J'avais promis à Zvezdo de créer une catégorie spécialement pour ce genre de billets (afin qu'il ne les lise pas), mais finalement... ça l'intéressera peut-être.
C'est un peu ancien — certains connaissent peut-être déjà — mais j'aime bien. Là encore, cela permet de réfléchir au formatage de la (de nos) pensée(s), à nos modes de réflexion. Donc voici Devenez beau, riche et intelligent, avec PowerPoint, Excel et Word.

C'est évidemment un peu exagéré, certains trouveront la critique un peu facile, et l'auteur reconnaît sa mauvaise foi. Cependant, ça me fait toujours rire car tout est loin d'être faux.

Extraits :
Nous pensions naïvement que PowerPoint, Excel et Word, les trois logiciels qui composent la suite Office de Microsoft, n'étaient que de fidèles outils chargés de traduire notre activité. Lorsque vous n'avez pas le choix de votre outil, qui utilise qui ? Petit à petit, c'est notre activité qui est devenue le miroir de Microsoft Office. « Le média est le message », disait je ne sais plus qui.
J'érige donc mon tribunal, évidemment de mauvaise foi, chargeant tour à tour du plus coupable au moins coupable les accusés PowerPoint, Excel et Word5. Chacun est responsable de créer des distorsions dans notre manière d'appréhender le monde. PowerPoint, Excel et Word sont les derniers cache-sexe de l'Incertitude et, par-là, les derniers remparts de la Certitude.
- Power Point
Les structures de présentation standards proposées par PowerPoint sont somme toute calquées sur un scénario Hollywoodien normalisé : camper le décor, créer l'inquiétude, montrer des faiblesses humaines vénielles (« à vaincre sans péril… »), happy-endiser en sauvant l'humanité et sa banlieue à la fin. Sans oublier, comme le suggère Succesful Presentations for Dummies, de placer un gag désopilant toutes les sept minutes. Nous sommes dans le Disney pour adultes : on nourrit le public de ce dont il veut bien se nourrir, c'est-à-dire d'histoires prévisibles de bons (évidement nous/je) et de méchants (forcément everybody else). Et, forcément, c'est nous qu'on gagne à la fin.
- Excel
Un modeste entrepreneur, actionnaire quasi unique de sa propre boite, ne se livre en général pas à cet exercice ridicule [budget prévisionnel à cinq ou dix ans]. À la rigueur, il fait un succédané de business plan, qu'on appelle un budget annuel. Il n'a pas besoin de s'écrire des objectifs à un, trois ou dix ans. Il sait qu'il fait pour le mieux, au jour le jour, essayant de saisir toutes les opportunités possibles avec les moyens dont il dispose et dans le contexte qui est le sien. À la fin de l'année, rétrospectivement, il se dit qu'il a fait une bonne ou une mauvaise récolte. Il continue à vivre selon une logique de paysan.
Mais dès lors que vous montrez votre business à des financiers, vous sortez de l'ère agraire pour entrer dans l'ère industrielle. Vous devez raconter ce qui va se passer dans les trois ou cinq années à venir et jurer-cracher (poliment) que vous croyez à vos chiffres. Il faut une certaine dose d'entraînement ou d'autosuggestion pour ne pas avoir la voix qui tremble à ce moment-là. Au début, jeune naïf, vous pensez que vos interlocuteurs sont normaux et sensés, qu'ils vivent la vie comme vous et moi, une vie où parfois les trains ont du retard, où certains jours on oublie son parapluie alors qu'il pleut. Alors, vous insinuez que, dans votre projet, il pourrait y avoir un doute ici où là, que rien n'est jamais certain, mais que, l'un dans l'autre, vous pensez que votre plan est « jouable ». Malheureux ! À ces mots, votre interlocuteur argentier se redresse dans le capiton de son fauteuil de capitaliste et vous décapite. Bandant du menton, il vous toise et dit sèchement que des millions d'épargnants lui ont confié les économies de toute une vie, et que, jamais, il n'ira investir dans une affaire où des choses imprécises subsistent. « Mentez-moi, jeune homme, vous ne savez pas vendre votre dossier » semble-t-il vous dire.
- Word
Que peut-on reprocher à Word ? Après tout, ce n'est qu'un simple traitement de texte. On écrit des textes depuis des siècles, depuis que consigner par écrit nous a fait sortir de l'insupportable volatilité de la tradition orale. Word est en filiation directe de l'épopée de Gilgamesh, de l'Iliade et l'Odyssée, de la Vulgate, de Gutenberg et de toute cette histoire de la chose écrite qui a extirpé l'humanité de l'ignorance, de l'analphabétisme et de la barbarie.
Et c'est bien pour ça qu'écrire fait peur.
C'est moi qui souligne, bien entendu !