El sol innocente, telle s'incarne l'honorable mesure de tout Arte Mayor. Car la voix monte et insiste noblement sur sol et sur cen, qui sont les deuxième et cinquième 'syllabes' respectivement de ce demi-vers. Répétée sans cesse, cette mesure donne à toute composition en ce mètre son allure si caractéristique de montagne russe dans un manège de foire. […]
Or, on reconnaît aussitôt une des deux formes possibles du taratantara tel que, avec une insuffisante révérence, le baptisa autrefois Bonaventure Des Périers.

Jacques Roubaud, Le grand incendie de Londres, p.60
Cette découverte que le vers français se scandait m'a sidérée. Cela allait à l'encontre à tout ce qu'on m'avait dit au lycée quand on m'avait expliqué Virgile ou Shakespeare: que la rime française compensait le fait que la langue française était plate et ne se scandait pas.

Mais il y avait autre chose. Cela donnait soudain un sens à une conversation entendue un jeudi d'Oulipo, un échange entre Elisabeth et Alain ou Gilles ou Nicolas ou d'autres encore, parlant de taratantara: j'avais noté que c'était une référence inconnue de moi, mais peut-être une facétie, comme le fait d'apprendre les alexandrins sur l'air de La Marseillaise.

Je n'avais pas posé de question, mais lorsque j'ai retrouvé ce mot dans Roubaud, j'ai fait une recherche Google le soir-même, trouvé un livre d'Alain Chevrier que j'ai aussitôt inscrit à ma liste Amazon de livres souhaités.

Il est arrivé ce matin, offert par mon beau-père qui fidèlement pioche dans ma liste année après année, m'offrant des livres comme Bottom's Dream ou Meine Zeit mit Karl Barth ou l'autobiographie de Claudia Cardinale — ce qui a dû lui paraître plus léger — même s'il ne pose pas de question.

Et donc Taratantara est arrivé. C'est alors que j'ai découvert son titre principal que j'avais, je ne sais comment, occulté: Le Décasyllabe à césure médiane.
C'est tout de même très chic.