Matin magnifique, à l'égal de la semaine dernière. Arbres plus flamboyants. Je suis arrivée tard, presque à dix heures, mais les habitués m'ont encouragée à sortir en skiff, sans ressentiment. Mes deux clubs sont vraiment différents, entre celui où le skiff est considéré comme une occasion à ne pas manquer et celui où il est considéré comme un risque à éviter.
Je rame. Je divague. Je convertis l'année en durée de vie: neuf ans pour un mois, en commençant par avril, printemps jusqu'à vingt-sept ans, été jusqu'à cinquante quatre, automne jusqu'à quatre-vint-un. Il faut bien s'occuper (c'est le feuillage des arbres qui m'intrigue, cette flamboyance qui met en relief leur personnalité vers la fin comme jamais auparavant).

Après-midi pluvieux.

Messe. Pas de haussement de sourcil mais une question:
— Mais tu crois vraiment en Dieu?
— Oui.
— Ça paraît tellement absurde...
— Je sais. Je comprends. Il est beaucoup plus facile de comprendre ta position que la mienne.

A la sortie de la messe, trois policiers nous font une haie d'honneur. Cela surprend. (Vraiment, à quoi serviraient-ils, que se passerait-il, si vraiment il se passait quelque chose? C'est curieux, de se poser cette question.)
Je me fais rattraper par l'histoire: longtemps j'ai dit pour embêter H. que lorsque je serai vieille je serai "dame du catéchisme". Il faisait semblant de grommeler pour ne pas me décevoir car il n'y croyait pas vraiment — et moi non plus, car cela transporte sa petite image vieillote qui m'amuse et me repousse tout à la fois.
… sauf qu'on vient de me demander d'aider des parents un peu dépassés, un groupe de dix familles.
Je n'ai pas osé l'avouer à H. Je l'ai dit à Olivier.
— Et tu as dit oui ?
— Bien sûr.
Il réfléchit, évalue la future guerre froide dans la paix familiale.
Bast, on verra bien.