Billets pour la catégorie 2012 :

Starbuck

Si nous sommes rationnels, nous nous demanderons où sont passées les mères (mère des enfants de l'avocat, mères biologiques des enfants de Starbuck).

Si nous sommes intello, nous noterons la réflexion sur l'identité et l'acceptation de soi-même, de "no soy David Wozniack" à "je suis David Wozniack", en passant bien sûr par la quête des enfants pour connaître leur origine.

Si nous sommes sentimentaux, nous noterons le rôle fondamental de la famille.

Si nous avons juste envie de passer un bon moment, nous nous contenterons de rire de bon cœur devant autant d'absurdité et de gentillesse, "une source infinie de bonheur", l'histoire d'un looser qui veut devenir ange gardien: «J'avais entrepris d'essayer de réussir ma vie, je ne pensais pas que ce serait aussi taf».

(comprendre "dur" = tough (ah oui, parce qu'en plus, c'est québécois, et j'aime ça.))

L'aîné

Il a raté son année d'études à la fac en France, après avoir abandonné son école en Suisse l'année dernière. (Et encore, je ne savais pas encore qu'il ne s'était même pas présenté aux examens.)

Il a eu un accident avec la voiture et n'a même pas pris la peine de la nettoyer avant de l'amener à l'expert («Mais tu m'avais dit de ne pas trop en faire!» (je l'aurais tué)) et n'a pas fourni les justificatifs d'entretien à l'assurance pendant notre absence. (Moralité: la voiture passe à la casse).

Lui trouver un logement et un emploi.
Qu'il passe le BAFA scout, qu'il réussisse au moins quelque chose!

L'horreur, c'est de devoir me dire qu'H. avait raison, que nous n'aurions pas dû faire ce que nous avons fait pour ce gosse. Je n'arrive pas à le ressentir, il me semble normal d'avoir fait tout ce que nous pouvions pour lui (conséquences positives: Claude est entrée l'Alsacienne et Hervé s'est remis au travail).
(Ai-je péché par orgueil, à mettre mon fils à l'Alsacienne? J'étais juste heureuse de lui donner ce que j'aurais aimé avoir, cela me paraît légitime. Qui donnera des pierres à son fils qui réclame du pain? (Mais Hervé n'était pas d'accord avec ça. Mais lui-même a-t-il jamais mesuré tout ce que son père lui avait donné alors qu'il était en train de rater sa première année à l'Enserb, ou même en sup et en spé? En voyant Clément pleurer hier sur Emma, je me rappelais Hervé amoureux en train de pleurer sur Angelina. Mais je ne peux pas le dire à Hervé, il ne le reconnaîtra jamais).
J'ai peut-être péché par orgueil? Oui, aussi. Mais pas que.)

Mais maintenant c'est le temps de la justice et non plus de la charité.
Que devons nous faire?

L'indulgence coupable des mères

Finalement, ma tante et H. avaient raison. (Je n'en doutais pas vraiment —disons que je pensais que leur opinion se défendait sous un certain point de vue—, mais finalement quel que soit l'axe de vue choisi, ils ont raison.)

Quelques secondes avant de comprendre

En fait, j'ai même failli ne rien remarquer — adresse dans la base de données :

6, rue Gustave Flobaire


Exceptionnellement, j'ai corrigé.

Expendables 2

Les dialogues, c'est pas son truc, à Stallone.

Film entièrement destiné à ceux qui ont vu les autres, les Terminator, Die Hard, etc. Film nul et émouvant parce qu'il ne nous déçoit jamais: exactement ce qu'on attendait, les situations mélo avec beaucoup de testostérone (ah, ce côté fleur bleue des gros bras), les invraisemblances qui permettent à chacun de retrouver tous les autres à tout moment avec une facilité déconcertante (tout ce petit monde passe son temps à tomber du ciel, par avion ou par pur effet de montage cinématographique), et quelques phrases cultes («Ça suffit, tu es déjà "be back" suffisamment souvent, à mon tour!» ou «Mais c'est une pièce de musée! — Nous sommes tous des pièces de musée»).

Church, le personnage de Bruce Willis, s'appelle Chapelle en français.

Je ne spoile pas l'arrivée de Chuck Norris.

Et rappelons qu'il n'y a pas d'effets spéciaux dans tout ça: c'est tourné «à l'ancienne» (traduction de classics dans les sous-titres) de bout en bout, hôpital compris pour les acteurs. (C'est ce qui m'avait impressionnée pour Expendables 1: apprendre que les acteurs y allaient de bon cœur, portaient leurs coups, en un mot n'étaient pas tout à fait raisonnables, voire totalement frapadingues.)


Défaut majeur: UGC les Halles doit croire que nous sommes tous sourds, la bande-son est diffusée vraiment trop fort.

Daniel

Un peu de mal à absorber le choc, l'idée.

J'ai téléphoné à mon père ce matin. Daniel, le cousin de mon père amputé des jambes, a été retrouvé mort calciné dans sa grange début août.
Il n'y allait jamais. Ses béquilles étaient hors de la grange. L'autopsie n'a découvert aucun traumatisme. L'enquête suit son cours.

C'était la seule famille de mon père en dehors de son frère.

Je n'arrive pas à comprendre cette nouvelle. Mes yeux de huit ans le revoit, déjà obèse quand il avait une trentaine d'années. Il était gentil mais sans grand intérêt pour mes huit ans. J'essaie de le revoir, de voir en lui rétrospectivement quand je le regardais ce destin, cette mort. Mais non. Ce n'est pas possible, pas lui, une mort si atroce et si romanesque.
Je me souviens des colères de ma grand-mère contre sa sœur, elle l'accusait avec raison d'être folle de tant nourrir son fils —et si mal— et de faire son malheur en le gardant près d'elle à tout propos, lui faisant manquer l'école au moindre rhume.
Ma raison bloque.

Mariage en Beauce

(ou presque. Forêt d'Orléans, ça sent la Sologne.)

Entendre un sermon de mariage commencer par «J'ai passé de nombreuses soirées avec les fiancés autour d'une pizza. D'ailleurs Elise, j'ai une nouvelle carte de fidélité, rappelle-moi de te la donner, je crois que la tienne est pleine. Et il y a une nouvelle pizza, avec du reblochon, "parmentière", je crois.» : check.

Bu du rhubar'bulle pour la première fois et parlé de Congar (que nous sommes sérieux).

J'ai essayé de me souvenir comment j'avais connu la mariée. Je crois qu'une recherche sur Simone Weil m'avait menée au blog qu'elle tenait à l'époque. Aujourd'hui les présentations incluent les pseudos FB («Aaaah, c'est toi!»). (D'ailleurs le sermon a également évoqué la toile.)

C'est beau le XXIe siècle.

Retour à la maison

On pourrait croire que trois semaines sont un délai suffisant pour laver sept à huit serviettes de toilette et déposer un chèque à la banque.

Apparemment non.

(Je passe sur le reste.)

Ghost Dog pour recaler le décalage horaire.

Long Island

Une heure et demie de Tétris: vider la voiture de tous les sacs accumulés (le linge sale, les chaussures, les achats divers) et répartition entre les cinq valises et les cinq bagages à main. Les deux problèmes sont les objets fragiles et les objets lourds, principalement les livres. Nous mettons ceux-ci dans les bagages à main en escomptant qu'ils ne seront pas pesés.

Une journée sur Long Island, du sud au nord, d'abord vers Patchogue, puis au nord, Oster Bay, sur la Golden Coast, aux portes de New York.

Le sud est plus frais, plus venteux, agréable. Bateaux à moteur, ferry vers les longues bandes de plages qui soulignent Long Island. Très peu de monde, quelques traces de ce qui doit être une intense activité balnéaire en été. Mais c'est bientôt la rentrée, nous sommes seuls dans le restaurant sur le parking au bord de l'océan, nous déjeunons tranquillement de moules et crabes.
La serveuse est jolie, sportive, bronzée, avec des yeux verts cerclés de sombre. Elle répond «pas de problème» à chaque fois que nous disons «merci», ce qui me paraît peu académique. Chip m'a expliqué que le premier week-end de septembre était le Labor day, et que les cours ne reprenaient qu'après afin de permettre aux étudiants de se faire encore quelques pourboires durant ce week-end festif.

Oyster Bay au nord est une surprise, il fait très chaud et humide, exactement le temps de Manhattan: moi qui pensais que la chaleur était due au goudron et béton de la ville, je me trompais, c'est la latitude qui veut ça. Octobre, c'est en octobre que je voudrais revenir, pour voir ce qu'il en est de l'été indien.
Quelques pas sur le port, parc Theodore Roosevelt inauguré en 2004, nous n'aurons pas vu son mémorial à Washington mais la ville où il est mort. (Deux Roosevelt pour deux guerres, je l'avais oublié, ou n'y avais jamais fait attention.)
Puis arboretum de Planting Fields, très calme, aéré. Petits panneaux sur les arbres, des dizaines d'érables de variétés diverses, aux feuilles rouges comme le prunus, au tronc qui pèle comme le bouleau, au port tombant qui fait reconnaitre une variété utilisée pour les bonsaïs… Les chênes, les ormes, sont énormes, magnifiques. Allée s'ouvrant dans les fleurs à hauteur d'épaules, petite maison de conte de fée, gros manoir néo-gothique anglais, décor sortie d'un film ou d'un rêve.





Retraversée vers l'aéroport, repas à six heures (! mais c'est l'heure américaine, c'est notre huit ou neuf heures habituel qui est décalé) pour passer le temps, l'avion est à minuit moins cinq.
La voiture se rend très vite, trop vite, j'ai un pincement au cœur, trois milles miles ensemble.

Les contrôles sont beaucoup plus simples qu'à l'aller (je ne sais plus combien de fois nous avons dû montrer notre passeport à Roissy, cela devenait un gag). Les bagages à main sont pesés: erreur d'appréciation, nous sommes larges pour les valises, mais mon sac de livres fait sept kilos, celui de A. cinq (il y a aussi tous ceux qu'avait emmenés Déborah, une quinzaine de centimètres de livre de poche. J'ai un peu triché pour mon sac, dans la confusion (à cinq nous prenons de la place et du temps) j'ai enlevé le plus gros des Emily Dickinson, l'ai posé sur un sac de sport à mes pieds et l'ai recouvert de la jupe de ma robe longue pendant que nous faisions passer les bagages à main. Cela n'aurait sans doute pas fait une grosse différence. L'employée ne nous a pas fait payer de supplément.

De Philadelphie à Long Island

Comme chaque fois que nous n'avons rien de particulier de prévu, l'heure de réveil est naturelle: entre neuf et dix heures, et comme j'ai plutôt mal dormi (le thé? l'idée du boulot qui me travaille depuis plusieurs jours?), j'en fais autant plutôt que reprendre mon blog.

Petit déjeuner à deux pas, à recommander chaudement par opposition au Denny's sur le même parking. Nous prenons la route en direction de Trenton (il n'y a rien à Trenton, a dit Jack, mais ce lieu était cité par le film sur la guerre d'Indépence à Mont Vernon. Nous avons abandonné la 95, nous suivons à peu près le Delaware, plus ou moins (je me souviens du nom de Bristol). Les maisons sont opulentes.

Nous traversons le Delaware dans un sens pour atteindre Trenton.
Nous traversons le Delaware dans l'autre sens. Bouchon. Tout s'explique quand nous avançons: le pont est extrêmement étroit et la circulation est alternée. La chaussée est constituée d'une sorte de treillis, j'imagine les ponts militaires ainsi (c'en est peut-être un), je suppose que le treillage évite que l'eau stagne et le pont gèle.
Nous dépassons la voiture clignotante qui bloque la voie de gauche pour apercevoir un noir en train de peindre la rambarde au rouleau. Un autre lui fait la conversation (c'est très utile quand on travaille, ça donne du cœur à l'ouvrage), trois autres les regardent (en rang d'oignon) et deux se chargent de la circulation. Cool.

Rive droite du Delaware. Et comme nous l'avait dit Jack, c'est vraiment très joli, entre le fleuve, les maisons aux (très) vastes pelouses tondues et les sous-bois.



Nous retraversons (aller-retour) le Delaware à "Crossing Washington", pour le plaisir de la reconstitution historique («Allez, imaginez-vous en hiver en train de traverser de nuit sur des barques parmi les glaçons»), sur le même type de pont très étroit et comme je franchis la ligne jaune un quart de seconde devant la voiture qui arrive en face à trente mètres (nous roulons à quinze miles à l'heure pour ceux qui veulent faire des calculs), son conducteur me regarde d'un air furieux et affolé. Je crois que des voies si étroites les paniquent totalement.

Nous arrivons à New Hope et nous ne comprenons pas: au milieu de nulle part, cette ville (ce village) aligne les boutiques "hippies", longues robes et artisanat pour touristes. Nous traversons le Delaware pour voir Lambertville (beaucoup plus pincée, j'échaffaude l'hypothèse que les gens habitent ici et travaillent en face), retraversons pour reprendre notre route, nous trompons entre deux routes de campagne («Euh, vers le sud-ouest, c'est pas bon» (la voiture comporte une boussole sur le tableau de bord. C'est très pratique: «Et là, je vais à droite ou à gauche? — Plutôt au nord, je pense»), faisons un large détour parmi les champs de maïs genre La mort aux trousses, reprenons notre chemin.
Désormais nous croisons des hôtels et des pontons à kayacks, nous sommes arrivés dans une région destinée aux vacances et sport d'eau (la Pennsylvanie que nous avons vue: ski dans les Appalaches, kayack sur le Delaware. Aucune idée de ce qu'il y a entre les deux.)

Arrêt à Frenchtown (pas tout à fait par hasard), il est quatre heures, nous mangeons dans une pizzeria. Je suis frigorifiée par mon iced tea, je sors avant les autres, me promène un peu. Le soleil est déjà bas, il fait doux, un magasin s'appelle "Rive gauche", j'hésite à acheter un parapluie représentant la Tour Eiffel (mais les valises vont être suffisamment problématiques sans cela), "the Yellow Dog" vend des accessoires pour chiens, des cafés sont fermés, ça sent l'automne et la fin des vacances, il y a fête au village le deux septembre, avec concours de costumes pour animaux de compagnie.

Traversée définitive du Delaware. Plus de forêt. Champs, maisons, magasins, la circulation s'intensifie. Nous devons rendre la voiture demain à midi, nous décidons de dormir dans Long Island: même s'il y a des bouchons, il n'y aura pas de pont à traverser.
Sept heures moins dix. Bouchons ou quasi bouchons. Verrazano bridge. Magnifique vue sur Manhattan. Magnifique vue sur la mer.



Long Island.
Arrêt à Canarsie Pier. Les toilettes les plus sales du voyage, mais des pêcheurs le long des balustrades, des cerfs-volants contre le ciel et des avions qui semblent devoir les toucher. Carillon entêtant, sans doute une baraque à frites, de celui qui accompagne les meurtres dans les films d'Hitchcock.

Motel et MacDo, après quelques péripéties. Daredevil à la télé, avec toujours les pubs exaspérantes.

Philadelphie

Matin : musée de Philadelphie. Petit déjeuner dans une rue proche, dans une toute petite échoppe chinoise ou japonaise qui nous enchante après l'expérience désastreuse d'hier soir.

Exposition Arcadia, qui aurait pu s'intituler "Les Baigneuses". Tout cela manque un peu de couleurs vives à mon goût, mon préféré est Franz Marc.
Nous nous séparons, rendez-vous à une heure et demie dans le hall. Art moderne, art contemporain (de grands Towmbly illustrant L'Illiade). J'erre dans les collection de mobilier anglais, je découvre Romney, ailleurs Eakins, et un Goya, des Manets marins, un très beau Renoir (dans la réalité, elle paraît bleue, j'aurais juré que sa robe était bleue. Ce doit être les rideaux). Je m'y perds, entre un Picasso qui ressemble à Toulouse-Lautrec, un Van Gogh qui ressemble à un impressionniste, un Toulouse-Lautrec presque classique.

Cafétéria, hors de prix; boutique de souvenirs pour la deuxième fois (la première, c'était après Arcadia). Errance, perte de temps ou détente à regarder les gadgets et admirer l'inventivité des marketteurs (nous achetons des piques pour tenir les épis de maïs, ustensile découvert chez Ruth).

L'objectif suivant était les manuscrits de la Mer morte exposés à l'institut de Benjamin Franklin, mais nous abandonnons devant le prix de l'entrée (37 dollars). Nous errons encore plus longtemps dans la boutique aux souvenirs, il y a vraiment beaucoup de gadjets, des T-shirts rébus (œil, cœur, pomme, pi), etc.

Quartier de la signature de la déclaration d'Indépendance. Je suis impressionnée par une cloche offerte par la Grande-Bretagne à la ville en 1976 pour le bicentenaire de cette déclaration (j'imaginais les Anglais plus rancuniers).

Se garer demande de décrypter des panneaux qui annoncent à peu près (en abréviations): autorisés deux heures entre huit heures du matin et six heures du soir du lundi au vendredi, trois heures entre vingt heures et une heure du matin le vendredi soir, quatre heures le samedi et le dimanche avant sept heures du soir. Bref, la logique semble d'être de permettre aux habitants de se garer quand ils rentrent chez eux, mais nous avons un peu de mal à déchiffrer et démêler les abréviations («On est quel jour?» «Il est quelle heure?») en quinze secondes en passant.

Nous allons jusqu'au bout de Chesnut street. Un parc avant le pont raconte l'histoire de la famine en Irlande.
Pot en terrasse pour attendre l'heure d'aller rejoindre Jack. Il me reconnaîtra et viendra s'assoir avec nous dix minutes avant notre rendez-vous.
Resto chinois avec une carte qui évalue les plats épicés par une note de 1 à 10.

Retour bizarroïde ce soir encore, à la recherche d'une station service (et la première trouvée est fermée). Nous finirons par interroger des fumeurs devant un pub («Mais non, tous les buveurs de bière ne sont pas méchants»), instructions précises après quelques secondes de réflexion, sans eux nous ne l'aurions jamais trouvée. (Je pense que nous avions de quoi rentrer, mais à condition de trouver notre chemin sans hésitation, ce qui était loin d'être assuré (nous utilisons un iPhone qui ne fait pas toujours la différence entre les routes et les tunnels.))
Un bonheur n'arrivant jamais seul, l'arrêt à la station nous permet de localiser une entrée sur la 95 (on pourrait imaginer également que ce n'est pas par hasard que la station service se trouve là, mais bon).

Des tombeaux

Pour compenser le petit déjeune d'hier, nous avons trouvé un Denny's. D'est au sud, nous avons traversé des quartiers résidentiels de petites maisons en bois ou brique rouge. Que des noirs dans les voitures, et nous serons les seuls blancs dans le Denny's. J'arrive à faire sourire la serveuse en m'extasiant sur le chocolat au lait, qui est un chocolat viennois selon les normes françaises (mais ordinaire selon les normes allemandes, d'après Déborah).

Mount Vernon. Le charme de cette maison réside entièrement dans sa situation, qui domine un coude du Potomac. Rien en face, rien autour, je songe à la Seine aux environs d'Héricy, une Seine deux ou trois fois plus large.
Une terrasse le long de la façade ouest regarde le fleuve. Des chaises y ont été installées; leur dos délimitent un couloir le long des portes de la maison pour les visites organisées.
La maison est très simple, avec cinq chambres d'amis destinées à accueillir la multitude d'invités qui venaient rendre visite à Washington.

Tombeau, ponton sur le Potomac, film sur la guerre d'Indépendance. Les différentes entrées de musées sont généralement gratuites pour les enfants de moins de douze ans, et nous ne voyons aucun adolescent. Tous ces musées et reconstitutions historiques forment les enfants à l'histoire et à la fierté nationale, il y a dans tout cela un léger parfum de propagande qui finit par nous faire sourire au bout de deux semaines d'endoctrinement.

Il pleut. Retour à Washington. Mémorial Roosevelt (Franklin Delano) intégré au paysage, blocs de pierre comme jetés, cascades, évocation de la crise et du New Deal puis de la seconde guerre mondiale (WW II), une statue de Madame et, plus inattendue, une de son chien (il paraît qu'il est très connu: pas de moi).
Mémorial Martin Luther King. J'ai la surprise de voir 2010 sur la statue. Nulle part la phrase «I have a dream», peut-être que nous ne l'avons pas vue. Ou qu'elle n'y est pas. La statue est taillée dans une tranche de bloc rocheux poussée en avant, laissant plusieurs mètres derrière elle les deux autres parties de blocs ainsi créées. Le tout est monumental, je songe à RC expliquant que nous, Français, ne savons plus faire de monument car nous n'avons plus la fierté de notre pays.
Mémorial Lincoln, un peu plus loin. (Problème de parking: nous nous sommes garés innocemment devant une bouche d'incendie, il faut laisser 10' de part et d'autre, dit not contravention de cinquante dollars (10': quelle unité? des pieds? Il me semble qu'en pieds, c'était OK.) Dire de Lincoln qu'il a «sauvé l'union» me semble exagéré, il a forcé l'union serait plus exact (dans cette remarque sudiste, il y a l'influence de Ruth sur moi, je le sais). D'ailleurs c'est assez étonnant de réussir à obliger des gens à rester ensemble. Comment est-ce possible?

Voiture. Je conduis, O. pilote, nous nous perdons (les indications me parviennent tard et je les comprends encore plus tard), nous suivons un torrent vers l'ouest, nous atteignons ce qui doit être un centre nautique (je vois des kayaks), je prends la première à droite. Quartier des ambassades, je prends vers l'est. Nous mangeons au Pain quotidien (comme à New York), les enfants préfèrent le Subway en face. C'est très bon, avec le même défaut qu'en France: la musique trop forte, et donc des clients qui haussent la voix. (C'est ce que j'aime ici: le silence des restaurants).

Arlington. Deux petites plaques autour des époux Kennedy, un garçon mort après quelques jours, et une fille sans nom, "daughter": mais qui sont-ils?

Il est presque sept heures. Nous renonçons à voir le Mémorial Theodore Roosevelt. Direction Baltimore en traversant Washington vers de nord-est. La ville se délite, immeubles bas, maisons, espacés, de plus en plus espacés, et très vite la forêt.

Baltimore est à une heure, la circulation assez serrée, une marmote suicidaire grignote debout sur la bande d'arrêt d'urgence.

Baltimore, il fait nuit, je roule tout droit. La chaussée fait des vagues, je n'ai jamais vu ça. La voiture roule et tangue, ça me fait rire mais les passagers protestent. Je n'y peux rien. Quartiers chauds, port, je prends à droite quand j'aurais dû prendre à gauche à un carrefour en Y, Fayette street devient de plus en plus en plus étroite, jusqu'à arriver à un stop, dans mes phares des tombes, à quelques mètres de l'autre côtés du grillage. La rue ne continue qu'à gauche, il y a juste la place pour la voiture.
A droite le cimetière, à gauche perpendiculairement des rangées de maisons mitoyennes, presque des cabanes. Elles sont placées dos à dos, une allée miteuse sépare les jardins qui permettent juste de garer une voiture (mais comment arrivent-elles jusque là? Tout est si étroit). Un chat maigre erre dans l'allée.

Je propose de dîner dans un Longhorn, cela remonte le moral des troupes toujours bas dès que la fatigue tombe. Dix miles de Baltimore, à Rosedale. Gâteau au chocolat. Tout va mieux.

Hiiii, on a vu les jambes d'Obama !

Journée du parfait touriste, je crois.

1 - Petit déjeuner désastreux
Nous avons attendu très longtemps des plats arrivant dans le désordre et ne respectant pas le descriptif des menus. H. était furieux, les enfants gênés.
Je cite Starbuck: «Chaque jour tu recules les limites de l'incompétence. Tu ne livres pas la viande, tu la promènes.»

2 - Musée de l'aéronautique et de l'espace
Aviation civile, aviation militaire, conquête spatiale.
Il y a beaucoup plus de monde aujourd'hui qu'hier, des familles avec enfants, de très jeunes enfants (moins de dix ans). Tous les musées et les reconstitutions historiques que je visite ici me laisse la même impression: celle d'une gigantesque propagande, "la fierté d'être Américain", la fierté d'être pionnier, la fierté d'avoir construit cette nation, la responsabilité de continuer.< br /> Les avions sont un domaine porteur: héroïsme, découvertes, prouesses technologiques: comment ne pas être fasciné? Les enfants font du simulateur de vol — lanceur de roquettes inclus, je ne commente pas le fait que le garçon se vante d'avoir descendu seize avions tandis que les filles un, mais je n'en pense pas moins.

L'avion de Wright: Wright était allongé sur la voilure, faisant exactement contrepoids avec le moteur installé symétriquement par rapport à l'axe de l'avion. Pas intérêt à grossir. Comme les photos sont sur l'autre blog pour des raisons camusiennes, je vous livre ici un témoignage de l'élégance parisienne (qui rappelle un peu «Il n'y a que maille qui m'aille»).





Pierre de lune à toucher dans le hall d'entrée (je ne l'ai pas fait, mais c'est étrange de se dire que cela vient d'ailleurs que de la terre). < br /> Dans le hall également, des urnes pour recueillir les dons. Très intelligemment, des billets de tous les pays sont visibles dans une partie transparente, sorte de présentoir (mais pas présentés, justement, mis en vrac, comme s'ils venaient d'être glissés dans la fente, alors que celle-ci n'est pas connectée avec la partie présentoir. Il faut un peu de temps pour comprendre que tout cela est du marketing, car les billets sont fascinants.
Un peu surprise de trouver une carte postale d'Obama dans le magasin du musée, à côté de celles du Capitole: il faut supposer que la photo représente l'institution et non l'homme ou le parti, ce qui ne me semble plus concevable en France.

Film sur la réparation de Hubble. Je me souviens parfaitement du moment où il a été annoncé qu'Hubble était myope: on avait fondé tant d'espoirs dans ce qu'il pourrait voir, et c'était tellement bête, cette erreur de calcul dans l'épaisseur de la lentille (j'ai toujours pensé que ce genre d'aventure devrait rassurer les gens qui ne font rien dans la peur de faire une erreur).
Il y a eu plusieurs opérations de correction et de maintenance: lui mettre des lunettes, remplacer des pièces, ajouter de nouvelles caméras au fur à mesure que l'on découvrait ce qu'Hubble pouvait nous montrer et ce qui l'arrêter (traverser certains gaz, etc).
Nous voyons l'entraînement des astronautes en piscine, leur sourire au moment du départ puis dans la navette (non pas comme s'ils risquaient leur vie mais comme si on leur faisait le plus beau des cadeaux).
Une phrase me marque: «Nous ne sommes pas capables de comprendre ce qu'Hubble nous montre». Et en effet, des millions de petits points lumineux envahissent l'écran, qu'y comprendre? Il faut sélectionner une zone, se concentrer sur un point, pour réussir à organiser ce que nous voyons.

3 - repas chez MacDo
C'est le fast-food attaché au musée. Le service est d'une efficacité remarquable. Nous faisons des progrès dans la rapidité de nos choix (nous avons beaucoup tatonné dans la compréhension des menus, les tailles imposées, celles qu'on pouvait choisir (regular (normal) est medium, la taille par défaut).
Il existe une black plate et une white plate que je n'ai jamais vues ailleurs. Je découvre le "chicken select", très bon. Comme d'habitude, je sursaute en buvant mon café "frappé", il est si froid que cela provoque une douleur très vive dans la poitrine et dans les sinus (je me fais gronder parce que je bois trop vite, mais j'ai beau m'appliquer, ça ne change rien. Mais comment font les autres?)

4 - Les archives nationales
Pour une fois nous acceptons de faire la queue, qui avance vite (il y a vraiment plus de monde le week-end). Tout est gratuit, partout boisson et nourriture sont interdites, nos affaires sont passées au rayon X et nous passons dans des portiques, je laisse pour la journée le bracelet en or que je porte depuis mon bac (cadeau de ma mère qui savait que j'aimais les trois ou quatre bracelets qu'elle portait toujours depuis le Maroc) dans mon sac, il est vraiment trop difficile à enlever.
La population est variée, nous sommes frappés depuis le début de notre voyage par le nombre d'Indiens à pois: des Américains ou des touristes?

Film de propagande pour nous expliquer que les archives "nous" (peuple américain) appartiennent, elles sont garantes de la vérité et de notre passé, c'est à nous de prendre la peine de les interroger. (L'affaire des comptes suisses est citée, apparemment une simple recherche en 1996 a permis à une femme de tomber sur des listes auxquelles elle ne s'attendait pas. Nous est présenté aussi l'histoire des Américains d'origine japonaise internés en camp pendant la guerre; ils ont obtenu réparation (sous Reagan, crois-je me souvenir. Je fais remarquer aux enfants en sortant que tous les pays en ont fait autant: mon grand-père polonais a été interné dans le Massif Central, les aviateurs réfugiés en Angleterre ont eu beaucoup de difficulté à faire admettre qu'il n'étaient pas des espions)).

Salle d'exposition de la déclaration d'iIdépendance", du Bill of Rights. C'est aussi le lieu de l'enregistrement des brevets. L'impression qui se dégage de tout ceci est qu'il s'agit d'apprendre aux visiteurs qu'ils ont une histoire.

Une autre exposition nous apprend que les immigrés chinois ont été systématiquement photographiés dès 1878, puis les Japonais. Les immigrés non-asiatiques étaient moins, ou pas, photographiés.

5 - L'ancien hôtel de la poste
(Je traduis old post office building).
La mère de Déborah nous l'avait recommandé comme un lieu permettant de surplomber tout Washington. Nous mangeons une glace au rez-de-chaussée en faisant les andouilles





6 - La Maison blanche

7 - Le tombeau de Jefferson
(Jefferson Memorial)

Repassage

Repassé en regardant des films, ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps. L'Avocat du diable, (Charlize Theron toute jeunette, Al Pacino mon favori. Un peu déçue que le scénario ne respecte pas la règle des vieilles légendes européennes: pour triompher du diable il faut l'entraîner à jouer ou parier, puis le battre à son propre jeu en trichant ou en appliquant les règles dans un sens inattendu: l'inventivité de ces histoires m'a toujours enchantée), Soleil levant (ah tiens, c'est de là que vient «Si tu t'assois au bord de la rivière tu verras passer le corps de ton ennemi»), One million dollars baby (beau film. J'aurai dû aller le voir au cinéma, je regrette).

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