larmes, pourquoi pas. En tant que fille qui pleurait très facilement (au point que lorsque mon assistante m’avait demandé pourquoi je m’étais mariée (ça la torturait car elle était célibataire à vingt-six ans et j’avais trois ans de moins qu’elle) je lui avais répondu «parce qu’il a toujours des kleenex» (le pire, c’est que pendant trois secondes elle m’avait crue)) et qui recommence à pleurer facilement (les hormones?), pourquoi pas. C’est embarrassant, il faut faire avec, ne pas y accorder trop d’importance et réussir à le gérer sans avoir l’air trop con. Bon.

Ce qui manque, c’est la contrepartie masculine. Si les femmes pleurent quand on les critique, que font les hommes? C’est simple, ils ne reconnaissent JAMAIS une erreur, ils ne reconnaissent jamais leurs torts. Impossible. Au mieux ou au pire, acculés, ils se mettent en colère. Est-ce mieux et plus facilement gérable socialement que des larmes? Je n’en sais rien, mais il est sûr que c’est aux autres de gérer, car ils n’admettront pas non plus qu’ils sont en colère. Non, ils ont juste raison.
Donc j’attends simplement des hommes qu’ils soient capables d’entendre cette généralisation sans nous fournir des contre-exemples (car les hommes généralisent sur les femmes, mais si une femme leur rend la pareille, inévitablement «elle exagère». Donc s’ils reconnaissent que les hommes se mettent en colère, je reconnaîtrai que les femmes pleurent. S’ils nient, je nie aussi, je fais comme eux, je leur cite une douzaine de contre-exemples. Car pourquoi eux pourraient-ils s’en tirer ainsi et pas nous?)

Concernant la partie «les femmes mettent le bazar dans les labos par leur présence sexuelle» (et affective?), j’ai entendu cet argument entre mes treize et quinze ans, et il m’a marqué à cause des hommes qui l’ont émis: mon oncle (vétérinaire) et mon entraîneur d’aviron (ébéniste), deux hommes que j’aimais beaucoup et pour lesquels j’avais beaucoup d'admiration. Or le drame d’admirer quelqu’un, c’est que vous avez tendance à croire ce qu’il dit. Donc je prenais pour argent comptant la phrase «une fille met le bazar dans une équipe» et j’avais juste envie de supplier et de m’excuser: «mais ce n’est pas ma faute si je suis une fille. Je n’ai pas choisi, je vous assure, j’aurais préféré être un garçon, c’est tellement plus facile! Acceptez-moi quand même, je vous en prie !» (Mais bien sûr, je me taisais).

Aujourd’hui, trente ou trente-cinq ans plus tard, j’ai juste envie de répondre: «ce n’est pas mon problème. Je gère mes règles, ma contraception, mes grossesses, alors si vous avez des problèmes, gèrez-les, je ne les porterai pas pour vous, j’ai assez des miens. Vos appétits sexuels, votre problème; vos besoins affectifs, votre problème; débrouillez-vous, prenez du bromure si ça vous aide! VOS hormones, VOTRE problème.»