Tétralogie raccourcie à Reims en un week-end. Très bien. Formidable, émouvant, clair.

Surprise par les livrets que j'avais volontairement omis de lire: quelle confusion, quelle absence de morale, tous les contrats sont rompus, tout est faux, trahi, retourné. Vengeance et malédiction, quête du pouvoir. Tout ce à quoi je suis habituée, et qui finalement vient tout droit du catholicisme, n'est jamais une solution: le renoncement, le pardon, la rédemption par l'amour (non, Brünnhilde n'accomplit pas cela: avant de mourir, elle met le feu au Walhall). A croire que le luthérianisme protège moins bien de l'amoralisme que le catholicisme (omniprésence de la tension sexuelle, tout le temps —tout ce qui est amour-sentiment broyé ou étouffé par le besoin de pouvoir ou de sexe. On est loin de la tragédie grecque (où la tragédie naît de la volonté de respecter des principes, parfois contradictoires, et non de leur bafouement) ou de l'Iliade, sans doute pas très morale non plus (distinction bien-mal, schématiquement), mais attachée à l'honneur, l'amitié, la fraternité, la parole donnée, l'amour). Bizarre, bizarre. Comment un tel livret a-t-il traversé la tête d'un Allemand du XIXe siècle?

Brünnhilde blonde et frêle (enfin, musclée malgré tout, qui porte sa voix avec ses bras). La critique n'a pas toujours été tendre avec Piia Komsi, mais Philippe de l'escalier fait remarquer qu'il s'agit d'un parti pris intéressant (à vrai dire il paraît séduit): une walkyrie différente, la préférée de son père, celle qui désobéit, n'a pas à ressembler aux autres walkyrie. Et puis cette formation orchestrale très légère permet l'intimité, le chant n'a pas à se projeter par-dessus les instruments. Brünnhilde gagne en émotion.

Dans une formation de dix-neuf musiciens, la musique est parfaitement claire, détachée, compréhensible. Vient le moment où je cherche les sous-titres quand personne ne chante. Vient le moment où les chanteurs disparaissent pour ne plus être que leur voix.
Quatre représentations en trois jours, et la troupe est devenue familière, nous retrouvons des visages, des habitudes, il semble que la semaine pourrait se continuer ainsi, entre vieilles connaissances.

Quel froid dans le théâtre. Pas étonnant que les chanteurs soient souffrants.
— La costumière se fournit chez Décathlon.
— Tiens, après les survêtements, c'est cuir. Demain ce sera fourrure.
La flûtiste ne sourit pas beaucoup.
Ils ont dû prendre des cours de judo pour apprendre à tomber, ils vont finir par se faire mal.

— Siegfried est vraiment bon, c'est le meilleur que j'ai entendu.

— Je ne comprends pas. Pourquoi Fricka ne protège pas Sieglund comme elle voulait protéger Freia? C'est pourtant la même violence.
— Oui, mais les liens du mariage sont sacrés.
— Mais un lien ne vaut rien s'il est obtenu par la violence.
— C'est une femme blessée et jalouse.

— Si tu prends du maroille, je change de table.

— Mais tu fais comment?
— Il s'absente souvent pour aller écouter Wagner, pendant ce temps, je mange du maroille.
— D'autres prennent des amants ?
— Ce n'est pas incompatible?
— Le pouvoir aphrodisiaque du maroille?
— Mais enfin, il n'y a pas que le sexe dans la vie!

— Vivant Denon, Point de lendemain. C'est très "in bed with"!

Et puis les faux et le mont du Sinaï.