TG sur la Trinité, avec ce moment étrange où on fait un tour de table en demandant à chacun de s'exprimer sur la Trinité:

- que risque-t-on davantage, le modalisme (trois modalités d'un seul Dieu (et non trois personnes en tant que telles, mais personne au sens antique et non moderne, chargée de conscience et de psychologie (mais qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire? Bien sûr que le ressenti de chacun par chacun a évolué, mais la notion est présente dès l'origine des écrits dont on dispose, non? Platon, Socrate, se considèrent bien comme des personnes, des individus. Le sentiment d'appartenance à la cité de Socrate ne l'empêche pas — au contraire — de mettre en avant sa propre opinion, son individualité)); donc que risque-t-on, le modalisme ou un trithéisme (accusation des musulmans)?

- comment vivons-nous la Trinité dans nos vies?
Euh… J'ai l'impression d'être à confess (nom des rencontres prof-élève en écoles préparatoires, du moins à mon époque) Qu'est-ce qu'une question pareille vient faire en cours? Serions-nous notés sur notre orthodoxie?
Je prends la parole, je raconte l'histoire de cette jeune fille qui me demandait si l'on pouvait s'inscrire au Cycle C sans être croyant, à qui j'avais répondu que c'était possible, mais sans doute non viable, car sans la foi, la motivation manquerait, c'était trop dur (déjà qu'avec la foi ce n'est pas facile tous les jours…) Mais elle n'avait pas entendu la fin de ma réponse, n'avait retenu que mon doute et avait protesté: «Ça me choque qu'on ne puisse pas s'inscrire en théologie sans la foi».
Ce n'était pas ce que j'avais dit, mais bon. Elle était encore étudiante, je n'ai pas insisté: comment expliquer une vie professionnelle et familiale à quelqu'un qui n'a jamais eu ni l'un ni l'autre — et qui n'est pas disposé à écouter? A quoi bon? Qu'elle essaie — ou qu'elle n'essaie pas.

Mais bon, «ce que je voulais dire, c'est que» je suis choquée de cette question sur la "Trinité dans nos vies" (entre guillemets pour souligner ma gêne, c'est vraiment le genre de sujet qui me paraît très privé): nous sommes en cours, pas en retraite spirituelle.

La prof insiste, nous nous soumettons, certains en restant abstrait, d'autres en jouant davantage le jeu, en étant précis, en parlant de prière, d'engagement dans leur travail. Nous dépendons pour une grande part de notre formation initiale, la qualité de l'enseignement reçu au catéchisme. Le mien, je m'en rends compte depuis que je suis ici, a été excellent, à croire que les prêtres de mon enfance passaient leurs nuits dans les commentaires théologiques et les analyses des conséquences de Vatican II. J'en suis rétrospectivement admirative.

Et donc, pour ne pas me dérober ici non plus, j'écris ma réponse: j'ai une foi christocentrée, sans doute parce que c'est l'entrée "naturelle" dans le catholicisme aujourd'hui (les enfants commencent avec l'Annonciation et Noël), sans doute aussi parce que j'ai lu les Evangiles dès qu'on me les a donnés (avant huit ans? après?), Jésus Christ est un compagnon quotidien, permanent1; je ne pense pas souvent à Dieu, dans une approche barthienne (un Dieu inconnaissable, sans mesure avec l'homme), partant du principe que les choses sont dans Ses mains et non les miennes; je vois souvent des signes de l'Esprit, les coïncidences, les coups de pouce dans les moments désespérés, ce que les athées appellent la chance ou le destin (toujours, déformation d'une vie parmi les non croyants, j'essaie de voir à travers leurs yeux). «Et il ne fit pas beaucoup de miracles dans ce lieu, à cause de leur incrédulité» (Mt 13, 58)

La prof ne triche pas et nous apporte son propre témoignage. Elle raconte également une anecdote dont je préciserai le cadre exact dès que je l'aurai retrouvé: comment, par expérience, les premiers moments d'un rapprochement passent par le récit de chacun, et non par la tentative de convaincre: se raconter, c'est accepter de se montrer, c'est le début d'une possibilité de se comprendre.


Note
1 : je me suis rendue compte, avec quelque gêne et un sourire amusé, qu'il y a un groupe sur FB qui peut très bien définir cela pour les non croyants: ce groupe s'intitule "je n'ai pas d'ami imaginaire". Le Christ comme le Hobbes de Calvin? De l'extérieur, c'est cohérent, je pense. De l'intérieur, ça n'a rien à voir, mais je n'ose pas m'expliquer. Ça m'intimide. C'est personnel (c'était déjà difficile en cours "entre nous", alors ici…)