Billets pour la catégorie 2008 :

Dimanche

Plus personne n'écrit, solitude. Je ne sais même plus ce que j'ai fait hier. Je me souviens avoir fumé en lisant une très mince plaquette de Bonnefoy sur Celan.
Ce matin, déchiré une toile d'araignée en allant chercher la bêche, dérangé une autre araignée, bien différente, pendue à la bêche, une boule blanche d'œufs sous le ventre, utilisé la bêche pour déplacer une charogne d'oiseau grouillante avant l'arrivée d'amis. (Se souvenir de jeter les carcasses d'oiseau sans attendre).
Joué au whist, selon des règles qui me paraissent très fantaisistes. Beaucoup ri.
Mal à la tête.
Un peu déprimée par moi-même: voilà plus de dix jours que je me promets de terminer un travail. Je ne l'ai toujours pas commencé. Je ne sais pas comment commencer. Je sais que je ne le saurai qu'en commençant.
Procrastination.
Je vais finir par me mettre dans une situation impossible.
Feuilleté Whitman ce matin. (Je suis seule dans la cuisine, je prends un livre, le feuillette, le repose. De livre en livre au fur à mesure du désœuvrement. Des dizaines de livres feuilletés de jour en jour, de désirs éclos inassouvis. Je repose les livres sur les étagères, ils se fondent dans la masse. Il me reste des lambeaux de phrases.)

Je souffre de ne plus lire "en tranches épaisses". Je sais que c'est la seule façon d'entrer dans le rythme des phrases. Toutes les lectures en tranches minces ne s'attachent qu'au sens, et encore, au sens lié à des raisonnements courts. Il faut que je réussisse à lire en tranche épaisse, sans m'endormir.

Allons dormir, justement.

Et maintenant, qu'est-ce que je fais?

Depuis janvier trois tests de personnalité dans trois contextes différents avec trois méthodes différentes et toujours le même résultat : je n'exprime pas assez mes émotions.

Je n'arrive pas à faire coller ça avec mon impression de toujours en dire trop.

A nos morts

Hier, journée à la Défense.

Je contemple longuement la vaste plaque de marbre fixée au mur dans un recoin formé par les couloirs qui se coupent à angles aigus dans cet immeuble moderne des années 70. Elle est gravée de plus de cinquante noms, sans prénom (et cela donne mauvais air à cette plaque, il est plus difficile de donner consistance à ces hommes sans les "Antoine", "Louis", "Armand" habituels), hommage aux salariés morts pendant la guerre de 14-18.
Je ne savais pas que cette filiale du groupe était si ancienne.

Plus tard, en remontant le parvis pour prendre le RER, je m'arrête devant une statue célébrant le courage des Parisiens durant la guerre de 1870 et replacée à sa place originelle en 1983, apprené-je grâce à une plaque, et tout à fait déplacée dans cet environnement, hissée sur une colonne pour atteindre le niveau du parvis. Drôle d'idée, mais émouvante, comme si l'histoire avait réussi à s'imposer malgré tout.

Variations

Il me semble entendre dans cette conversation un écho de celle-ci, même si ce n'est pas le même angle, ni la même catégorie de protagonistes :

Le père, contemplant le fils : — Trente secondes de plaisir, trente ans d'emmerdes !
La mère : — Trente secondes… c'est pas si mal.
Le fils (16 ans) : ? Trente secondes, vous êtes si nuls que ça ?
La mère : — Ça dépend de ce qu'on compte.
Le père : — C'est comme dans les accouchements, on compte à partir du moment où la femme crie.
La mère : — T'as pas honte de dire ça comme ça devant lui ?

Etc.

Hommage à un blog disparu


Melismes se cache ici.

Festival du cinéma en plein air de la Villette

Ça (me) demande toujours beaucoup d'énergie (difficile d'enchaîner deux soirs de suite, par exemple), mais cela reste un de mes événements préférés.

A noter, Loulou, Laura, Lili Marleen, Gilda, Le bon, la brute et le truand

(Zut, je viens de me rendre compte que je ne pourrai pas assister à la projection de ''Loulou'', film vu en 1987 ou 88 au ciné-club de l'école, et que j'aimerais tant revoir.)

Des millions d'années entre les arbres

Vendredi soir, en traversant le jardin des Plantes pour rejoindre la gare de Lyon, j'ai découvert une gigantesque carte géologique de la France recouvrant la façade du museum d'histoire naturelle. Elle est également représentée au sol, en matière stratifiée, on peut marcher dessus (elle doit faire dix ou douze mètres de côté).

Le tronc des marronniers (sont-ce des marronniers? Je crois que oui (je ne me souviens plus très bien)) de l'allée qui mène du museum à l'entrée près de la gare d'Austerlitz a été ceint d'une large affiche plastifiée vert pomme avec un gros nombre blanc: les millions d'années de la vie de la terre. D'arbre en arbre je remonte le temps, je ne connais pas l'échelle, elle doit être expliquée à l'extrêmité de l'allée, mais je n'ai ni le courage ni le temps d'y retourner. Reproduction sexuée et sa conséquence, la mort (150 millions d'années? Je ne sais plus), apparition de l'oxygène qui tue les organismes vivants, apparition des premières bactéries, apparition/solidification de la terre tout au bout de l'allée, devant la Seine.

C'est une très longue allée.

Euro

Vu Turquie-Croatie hier : c'est toujours aussi ennuyeux ?
(Impressionnée cependant par les bonds en hauteur de certains joueurs (même si je n'en ai pas toujours vu l'utilité)).

Le monsieur en gris a sans doute sali son costume.

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Agenda
concert de jazz de Renaud, un pongiste.

Sortie

Ce soir, H. m'a emmenée au McDonald.

(Et si je n'écris rien de plus, combien de malentendus à partir de cette phrase?)

Paperasses et autre

Dans la journée.
Froid dans un bureau qui n'est pas le mien, j'ouvre la fenêtre pour couper la climatisation, odeurs de poubelle.

Ce soir.
Déclaration d'impôts, déclaration d'urssaf, facture de Cerisy, facture d'assurance, nouvelle carte vitale, trouver une photo. Une planche de timbres illustrée par Tex Avery. Il faut encore retrouver les certificats médicaux à remplir pour les colonies de vacances de cet été.

Journée sans intérêt.
J'ai acheté mes billets de train pour Cerisy et cette pensée me tient chaud.

Une vocation avortée

Quand j'eus fini de lire Le Seigneur des Anneaux, je savais ce que je voulais faire plus tard: la même chose que Tolkien. Je retournai le livre et lus "philologue".
Parfois je regrette de ne pas m'être obstinée.
Evidemment, cela aurait supposé que je fasse quelques efforts en latin. Et il était déjà trop tard pour choisir le grec en option.
Et à vrai dire, je ne savais pas ce que voulait dire philologue.
Spécialiste des langues, disait le petit Larousse.
J'étais (je suis) nulle en langues.
Dommage.

Quand vous vous taisez, votre mari lève le nez

Puisque cette note a été diversement interprétée, je vais donner l'arrière-plan personnel dans lequel s'inscrit ce minuscule incident.

Je me souviens très précisément d'un collègue avec lequel j'étais en train de plaisanter qui me dit : «En somme, quand vous arrêtez de parler, votre mari sort la tête de son journal pour voir ce qui se passe».
J'avais ri de bon cœur.

Rentrée à la maison, je racontai l'anecdote à H. qui à ma grande surprise se fâcha: ces clichés étaient insupportables, c'était inadmissible d'être aussi conventionnel, etc.
Je restai stupéfaite, à me demander si finalement mon collègue n'aurait pas eu au moins un peu raison (puisqu'il provoquait une telle colère), alors que j'avais pris ses mots comme une taquinerie destinée à se moquer de mon infatiguable bavardage.


PS : en recherchant le mot steampunk chez Caféine (l'endroit où je lai rencontré pour la première fois) pour savoir si je pouvais l'appliquer à Indiana Jones (non), j'avais trouvé ça, qui ne devrait pas plaire à Holly.

Indiana Jones et le crâne de cristal

(Vu mardi soir).
A lire ça et là quelques commentaires, j'avais peur de m'ennuyer. C'était moins pire que je ne l'avais craint — mais faible.

Lorsqu'on va voir Indiana Jones, on n'attend pas un film qui fasse référence au fait qu'on va voir un film d'Indiana Jones. On attend de l'action, des dialogues, une certaine gentillesse contrastant avec des dialogues incisifs — et le sourire d'Harrison Ford.




Trois exemples de référence dans la référence:

1/ les couleurs et la lumière
Les couleurs des scènes d'intérieur tournées en bibliothèque ou dans les cafés m'ont paru forcées, presque criardes, comme la couleur des films des années quarante (Autant en emporte le vent, par exemple). D'autre part, ces couleurs étaient trop lumineuses, comme vernies. J'ai ressenti un double malaise : on ne filmait pas une reconstitution de 1957, mais on tentait de filmer une reconstitution de 1957 comme si on était en 1957 (indice: la couleur), cependant en utilisant les produits actuels (indice: le côté vernis des couleurs).
Une maladresse et une erreur se superposent donc.

2/ La musique

Le leitmotiv des films d'Indiana Jones intervient pendant certaines scènes d'action comme un contrepoint ironique: à quoi bon tourner une scène d'action en faisant en sorte de distraire le spectateur de sa frousse et du plaisir du suspense?

3/ Le rappel de l'âge d'Indiana
Une fois, deux fois… A la troisième ce n'est plus drôle et cela devient gênant, presque une incorrection.

Ajoutons à cela quelques faiblesses de scénario et de dialogues, des incohérences (si le magnétisme du crâne était si grand, les voitures auraient-elles pu rouler? A quoi bon nous dire que Mac est un agent double voire triple puisque ce ne sera pas utilisé?), et l'on en conclut que trois, c'était suffisant.

Mais bon, j'aime bien Harrison Ford (et je trouve Cate Blanchett émaciée).


PS: Ben vlà aut' chose!

Décalée

Lorsqu'un intervenant a demandé à Emmanuel Falque si l'injonction de Hughes de Saint-Victor, il faut "lire le monde", était un concept ou une métaphore, j'ai dû être la seule à penser à Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages:

— J'ai le glaive vengeur et le bras séculier.
— C'est beau comme métaphore.
— C'est pas une métaphore, c'est une périphrase.
— Oh, fait pas chier !
— Ça, c'est une métaphore.

Jalousie

Mardi soir en sortant du cinéma, je reçois un texto:
10/06/08 21:05 - C francis rapel moi stp

Comme il est toujours possible que cela soit important, je réponds:
— Fx numéro.

Le lendemain dans l'après-midi, je m'aperçois que le message est resté coincé dans ma boîte d'envoi. Au lieu de le détruire, je le renvoie. S'en suit l'échange de textos suivants:
11/06/08 15:51 - Tu parle 2 koi?
— Un sms reçu hier soir par erreur: c'est francis, rappelle-moi.
11/06/08 15:57 - Nn pa par erreur c francis ki voulai ke tu rapel c la femme de francis
— Je ne connais pas de francis.
11/06/08 16:02 - Bin ci gabon!
11/06/08 16:06 - Et toi alor tu es ki?
— Une erreur de numéro. Effacez-moi de votre répertoire. Merci.
11/06/08 16:09 - Bin di moi ki tu es stp
11/06/08 16:13 - Alor t ki?

Désormais je ne réponds plus, je sais qu'il n'y a rien a répondre. Elle m'appelle une fois, deux fois. Je coupe la communication. La troisième fois, par erreur, je décroche. J'entends sa voix, jeune, inquiète: «Allô? Allô? Pourquoi vous parlez pas? Parlez-moi» Mais je ne veux pas parler, je sais que ça ne servira à rien. Il faudra attendre que j'ai un homme près de moi à qui passer le téléphone afin de calmer sa jalousie.
Elle rappelle encore, je décroche encore, méchamment. Même jeu. Elle raccroche, j'éteins mon téléphone.
Vers huit heures je le rallume. Je trouve ce message:

11/06/08 16:50 - Dsl c t vraiment une erreur pardon!

Ramer à Venise

Je songe souvent au club d'aviron de Venise (yoles de mer, apparemment) découvert derrière Maria de la Salute.

Photos de la Vogalonga qui a dû avoir lieu en début de mois.

Et ce qu'il en est résulté

Trois jours. (— Qu'est-ce que vous faites? — Nous pleurons en parlant de notre mère).

Etonnament je n'ai pas envie d'être ironique. Etonnamment, je ne ressens pas le besoin d'être ironique pour me protéger.

Un grand mystère entoure ces stages ou formation. J'ai compris pourquoi au bout de cinq minutes : la première règle est la confidentialité, rien ne doit sortir de la salle (évidemment, quand on sait que ce sont des entreprises qui envoient leurs salariés, et que l'animatrice/formatrice rencontre également les conjoints et les patrons…). Il s'agit de psychothérapie de groupe (heureusement que A. ne m'en avait rien dit!)

Au bout de trois jours il ressort de tout cela que je n'aurais jamais fait le deuil de mon retour d'Agadir quand j'avais huit ans. J'ai un peu de mal à croire que ma tristesse latente s'enracine là, mais en y réfléchissant…
Un autre élément mis en évidence est ma passion du secret héritée de ma mère. C'est assez amusant, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de constater (de moi-même, car personne ne juge ou n'explique ou n'analyse) durant ces trois jours que je ne répondais vraiment, sur le fond, à une question, que des heures après, incidemment et dans une autre discussion: il faut sans arrêt recoller les morceaux, un vrai jeu de piste.

Comment je suis arrivée ici



C'est une bastide de 1629 restaurée avec lenteur dans les terres derrière le Cap d'Agde. J'hérite de la chambre la plus austère, ce qui me convient parfaitement (tomettes et œils de bœuf).

Trois jours pour être mangée à je ne sais trop quelle sauce, je n'aime pas les "psy", d'un côté ils me font peur, de l'autre je n'y "crois" pas (cependant ils me font peur).
Je ne suis venue que parce que j'ai confiance en A., et qu'il y a si longtemps que je pleure dans son giron qu'elle a gagné le droit que je suive ses conseils et ses encouragements : «Tu devrais voir Frances, elle est formidable».
Et puis elle m'avait fait confiance pour une sage-femme, je peux bien lui faire confiance pour une psy: accoucheuse pour accoucheuse.

En début d'année, au moment où étaient décidés les budgets de formation, j'ai donc demandé ce stage de "développement personnel" sur mes heures de DIF (droit individuel à la formation).

J'écris ses lignes sans les poster, je n'ai pas de connexion internet.
Mais j'ai amené mon Macbook et des livres, je ne me déplace pas sans talisman.

Les seize ans de Clément

Je n'aurais pas imaginé que cela se passerait comme ça.
Je ne sais même pas si je lui en veux vraiment. Il faut sans doute que je le sorte de là. On ne peut pas payer, je n'arrive pas à trouver un autre boulot, et tout ça me rend dingue.
Je suis en train d'abandonner.
Mon fils vient d'avoir seize ans et je n'ai qu'une seule envie : être loin de lui. Après la patristique, il faudra que je fasse le tour pour trouver un autre lycée.

L'anniversaire de Matoo

— Je ne connais personne…
— Oui, il y a beaucoup moins de blogueurs que l'année dernière, la mode passe1… À part les coxxiens, c'est surtout la base historique, les copains d'avant le blogging…
— Tu n'aurais pas vu Jules… Julien… Il devait venir… mais il est peut-être reparti…
— Jules? Quel Jules? Je ne connais pas de Jules.
— Mais si, Jules, il avait un blog, avant, il y a longtemps… Je ne l'ai jamais vu, on ne se connaît que par internet, les commentaires… (J'hésite à dire qu'il est allé en Chine, je ne sais plus si c'est un détail public ou pas).
Un grand type en T-shirt orange passe, d'après les photos glanées ça et là, un descriptif qui parlait d'1m91 (ou 87 ? Je ne sais plus), il me semble que ça pourrait être lui:
— Lui… il ne s'appelle pas Jules?
— Ah, Jûûûûûûllleeeees!!! Mais oui, mais fallait dire Athaldir!
(Oui mais heu, j'avais totalement oublié ce pseudo venu du fond de la préhistoire blogosphérique).

Remarques désabusées sur l'entreprise (pourquoi est-il si inconcevable d'expliquer qu'on est prêt à travailler de notre mieux pour rendre service au plus grand nombre sans y mettre d'autre foi particulière que celle du travail bien fait ? Pourquoi devons-nous absolument être enthousiastes et ambitieux, avoir des plans de carrière à dix ans («Comment vous voyez-vous dans dix ans? ? Ben euh…»2), connaissance commune et inattendue des xavières, analyse comparée des scénarios américains et français… (nous avons tout si bien compris que nous aurions aussi vite fait d'écrire notre propre scénario).

Fumer sert à sortir dans la rue et à échapper à la musique insoutenable de l'intérieur. Nous sommes accostés sous je ne sais plus quel prétexte par un certain Cédric (non blogueur, ne cherchez pas) qui pose beaucoup de questions mais séclipse dès qu'on lui en pose deux. Beau sourire. Sous ses dehors libérés et provocateurs ce garçon est très conservateur, il paraît sidéré et vaguement choqué que je sois là. Au bout de quinze secondes, après m'avoir demandé mon âge, il me catalogue «décalée»:
«Tes enfants, ça les fait pas flipper que leur mère soit à une gay party? ? Je ne suis pas à une gay party, je suis venue à l'anniversaire de Matoo.» Il n'est pas convaincu.
— Et comment tu connais Matoo ?
— Par internet. Je le lis. Et Jules aussi. Je ne connais personne ici. Je lis. Il me regarde comme si jétais vraiment bizarre: «Ah. Moi je suis de la vieille école». J'ai envie de rire.

Au moment de partir, Grégoire me demande un autographe pour son coloc. Je signe « Pour Cédric, with love. Maurane »



1 : En fait, cette année, c'est plutôt des FB… Je vais monter un observatoire sociologique à partir des anniversaires de Matoo.
2 : Je devrais peut-être leur envoyer cela.
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