Je suis passée chez Listel Or récupérer des Langelot et en déposer d'autres. Ma relieuse devrait se faire opérer du bras en mai.
Je discute un peu trop longtemps pour être à l'heure chez Clarisse. Dans un moment d'ubris, j'ai pris un vélib devant la porte au lieu de prendre la ligne 2 qui m'aurait amenée rapidement à destination. Mal m'en a pris: il s'est mis à pleuvoir à seaux et j'ai été trempée comme une soupe, dans la plus pure tradition de mon adolescence.

Clarisse avait invité notre yolette à boire la bouteille que nous avions gagnée. Son appartement est un étonnement. Nous savions qu'elle cousait elle-même ses vêtements qui contribuent à sa grande élégance («—Comme ça te va bien. Où as-tu acheté ça? —Je l'ai fait moi-même.») Nous ne savions pas qu'elle en faisait autant pour son appartement: tout est de sa main, parquets, peintures, moulures, soudure à l'arc. Elle a déplacé une porte (cassé le mur, remonté un mur, déplacé le chambranle). Elle a construit la structure de son canapé, puis l'a tapissé. Elle possède trois machines à coudre, «une pour les grosses pièces de cuir». Il y a une sculpture au mur, un scooter embouti: «je suis allée à une exposition sur César, je me suis dit que je pouvais essayer. J'avais ce scooter, je l'ai emmené chez un garagiste pour le faire emboutir, puis je l'ai fixé sur cette planche et je l'ai peint. Et voilà.»

Visiblement elle aime davantage le métal que le bois. Tout est brun ou bronze et renvoie la lumière. Son appartement luit, sa douceur est celle du reflet.

Elles ont parlé famille, maisons de campagne, souvenirs. Je me sentais socialement décalée. Je n'ai pas osé leur parler de mes trente ans de mariage auquel je compte les inviter. Foutue timidité.