Billets pour la catégorie 2022 :

L'entrainement

Je quitte Vincennes tout de suite après le bureau. JM me récupère à la gare de Fontainebleau à deux heures. Il fait un grand soleil.

Nous n'avons pas encore réussi à ramer ensemble avant Mâcon. C'est tout de même les championnat de France. Je suis hallucinée de temps de légèreté, quand je sais à quel entraînements durs se soumettent les équipages du CNF.

Nous aurons donc un entraînement ensemble. Pas davantage, car JM ne pouvait pas être là, pour raisons familiales et Sylvie ne pourra pas être là après.

Nous bénéficions d'un beau quatre, qui a le défaut d'avoir la barre au pied de la nage. C'est conçu pour un deux mille mètres, où il est inutile de se retourner: il suffit de se repérer aux bouées devant soi, les couloirs sont droits. Mais pour un huit mille sur un parcours légèrement en courbe, dont un demi-tour à effectuer à la moitié, c'est plus difficile à maîtriser.

Nous descendons (sens du courant) vers Fontaine-le-Port, puis effectuons un deux mille mètres en remontant. Ça me paraît très long. Il y a du vent, il fait un peu froid, je remets un pull. Bien m'en prend: il se met à tomber une pluie fine et glacée, de plus en plus abondante, mêlée de grêle fondue.
Nous arrivons au ponton trempés et glacés.

Je rentre à la maison me changer et me réchauffer puis je repars à Samois : ce soir il y a remise du trophée de l'espoir à Cornélus Palsma par le comité départemental olympique et sportif, le conseil départemental et le Crédit agricole. C'est un jeune rameur de 22 ans originaire de Fontainebleau, vice-champion du monde en quatre poids léger.

La cérémonie commence mal: comme c'est les vacances, l'intendance n'a pas suivi et personne n'a les clés de la salle. Nous battons le pavé un temps bien trop long avant d'entrer dans la même salle qui nous avait accueillis pour le tajine du premier novembre. Discours des trois parties invitantes, réponse du jeune homme qui se tire bien de l'exercice, photos. Pas d'intendance donc pas de verre de l'amitié ni cacahuètes, c'est tristoune.

Cornelus Palsma entouré de l'ANFA - février 2022

L'enclave russe

Quand mes parents ont commencé à voyager en Pologne en 2019, j'ai découvert avec stupéfaction qu'il existait une enclave russe au bord de la Baltique, sans lien terrestre avec la Russie.
Comment une telle idée avait-elle pu germer dans le cerveau des dirigeants de Yalta? Quel géographe fou avait-il conseillé cela?
Et surtout, comment cela se faisait-il que je ne le découvrais que maintenant?

(Ce n'est que récemment que j'ai compris que lorsque j'étais au lycée, c'était noyé dans l'URSS, donc pas un sujet.)

La chose apparaît sur cette carte humoristique en faveur de l'Ukraine : la petite tache rouge, c'est de la Russie.

carte de la Russie et des pays qui ne sont pas la Russie


Depuis que j'ai découvert cela, je me dis qu'un jour les pays baltes se feront attaquer.

Nous n'avons rien dit pour la Géorgie, la Tchétchénie, la Syrie. Si nous ne disons rien pour l'Ukraine, combien de temps avant que les pays baltes, qui appartiennent à l'Union européenne, se fassent attaquer?

Entraînement, le retour

Dans la foulée de mon inscription en salle, je propose aux filles de commencer l'entraînement pour la course des Impressionnistes, le premier mai à Port Marly: une dizaine de week-ends pour ramer au moins une fois par semaine ensemble. Je propose une yolette. Je sais que ce n'est pas enthousiasmant, mais je me règle sur la démarche de Vincent qui nous avait imposé une yolette en 2018, malgré la présence d'Anne-So et moi-même qui avions un niveau au-dessus. (Mais je ne suis pas Vincent et je n'ai pas beaucoup d'arguments pour convaincre).
Toutes semblent partantes.

Reprise de l'entraînement à l'ergo ce soir. J'y trouve une allégresse à laquelle je ne m'attendais pas: juste avant le confinement, l'ergo m'avait mené au bord de l'épuisement. Surtout, cela nuisait terriblement à mon sommeil, muscles brûlants.
Ce soir, je me sens légère, allégée. Cela me redonne également confiance en moi.

Ergo

Cette histoire de Mâcon me turlupine.
En janvier, selon le rituel des bonnes résolutions ou peut-être pour les Culs gelés, j’avais visité une salle de sport à Vincennes, mais elle n’avait pas l’équipement que je souhaitais. J’avais abandonné.

J’ai décidé de réessayer dans une autre salle.
J’arrive au comptoir. Je ne sais pas par quoi commencer.
L’hôtesse, compréhensive: — Vous ne savez pas ce que vous voulez?
— Si, au contraire. (Je prends une inspiration.) Est-ce que vous avez des rameurs?
— Oui, au fond de la salle.
— Je peux les voir ?
Elle débloque le portillon.

Murs noirs, sols noirs, pas de musique, souffle des machines. Ergo hydrauliques, flambant neufs. Ce n’est pas du tout ce que je cherche, un ergonomètre utilisé dans les clubs d’aviron.
Je reviens.
— Ça va ?
— Non, ils sont presque trop beaux, ce n’est pas ce que je cherche.
— Vous cherchez quoi?
— Un rameur de marque Concept.
— Il y en a d’autres à l’étage. Vous voulez aller voir?

Elle redébloque le portillon. Je monte à l’étage, en manteau rouge et bottes parmi les corps transpirants, casque sur les oreilles. Quelques regards me suivent, mais si peu. Chacun est dans son monde, à la poursuite de son but.

Il y en a deux, dressés contre le mur, que ce soit parce que la place manque ou parce qu’ils sont rarement utilisés. J’en mets un à plat, teste la chaîne, les piles. Ils ont l’air en meilleur état que ceux de Yerres.
Je redescends et je signe. Pas d’abonnement, je pars en avril. Contrat fixe pour un mois.

Sale temps

Autant il faisait un temps magnifique hier, autant il y avait du vent et de la pluie aujourd'hui. J'ai barré le huit. Par deux fois les rafales de vent ont stoppé le bateau dans sa course, par deux fois j'ai dû demander aux rameurs de redresser le bateau que le vent était en train de précipiter sur les bords cimentés de la Seine.

La fin

Nous signons la vente de la maison mercredi prochain. Objectif de la journée: la vider totalement, car dans la grande tradition de la famille, nous nous sommes arrêtés à cinq pour cent de la fin. Nous avons tout déménagé, tout vidé, sauf un placard, deux meubles, la cabane,…

Le camion (douze mètres cube) a été réservé trois jours avant à Intermarché à cinq cent mètres de chez nous. Le récupérer nous prend une demi-heure car les logiciels informatiques ont été changés le week-end précédent et ça beugue: impossible de faire passer la carte bancaire pour le dépôt de garantie, impossible d'imprimer le contrat, la responsable souhaite annuler la réservation, H. supplie, nous n'avons que cette journée, la maison est vendue, nous avons posé une journée de congé… La directrice du magasin est appelée, H. obtient gain de cause.
Nous avons trois quarts d'heure de retard sur notre programme.

La maison. Je suis catastrophée par l'état des rosiers. Depuis combien de temps ne suis-je pas venue ici? Sans doute il y a un an, en février, je me rappelle de crêpes. Je ne suis pas venue en juin pour couper les roses fanées, je pensais que le jardinier passait. Il est peut-être passé, je ne me souviens plus des dates, mais quoi qu'il en soit, il s'est occupé d'autres choses que des roses.
(Et tout le temps de notre présence je volerai des minutes pour aller couper des gourmands et des cynorrhodons. Il faudra que je vienne plus tôt le jour de la vente pour les nettoyer vraiment. Ah quoi bon me dit H., ils vont les couper (le futur propriétaire a l'intention de remplacer le grillage par un mur, des plaques d'acier). Mais je me sens responsable de tout ce qui est vivant, surtout que c'est moi qui ai planté ces rosiers.)

Nous vidons la cabane. Beaucoup de fils électriques, de clous, de bidons, de pots de peinture. Un animal inconnu a fait un tas de coques vides dans un coin de la cabane. Les toiles d'araignées pendent sombres, remplies d'une sorte de sciure. J'espère que les propriétaires ne sont pas de purs citadins, sinon cela risque de les effrayer, voire paniquer. Je vire les toiles, sauvent quelques araignées (en les déposant sous les étagères. Je ne les mets plus dehors depuis que j'ai appris que cela les tuait: elles ont pris l'habitude d'être à l'intérieur).

Nous laissons la table de jardin qui nous vient de nos amis bostoniens, les étagères, des chaises, le tuyau d'arrosage, une pelle, un outil pour tailler le rosier grimpant.
Je remets des graines de tournesol dans l'abri des oiseaux, je fais le tour du jardin, le cœur serré: l'if coupé dont je ne fais pas le deuil, le sapin de noël qui faisait un mètre vingt à notre arrivée, qui en fait douze, est en train de mourir, le rosier blanc disparu, le rosier jaune qui a tant perdu de sa superbe (mais quel âge a-t-il? trente ans?), le forsythia massacré… Le laurier et le romarin vont très bien.
J'aurai le regret de ne pas avoir su m'occuper de ce jardin. C'était hors de mes forces, beaucoup trop de travail. J'ai une colère rentrée, que H. ni les enfants ne m'aient jamais proposé de l'aide. Il fallait que je demande (les garçons si efficaces pour planter les rosiers… mais avant leurs quinze et vingt ans, qu'est ce que j'ai galéré. Et les feuilles à ramasser… et l'engueulade quand j'ai pris un jardinier… et les voyages à la déchetterie sans un coup de main pour mettre les pots dans la voiture ou le chêne abattu. Mais cette année-là j'étais allée seule en Grèce et H. m'en voulait… c'est fou tout ce que j'ai sur le cœur dont je n'arrive pas à me débarrasser. Fasse que l'écrire me permette d'oublier.)

Nous chargeons les meubles qui restent, une table, six chaises, qui viennent de ma grand-mère et un buffet très lourd. Au milieu du salon vide je suis désemparée. Une envie de pleurer monte. Frustration et surmenage. C'est ce qu'il me reste de ces vingt ans. Tant d'efforts pour rien, et en même temps, pas assez d'efforts (faut-il supposer, puisque pour rien: s'il y en avait eus assez, cela aurait sans doute abouti à quelque chose, non?) J'aime nos fenêtres et le puits de lumière qui donne sur le rosier. Vont-ils s'occuper du rosier?

Nous déposons les meubles à la maison, puis déchetterie d'Ecuelles. Nous vidons le camion. Un couple est en train de jeter ce qui ressemble à une maison de famille, vélos et poussette d'enfants inclus. La grand-mère serait-elle morte? Des ballots entiers, des sacs poubelles, y passent. Il faut avoir le cœur bien accroché.
H. va rendre le camion. Nous aurons été la dernière location de la semaine, trop de problèmes informatiques, toutes les suivantes ont été annulées.

Le soir nous mangeons des nouilles asiatiques instantanées et je repasse un maillot pour le ping-pong du lendemain.
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