Hier je dissertais sur l'aviron:
— Je serais bien retourner à Melun, ils sont vraiment sympa, je me sens bien dans ce club. Mais ils ont si peu de matériel pour les loisirs que ç'en est décourageant. A Neuilly le matos est formidable mais je ne me sens pas à ma place, on n'a pas grand chose en commun.
— Tu sais, il n'y a pas de miracle. Soit le club est sympa et il n'y a pas d'argent, soit il y a du matériel et les rameurs ne nous correspondent pas exactement.
Ah. Oui, c'est logique. Je n'avais jamais envisagé cela sous cet angle.

Premier contact avec le club quai des plâtreries à Samois. Je suis intégrée d'autorité à un huit de pointe. Je suis surprise de la discipline dans le bateau: ça ne discute pas, les exercices sont de bon niveau, au carré à quatre, six puis huit rameurs; ça "passe" alors que nous n'y arrivons pas avec notre huit de couple1. Le bassin est magnifique. Nous passons au ras du château de la Rivière dont nous avions cru une aile en vente.
Retour. Laver le bateau, le rentrer. Repérer les coutumes de ce club, la façon de ranger les pelles, de porter la coque. Nous avons tous un masque, c'est compliqué pour un premier contact.

Pour faire suite à la discussion d'hier et bitcher un peu, je dirai que la différence entre ici et Neuilly, c'est qu'à Neuilly ils vont en vacances en Corse; ici, d'après les conversations surprises, c'est plutôt l'île de Ré ou Noirmoutier.

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H. vient me chercher et m'emmène dans le centre de Samois qui l'a séduit. Il a visité une maison — trop sombre — et pris contact avec deux agents (agentes) immobiliers. Il a sympathisé avec l'une des deux et ils ont eu une conversation sur les inondations. Il en ressort que la Seine possède plusieurs lits historiques qu'elle reprend en cas de crue… sans qu'on puisse prévoir lequel.
— En 2016 les autorités ont été prises par surprise, mais la prochaine fois on sauvera Paris en inondant l'amont.

Brrr, pas très rassurant.

Restaurant sans intérêt à Moret. Je me change dans les toilettes2, très vastes puisqu'elles sont aux normes handicapées. Puis nous partons pour la première visite.

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Comme nous sommes en avance nous faisons le tour de "l'imprimerie": vu de l'arrière les verrières de l'entrepôt font grise mine et les tuiles gondolent. Il y aura des frais à engager.
Le propriétaire est aussi grincheux qu'au téléphone. A-t-il eu beaucoup de mauvaises expériences, est-il épuisé par les visites? Je suis du genre à traîner, à rester en arrière pour regarder par une fenêtre ou évaluer la taille d'un mur (les bibliothèques vont-elles tenir? C'est un enjeu, elles ont été faites sur mesure pour notre maison actuelle). Par deux fois (ou trois) il s'arrête, revient en arrière pour me chercher: «non, mais si vous ne suivez pas, c'est comme si je faisais deux visites». Il a l'air si exaspéré que j'en viens à me demander s'il redoute les vols s'il me laisse seule.

Les pièces sont harmonieuses, bien agencées, moins grandes que celles dont nous disposons actuellement. Nous montons les étages, les descendons. Nous attendons la visite de l'entrepôt qui nous a fait rêver sur Google street view — un peu moins depuis qu'on en a fait le tour extérieur. Il est vaste mais décevant. Il faut refaire les verrières — celles déjà refaites l'ont été en plexi et non en verre, ce qui enlève du cachet à l'ensemble. Du "potentiel", comme on dit, mais nous voulons habiter là, pas en faire une salle à louer: une fois que nous aurons acheté la maison, nous n'aurons plus un kopeck avant des années pour nous occuper de cet entrepôt.

La cave est intéressante géologiquement parlant: non bétonnée, elle sert de tampon en cas de crue; elle se remplit puis se vide naturellement, c'est ce qui s'est passé en 2016. Mais après les informations récoltées par H. ce matin, nous nous demandons si cela sera suffisant la prochaine fois.
Nous passons au jardin. Et soudain nous apprenons que l'étendue de pelouse n'est pas en vente. Seuls dix à vingt mètres carrés sont vendus: au-delà, le propriétaire réserve le terrain… pour éventuellement se construire une maison de plein pied. Bref, non seulement il n'y a pas de terrain, mais en plus cela consisterait à vivre avec l'ex-propriétaire dans le jardin. La messe est dite.

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Un tour à Héricy pour voir une petite maison vendue peu chère qui de l'avis de l'agent immobilier pourrait présenter de beaux espaces après travaux. Nous ne pourrons pas la visiter avant mercredi, mais H. voulait me montrer le joli jardin et le portail aux iris.

Puis Boissise pour une visite très triste: une très petite dame âgée dans une très grande maison, qui essaie de la vendre depuis un an. La maison a une belle vue, une belle terrasse, un sous-sol spacieux, un immense étage lambrissé. Mais elle n'est pas réellement habitable: l'escalier qui mène à l'étage a été entouré de murs qui empêchent qu'on puisse monter quoi que ce soit d'un peu volumineux. Tous les lits (si nombreux que je finis par me dire que c'était une colonie de vacances: non, c'était pour les neveux et nièces qui venaient pour les fêtes célébrées en famille) sont des lits une place qu'on dirait pliants, je suppose que c'était la condition pour les monter à l'étage. Et le jardin est grand, rien qu'à le voir je suis découragée du souci qu'il va me causer (qu'il me causerait).
Non, ça ne sera pas possible.
Nous remercions la dame frêle et l'oncle venu «représenter ses intérêts» (il s'est présenté ainsi) et nous partons le cœur lourd de tant de solitude au milieu des traces de tant d'animation enfuie.

Nous téléphonerons le lendemain pour dire que nous ne sommes pas intéressés.



Notes
1: en pointe chacun a une rame (deux en double). L'équilibre du bateau dépend donc de l'harmonie entre les rameurs babord et tribord. C'est plus difficile, chacun ne possède que la moitié de la solution.

2: Je m'asperge vaguement d'eau fraîche, m'essuie avec mon tee-shirt. L'une des contraintes du covid, c'est que les vestiaires ne sont plus accessibles. On arrive et on repart en tenue, les douches ne sont plus accessibles — ce qui rend quasi impossible de ramer le midi.