Lundi je téléphone à St Antoine: le rendez-vous de jeudi (pour la seconde injection) est-il maintenu?
L'infirmière ne sait pas, ça change tous les jours, elle me promet de m'appeler au plus tard mercredi si le rendez-vous est annulé.

Je n'ai pas été appelée; c'est donc en toute confiance que je m'y présente ce matin: chic, je vais recevoir ma deuxième injection (d'eau salée, vraisemblablement: je n'ai eu aucun symptôme après la première injection, même pas une rougeur au point de la piqûre. Mais enfin, sait-on jamais).

Je me présente bâtiment A. Un feuille A4 indique sur la porte: «toutes les vaccinations Covid se font à l'UPR». Je rentre, demande à l'accueil où est l'UPR, y vais, demande où a lieu l'étude Ensemble2, personne n'est au courant, j'essaie d'appeler, personne ne répond, l'infirmière de l'accueil va se renseigner: il faut aller au bâtiment A.
Un peu agacée, je retourne au bâtiment A et sans rien demander à personne retrouve le couloir de la fois précédente. L'infirmière que je croise ne sait pas, m'emmène, téléphone, me conduit devant un bureau.
Je crois que j'ai repéré le mot qu'il faut prononcer pour être comprise plus vite la fois prochaine. C'est «protocole» (et pas test ou étude ou Ensemble2 ou Janssen ou Johnson).

Patatras, j'apprends que je ne serai pas vaccinée aujourd'hui.
— Vous auriez pu me le dire, j'ai posé une journée de congé.
La doctoresse a des papiers à me faire signer. Changement de protocole, vérifier que je suis toujours d'accord, me proposer la levée d'aveugle le jour où je recevrai la deuxième dose.
— Vous savez, je ne suis pas inquiète, je peux attendre un peu. Et puis (je ris) je suis persuadée d'avoir eu le placebo.
— Pourquoi dites-vous ça? On a des surprises lors des levées d'aveugle. L'autre jour je me suis fait insulter par une femme qui pensait avoir eu un placebo et qui était furieuse d'avoir eu le vaccin parce qu'elle ne voulait pas celui-là.
— Mais… c'est le but de l'étude, non?
— Tout le monde ne comprend pas la même chose.

Elle est très conciliante, très zen, absolument pas dans le jugement (je devrais en prendre de la graine). Nous parlons protocoles, effets secondaires. Je retranscris dans le désordre.

— Regardez l'armoire derrière vous. Elle est pleine de vaccins, rage, fièvre jaune, encéphalite japonaise… Il y a toujours des effets secondaires. Deux jours de fièvre… Mais on s'en moque! Nous, ce qui nous intéresse, c'est la durée de l'immunité. Puisque le vaccin est autorisé, on vaccinera d'une dose ceux qui ont reçu le placebo et on comparera les vaccinés deux doses aux vaccinés une dose : est-ce qu'il y a beaucoup de différences, est-ce que ça vaut la peine de mettre en place toute la logistique si une dose suffit?

— Ça fait vingt-cinq ans que je suis des patients du VIH. Au début, la plupart des médicaments qu'on utilisait n'étaient pas autorisés, en attente d'autorisation. […] Ce qui est particulier cette fois-ci, c'est que tout va très vite.

Je pose une question sur les thromboses: comment fait-on la différence entre les thromboses qui seraient arrivées quoi qu'il arrive et celles réellement dues au vaccin? Par statistique?
— Elles n'ont pas la même forme. Elles sont différentes. Les plaquettes deviennes déficitaires et s'agrègent (alors qu'habituellement les thromboses sont plutôt dues à un excès de plaquettes).

Nous parlons vaccins, malades, ressenti de la population. Je lui fais remarquer que pour la plupart d'entre nous cela reste impalpable, fantômatique, pour ceux qui ne sont pas malades, qui n'ont pas de malades autour d'eux. Alors qu'évidemment pour elle…
— Oui, nous avons une aile Covid ici.
Je lui parle de mon recruteur, le moment où j'ai été au plus proche d'une certaine réalité.
— Au premier confinement on avait une infirmière pour six lits. Aujourd'hui on en a une pour huit.
— ??
— Elles partent. Elles font autres choses. A la fin du premier confinement je me suis dit que je ne pourrais plus voir un malade. Plus personne ne dort comme un bébé. On fait des insomnies. On fait tous des cauchemars.

Nous aurions sans doute continué toute la matinée. Quelqu'un l'a appelée pour lui dire qu'elle prenait du retard et nous nous sommes quittées un peu vite.

*****


L'après-midi aviron. Très beau bassin à Thomery, beaucoup de vent au retour.
Photo après la sortie dans le respect des gestes barrières.