Alice du fromage

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Billets pour la catégorie 2007 :

samedi 29 décembre 2007

Colle

Un soir de ce mois, j'ai eu beaucoup de mal à me débarrasser d'un homme qui posait ce genre de question : « Est-ce que ce qui est arrivé devait arriver ? »

Huysmans et Gustave Moreau

Il y a longtemps que j'aurais dû visiter le musée Gustave Moreau. C'est en effet l'un des premiers peintres qui m'ait marquée quand j'étais au lycée et que je m'ennuyais : Salomé illustrait mon livre de français de seconde.
J'ai travaillé trois ans à deux pas de ce musée, mais a-t-on idée d'être un musée qui ferme entre midi et deux ?

Cette fois-ci j'avais une motivation supplémentaire, une exposition mettant en évidence les relations entre Huysmans et Gustave Moreau, et peut-être une deuxième motivation, un attachement à ce blog.

Le musée Gustave Moreau est ce que j'aime, davantage une demeure particulière (comme celui de Delacroix) qu'un vaste établissement impersonnel.
Evidemment, cela suppose que le public l'ignore, car il ne pourrait accueillir grande quantité de visiteurs à la fois.
Il y fait trop chaud (c'est étonnant).
Le premier étage est charmant, les pièces minuscules, gonflées de meubles et de tableaux qu'on peut à peine voir, retenus que nous sommes par une rambarde qui nous empêche d'approcher et de piétiner les tapis et casser la porcelaine. Tout cela est très chargé, c'est tout de même étrange d'avoir constitué son propre musée de son vivant. On pourrait vivre ici en enlevant quelques meubles et en ouvrant les fenêtres, Dieu qu'il fait chaud.

Au deuxième étage se tient l'exposition, qui n'est qu'un prétexte pour visiter le musée: quelques pièces rassemblées là, le manuscrit d' À rebours, très raturé dans un gros livre relié, des lettres autographes (très belle écriture de Jean Lorrain), des extraits des critiques de Huysmans. Les ébauches et dessins préparatoires pour l'illustration des Fables de La Fontaine sont exposés, c'est inattendu et me plaît beaucoup: simplicité et précision du dessin, grande décision dans la couleur et dans le trait. C'est finalement ce qui me frappe dans les tableaux de Gustave Moreau: la décision, cette décision qui contraste si fort avec le déferlement des couleurs et des ors, avec l'atmosphère onirique et fantastique. Rien n'est flou dans ce monde vaporeux ou rêvé.

Deux étages, quelques toiles immenses, tout le temps que l'on veut pour rester devant les toiles, peu de monde, la certitude qu'ici on a une chance de voir tout ce qui est exposé (deux pièces, ce n'est pas si grand), même si bien sûr au bout d'une dizaine de tableaux il vaut mieux arrêter et se dire qu'on reviendra.
Le même titre sert à trois ou quatre toiles, on ne sait plus bien laquelle est l'ébauche de laquelle, j'aime beaucoup une Marie-Madeleine assise au pied du calvaire, les jambes tendues, dans une position inconfortable et laide laissant transparaître le désespoir. Je découvre les talents de copiste de Gustave Moreau qui paraît avoir copié les artistes les plus divers, au dernier étage se trouve une copie du Saint Georges de Carpaccio qui me paraît plus claire que l'original.

vendredi 28 décembre 2007

Jeudi Compiègne

Compiègne :
- l'abbaye Saint-Corneille reconstruite et transformée en bibliothèque;
- le cloître, inaccessible;
- les rois sacrés ou enterrés là, aux noms évocateurs (Charles le Chauve, Louis le Bègue);
- le café Saint-Corneille, ses tenanciers accueillants et ses croque-monsieurs moelleux;
- l'église Saint-Jacques, qui a mon avis ne porte pas chance (comment peut-on se vanter d'être le lieu où vint prier Jeanne d'Arc le jour de son arrestation?), son étonnant sanctuaire regroupant des reliques d'un peu tout le monde, quelques os de saint Rémi, saint Benoît, sainte Cécile, saint Louis, sainte Victoire dont le crâne luit dans sa châsse, me rappelant la relique de la galerie Doria-Pamphili que je ne sais plus quelle femme de la famille avait obtenu d'emporter avec elle quand elle partait en voyage (ne jamais se déplacer sans son squelette préféré, oui, cela m'a marquée) et les arcs compliqués de ses absidioles, dus à la contrainte d'un espace trop étroit entre deux rues;
- le château, triangulaire, lui aussi pour épouser une contrainte (j'aime les formes sous contrainte, ce sont les plus libres, celles qui font le preuve du plus d'imagination);
- le jour gris, la brume vaporisée sur les statues emmaillotées de la terrasse, les arbres au loin perdus dans le brouillard;
- les merveilleuses anémones des sièges (et le sentiment que broder ainsi pourrait constituer le but valable d'une vie);
- l'ordonnancement si naturel des pièces s'ouvrant si naturellement sur le parc qu'il semblerait tout naturel de vivre là;
- les œuvres de la collection de Nicolas Esterhazy (après tout ce sont elles qu'on est venu voir), une petite gravure de Dürer, la Salomé de Cranach, des partitions de Haydn, de Mozart, le (tableau de) Véronèse ne me convainc pas et j'ai oublié le nom de mon tableau préféré, d'un Espagnol je crois, un couple de paysans et un faune, en tout cas un chien magnifique sous la table;
- mon tableau préféré parmi l'accrochage permanent : La revue des ombres de Victor Giraud.



A la nuit tombante, nous fûmes à la clairière de l'armistice près de Rethondes. Le wagon n'est pas le véritable wagon de l'armistice, qui a été détruit en 1945 dans la forêt de Thuringe. Le véritable wagon avait servi sur la ligne Deauville-Trouville avant d'être affecté au service du maréchal Foch, et je n'ai pu m'empêcher de penser que Proust l'avait peut-être utilisé.
Au milieu de la pelouse une grande dalle porte une inscription que je ne pus lire, vu le manque de lumière, qu'en montant dessus. Je n'ai pas noté la phrase, elle se terminait à peu près par «les peuples libres ont vaincu l'Allemagne guerrière qui voulait les asservir». Cette dalle date de l'entre-deux-guerres, elle a été emportée en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale, une discrète plaque sur le côté précise qu'elle a été récupérée avec quelques difficultés en 1949. (Je regrette de ne pas avoir noté précisément tout cela, le ton des deux inscriptions nous a fait rire (jaune), il signifiait très clairement que justice avait été faite et qu'il y avait des limites à ne pas dépasser).
Le petit bâtiment sans prétention qui contient le wagon comprend également toutes une série de photographies sur les tranchées et les villages de France bombardés, c'est très instructif et émouvant.


Pierrefonds est évoqué avec tant de mépris dans Corée l'absente que je voulais le voir. Las, il faisait trop noir, c'est tout juste si l'on distinguait la masse noire du château par instants. Le charcutier-traiteur sur la place de l'hôtel de ville collectionne les récompenses.

jeudi 27 décembre 2007

Moi aussi je peux parler de Carla Bruni

Carla Bruni ne m'avait jamais spécialement intéressée — ayant davantage l'occasion de rencontrer le nom de sa sœur (ou demi-sœur?), Valéria Bruni-Tedeschi, cinéma oblige — jusqu'au jour où mon amie F., venue déjeuner, nous dévoila les folles aventures de la famille Enthoven, ses voisins sur la Côte d'Azur.
J'appris alors que Carla était sortie avec le père avant de débaucher le fils (suis-je en train d'enjoliver, ou F. nous raconta-t-elle des rendez-vous secrets dans les buissons en cachette du père?), fils qui dans le même mouvement abandonna Justine, fille de BHL.[1]
Carla Bruni et Raphaël Enthoven ayant eu un garçon, F. concluait, pensive: «Je me demande à quoi pense le grand-père quand il se penche sur son petit-fils.»

Jean-Paul Enthoven a écrit une critique des Antimodernes dans Le Point en mai 2005. C'est à lui que je dois ma découverte d'Antoine Compagnon.
Et c'est à F. que je dois un beau succès auprès de mon chef, s'extasiant à son retour de vacances sur la "nana-canon" (il parle à peu près comme cela) que "se sortait" (même remarque) Jean-Paul Enthoven qu'il avait croisé sur une plage quelconque de la planète: «Vous ne savez pas qui c'est? Mais si, c'est Carla Bruni, celle qui...» Etc.

Notes

[1] Tout cela est raconté dans Rien de grave, roman à clé de Justine Lévy.

vendredi 21 décembre 2007

Ecœurée

C'est drôle comme on se s'habitue pas à la lâcheté.

(Finalement, un blog, c'est un peu comme le trou dans la vase du roi Midas: cela permet de mettre tout le monde au courant de quelque chose qu'on est censé ne pas dire ? et même ne pas penser, ne pas savoir.)

mercredi 12 décembre 2007

Voyage en Grande Garabagne

Le nom de la Lybie Libye dans les conventions internationales est "Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste".

ajout le 14/12/2007

Via Embruns, je découvre le blog de Kadhafi.

mardi 11 décembre 2007

La bonne nouvelle du jour

J'ai reçu ma première pièce slovène : 20 centimes d'euro.

Matin

7h07, RER plutôt plein, je m'assois à côté d'un jeune homme au look années 70 version propre, cascade de cheveux bouclés, coll roulé, et l'air très, très jeune. Il lit une partition, un second coup d'œil m'apprend qu'il s'agit de Chabrier.
J'ouvre mon livre, mon voisin murmure je ne sais quoi, ni le nom des notes, ni l'air, on dirait qu'il lit des phrases, mais lesquelles?

Plus tard il prend son téléphone. Il est tôt, le wagon est silencieux, engourdi, il fait plutôt chaud, on ne serait pas si mal si on ne regrettait son lit. Mon voisin parle à voix basse, mais c'est mon voisin, je l'entends, il est gentil, il me fait de la peine :

— Allo, tu es réveillée ?
— ...
— Tu as bien dormi?
— ...
— Ah d'accord, tu n'as pas vu que je t'avais envoyé un texto.
— ...
— Mais pour rien...
— ...
— Mais parce que je t'ai envoyé un texto et que tu n'as pas répondu...
— ...
— Châtelet, Gare du Nord...
— ...
— Mais il n'y a rien à gare du Nord, c'est là que je descends...
— ...
— Bon, je sens que ça ne va pas...
— ...
— Non, non, c'est pas grave, je raccroche. Je t'embrasse, à tout à l'heure.

Pauvre voisin.
Je ne réponds rien aux gens qui me reprochent de "ne jamais appeler". Généralement j'ai déjà senti une ou deux fois que je les avais dérangés alors que je téléphonais pour rien, juste parce que j'avais envie de leur parler. Cela suffit.
Je hais le téléphone.



Au café, donc. MTVidol, je découvre les clips de trente ans de chansons. C'est bien, je n'en connais aucun.
La Isla Bonita de Madonna: elle imagine vraiment que les danseuse de flamenco dansent comme cela? J'aurais imaginé Madonna plus professionnelle, mais elle était encore jolie, à l'époque.
Let's Dance d'un Bowie outrageusement blond, Boney M et son chanteur en pantalon comique à force d'être indécent, Jean-Jacques Goldman et Pas toi. Dommage que les dates des chansons ou des enregistrements ne soient pas indiquées.

Toto et Africa. Un podium en forme de livre. Un globe. Une carte. Des livres reliés dans des bibliothèques. La jungle, un peu, pas beaucoup, en arrière-fond.
Et une secrétaire, toujours, en médaillon, entre le chanteur et je ne sais quoi, sa guitare, un meuble? Ce clip fait surgir mes souvenirs d'Au cœur des ténèbres, car ce qui m'a marquée dans ce livre, c'est moins le voyage en bateau, le fleuve, la fièvre, Kurtz, que l'étrange Parque du bureau de Londres, la tricoteuse de laine noire.

lundi 10 décembre 2007

Stratégie d'évitement (morne quotidien, je devrais en faire une rubrique)

Mon chef prend son café de huit heures et demi à neuf heures dix, neuf heures vingt. Il nous fait la conversation durant le même temps, c'est-à-dire, pour résumer, qu'il nous fait le récit de quelques-unes de ses prouesses choisies dans un stock amassé durant un demi-siècle.
Ma collègue infiniment amicale, bien élevée et indulgente lui donne habituellement la réplique, tandis que je me tiens en retrait, n'en pensant pas moins.

Parfois ma collègue est absente.
Alors je reste au café jusqu'à neuf heures dix, pour ne pas arriver trop tôt au bureau.

vendredi 7 décembre 2007

Complexe tendance absurde

Je lis Journal d'un voyage en France et je feuillette Corée l'absente[1]. Je m'absorbe dans ma lecture, je m'endors dans les trains, je ne sais plus quel livre j'ai en main, j'ai oublié qu'il y en a deux, et je m'étonne et m'émerveille qu'un journaliste parle de Buena Vista Park et de Tricks en 2004: bel effort, ce n'est pas si simple de se procurer Buena Vista Park.

Il faudrait que j'aille me coucher mais je n'en ai pas envie, il faudrait que je me lève tôt pour ranger mais je n'en ai pas envie, je pourrais ranger maintenant puisque je ne me couche pas mais je n'en ai pas envie.


Notes

[1] que vous lisez tous en regardant les photos, bien sûr.

samedi 1 décembre 2007

Expérience vécue

Un noir habillé de noir qui traverse la nuit une rue mal éclairée prend un risque.

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