Alice du fromage

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Billets pour la catégorie Paul Rivière :

dimanche 16 mai 2010

Un rêve

Dans les "Postsecret" du jour, cette photo :






Cette nuit j'ai rêvé que je tenais la main de Paul Rivière pendant qu'il mourait (à la façon dont on meurt dans les films). Mais comme chaque fois que je rêve de mort, la mort est restée inatteignable, souffle suspendu, impossibilité de "rendre" le dernier souffle.

Plus tard je devais me cacher (puisque malgré tout Paul était mort) car il m'avait donné son livret A avant de mourir et ses héritiers me poursuivaient.

Je me suis réveillée, je me suis levée, et je me suis dit que tout était dit.

mardi 11 mai 2010

L'attente me manque

Je m'aperçois que si depuis le début de l'année les midis me semblaient vides, c'est que j'attendais. Si je me résolvais le vendredi à aller ramer, c'est qu'il était trop tard cette semaine-là. Toutes les semaines avaient un goût de désert, d'étendue plate illimitée. Je ne comprenais pas pourquoi. Je ne comprends que maintenant qu'il leur manquait leur ponctuation.
Je n'ai plus à attendre et cela laisse un vide.

lundi 10 mai 2010

...

En fait je ne me remets pas de la mort de Paul.

dimanche 2 mai 2010

Quand j'y pense...

Je continue d'indexer Vehesse. Ce matin, je tombe sur ça. L'ami, c'était Paul. J'ai prêté Douglas Adams à Paul… Ma folie (comprendre: mon inconscience) ne m'apparaît jamais que rétrospectivement.

Cependant, s'il me l'a rendu en 2004, c'est que je lui ai prêté en 2003. Il m'est difficile de me représenter la vivacité de son esprit à cette époque. Les derniers souvenirs écrasent les impressions antérieures.

J'avais pris très au sérieux son désir de "lire" (découvrir la littérature) et je tâtonnais, cherchant ce qui lui plaisait, ce qui lui aurait plu, ce qui lui aurait permis de discuter avec ses petits-fils (son grand souci), mélangeant les genres, les degrés de difficulté. Ce n'est que lentement que j'ai admis qu'il ne "lirait" jamais, il était trop tard, cela ne l'intéressait pas assez, il ne pouvait aller à la fin des livres (il les abandonnait sans les terminer).

Je n'ai découvert/compris que très tard que sa passion littéraire aurait été les auteurs latins. Il en avait un souvenir vif, me confiant qu'à une époque il lisait La guerre des Gaules couramment dans le texte. Vers la fin, il avait souvent sur lui une mince plaquette bilingue de Cicéron ou de Lucrèce.

Et ces mots de Fumaroli m'ont touchée au moment où j'en avais la preuve devant les yeux:
C'est au cours de la brève vacance de l'enfance et de l'adolescence que sont semées (ou non) dans la jeunesse les futures ressources de l'esprit, de l'âme et du cœur, dont disposeront (ou non) l'âge adule et le grand âge. Je me retrouve maintenant, senex-puer, au temps des vendanges, lisant et relisant, mais aussi écrivant et réécrivant, étonné de trouver dans ces exercices un remède aussi efficace à la mélancolie de mon automne que l'avaient été, à celle de mon printemps, mes premières plongées dans la lecture.

Marc Fumaroli, préface à Exercices de lecture, p.8 et 9
(Et je m'inquiète, faisant le compte de ce que j'ai lu à l'adolescence: quelle pauvreté.)

samedi 1 mai 2010

La Pérouse

Je voyais Paul une fois par semaine mais je n'osais pas raconter nos rencontres ou ses souvenirs: j'avais peur qu'il ne découvre ce blog et qu'il me juge indiscrète. Ou qu'il le lise, m'obligeant dès lors à me censurer.
(Je lui prêtais sans doute bien plus d'habileté qu'il n'en eut jamais: il s'essaya à l'informatique deux ans trop tard, j'aurais dû insister pour qu'il s'y mette dès qu'il m'en parla. Je n'ai pas osé, plus exactement je ne me sentais pas le droit d'insister, et deux ans plus tard, c'était devenu trop déroutant pour lui, il s'énervait trop vite quand il ne comprenait pas. Il voulait comprendre son ordinateur comme il avait compris sa voiture («Ma première voiture, je l'ai démontée et remontée pour comprendre comment elle fonctionnait»), il ne pouvait accepter d'utiliser sans jamais accéder au coeur du système (quoique dans ma folie je lui eus ramené un ouvrage de vulgarisation sur les ordinateurs (micro-processeurs, carte-mère, etc): s'il voulait comprendre, je voulais l'aider).)
Aujourd'hui ce sont ses petits-enfants qui pourraient trouver ces lignes. J'ose imaginer qu'elles leur feraient plaisir, peut-être qu'ils y découvriraient des aspects inconnus de leur grand-père. Au pire il serait toujours possible de passer ces notes hors ligne.

Ainsi, ce billet avait été rédigé après la visite privée de l'exposition La Pérouse au musée de la Marine à laquelle j'avais été invitée par Paul. A l'époque sa femme allait très mal et il était déjà fatigué. Il n'y avait pas de quoi s'asseoir (conférences (assis) (avec la présence d'un descendant de La Pérouse, aujourd'hui installé aux Etats-Unis, et de chercheurs, animés de la conviction que La Pérouse, en savant qu'il était, avait forcément protégé ses notes, son travail, et qu'il avait dû les enterrer (et leur vie entière à imaginer, à tenter de déchiffrer un code dans les documents retrouvés, un code qui leur permettrait de retrouver la malle forcément cachée… Il me semblait écouter Tournesol dans Le secret de la Licorne)); visite (debout); l'inévitable cocktail (debout): Paul était épuisé mais voulait le cacher, il me fallait donc faire semblant de ne rien remarquer.)

Evidemment, depuis ce soir-là, le passage de Proust a acquis pour moi une nuance supplémentaire, illustrant ce point. (Proust parle donc de la deuxième expédition, celle de Dumont d'Urville qui trouva l'île (contrairement à d'Entrecasteaux) mais non les restes le La Pérouse).
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