Conversation sur le trottoir après le cours (sur St Jean - forts accents ricœurdiens).

— La chouette de ton ami Hegel…
— C'était la taupe, j'ai vérifié, il l'a piquée à Shakespeare, peut-être dans Hamlet, je crois.
— mais il y a aussi une chouette…
— oui, bien sûr…
— Il y a un paragraphe tout à fait savoureux sur les vaches dans la Phénoménologie
— A quel endroit? je n'ai pas dépassé les deux tiers du tome un.
— Il y a quelque chose qu'il faudrait que tu lises si tu as le temps: la correspondance de Hegel. Il y a des lettres à sa femme tout à fait délicieuses…
— Ah, il était marié? C'est en allemand?
— C'est traduit, je n'aurais pas le niveau… Il s'intéressait à tout, il y a la description de hannetons… A un moment, il faut bien qu'il vive, ça ne s'est pas trop bien passé à Iéna, il est embauché comme proviseur…
— Ça nourrit, ce n'est pas à négliger, comme disait notre cher Grammont à une jeune fille à qui il conseillait de passer le Capes.
— …Sa grande obsession, c'est les chiottes, il n'y en a pas, les enfants se répandent partout, il écrit des pages et des pages pour réclamer des fonds, la construction de chiottes. Et sinon, je crois qu'on est un peu pareil, on aime bien les fous, ça devrait te plaire… il y a ce type, un marchand de vin, un Français qui a épousé une Allemande… il veut comprendre la philosophie allemande, il lit Kant, Fichte, Schelling, il écrit à Hegel pour vérifier s'il a bien compris… il y a des paragraphes lumineux, totalement compréhensibles, et Hegel, le plus grand philosophe du temps et peut-être de tous les temps, qui répond à ce marchand de vin, qui lui dit que oui, à condition d'apporter telle et telle restriction ou précision, c'est bien ça…

(En échange de la correspondance de Hegel, je lui conseille, fou pour fou, Poésie du gérondif.)