Billets qui ont 'Moret-sur-Loing' comme ville.

La lassitude de la Mort

Ciné-concert dans l'église de Moret : Der müde Tod de Fritz Lang (1921) à Moret, accompagné au luth médiéval par Jozef Van Wissem, compositeur quasi-exclusif des bandes originales de Jim Jarmush (mais comment et pourquoi s'est-il retrouvé à Moret?).

J'y suis allée davantage pour Lang que pour Van Wissen (que je ne connais pas: ce que j'ai précisé plus haut vient d'internet).

C'est un film restauré récemment grâce à des partenariats internationaux. C'est un conte, avec la stylisation des contes, c'est lumineux et vaporeux à la fois. Effets spéciaux par superposition, par surexposition.

Le conte se déroule en six chapitres, bien caractérisés. Le premier nous présente un jeune couple heureux dans une diligence. Un grand homme en noir arrête l'attelage et monte dans la voiture. Le deuxième nous montre la ville, ses notables à la Daumier et noue l'intrigue: l'étranger en noir a acheté le terrain près du cimetière et l'a clos d'une enceinte sans porte et dont on ne voit pas le faîte tant elle est est haute. Le jeune homme meurt, la fiancée rencontre la Mort (l'étranger, comme nous le savons tous). Très belle scène sous une voûte immense emplie de cierges; chaque cierge représente la durée d'une vie qui inexorablement fond vers sa fin.
La Mort propose un marché à la jeune femme: elle lui confie trois bougies à dix centimètres de leur fin, représentant la vie de trois jeunes hommes: si la fiancée parvient à en sauver un, la mort lui rendra son bien-aimé.

S'en suit trois épisodes, en pays mahométan, en Italie et en Chine, avec tous les indices qui permettent au spectateur de s'orienter dans des représentations qui s'appuient sur des clichés, non seulement visuels, mais également musicaux (trois types de musique) et graphiques: les cartons entre les scènes adoptent des graphies rappelant l'écriture arabe ou chinoise. Je vous joins ici trois cartons: le titre, en écriture gothique, un carton arabisant et un carton de type calligraphie chinoise.

Der müde Tod - carton en écriture gothique Der müde Tod - carton en police arabisante Der müde Tod - carton en police de style chinois


La jeune femme échoue à chaque fois (comment empêcher une bougie de fondre si elle brûle?), ce qui explique le titre: la Mort exprime sa lassitude d'être invincible. Elle propose alors à la jeune femme de lui rendre son fiancé contre la vie d'un autre humain. Le dernier chapitre se déroule dans le village, où la jeune femme tente de trouver un habitant qui accepte de donner sa vie pour qu'elle puisse retrouver son bien-aimé.

C'était très beau et je n'ai pas eu froid (ma crainte prosaïque).

Pour les cinéphiles, un billet sérieux qui m'apprend que le titre est classiquement traduit par Les trois lumières (mauvaise traduction: les trois flammes serait plus exact et rendrait mieux la tension qui traverse le film).

SPR

Ce soir, réunion à 19 heures près de la piscine (j'ai quitté le bureau précipitamment) sur le thème «Site Patrimonial Remarquable». Moret a été classé il y a un ou deux ans et il s'agit de tenir au courant les citoyens de l'avancée du projet.

C'était frigorifique et très intéressant pour la nouvelle Morétaine que je suis.

En résumé, il y a 27 monument historiques inscrits ou classés, 7 sites classés, 3 sites inscrits et 3 zones de sensibilité archéologique ainsi que plusieurs zones de conservation et de protection de la faune et de la flore. La dénomination SPR permet d'assurer à tout cela une protection globale, d'obliger à une certaine cohérence architecturale (ou de la rétablir). De ce que je comprends, les deux priorités sont de conserver une identité visuelle aux rues (des maisons vernaculaires aux villas bourgeoises du XIXe siècle en passant par les devantures des commerces) et d'aider à la rénovation thermique.

Au fur à mesure de la présentation où nous nous transformions lentement en glaçons, j'ai pris des photos des slides projetés. Voici une gravure de Moret :

gravure de Moret et de son enceinte


J'habite hors de l'enceinte, à cinquante mètres de la porte A (porte de Paris).

Conseil municipal

Remontée à bloc après le week-end dernier, j'assiste ce soir à mon premier conseil municipal à Moret (j'avais dû assister à un ou deux à Yerres). J'ai eu un mal de chien à en trouver la date, dissimulée quelque part sur la page FB de la ville.

C'est plutôt intéressant, aux sigles près que je ne comprends pas, et aux lieux que je ne connais pas. L'amusant, c'est que les votes ont lieu sur des petites sommes (deux ou trois mille euros) tandis que des sommes énormes pour la ville (plus de cinq cent mille euros) sont citées en passant.
Malgré tout c'est long: je tombe de sommeil; vers la fin je m'endors sur ma chaise.

Quand la séance est levée, je vais me renseigner: les dernières sommes concernent des décisions déjà votées, ce n'est que du suivi de dossiers pour information.


Aux prochaines municipales, on risque de voir ressurgir le maire précédent, un dinosaure dont plus personne ne veut — et moi non plus. Or par le jeu des couleurs politiques, je risque de me voir embarquée sur sa liste: pas question.
J'aime bien le maire actuel. Je préfèrerai.

Nouvelle

En 2024, la coupe de France de vol à voile (ie planeur) se tiendra à Moret.

Pourvu qu'il fasse beau. (J'espère que ce ne sera pas en même temps que les JO. Ou cela n'a-t-il pas d'importance?)

6 heures 36

En attendant le bus, le soleil se lève derrière la porte de Paris.
C'est bientôt le changement d'horaire.

porte de Moret au lever du jour


Les potins du coiffeur

Je me plains souvent — ou parfois — qu'il n'y ait plus de magazines chez le coiffeur: plus de photos (d'inconnus pour la plupart, désormais — mais les robes sont jolies — mais les photographies prises de trop près avec des portables plutôt laides), plus d'anecdotes croustillantes, plus d'interviews stupides.

Mais soudain, pendant que je suis au bac, une cliente à la coiffeuse:
— Vous avez vu, ils avaient fermé le pont aujourd'hui.
— Oui, ils tournaient un épisode de The Walking Dead.

WHAT ??!!?

Des nouvelles de l'Algérie

Matin : café chez Toufik à 7h15 (après un malentendu: j'avais compris qu'on quittait la maison à 7h10 (soit, pour moi, comme d'habitude), H. voulait prendre le train de 7h10: bref, «on part à 7h10» n'est pas assez précis.)

J'apprends (est-ce que tout le monde le sait?) que les Algériens, Tunisiens, Marocains, nés en France, sont bi-nationaux et que cela se transmet aux enfants. (Ce sera donc sans fin. Je me demande si c'est une bonne idée.)
Voilà qui change mon regard sur les supporters de foot: ils ne prennent pas partie pour le pays de leurs ancêtres contre leur pays d'adoption puisqu'ils sont les deux. (Toufik: «pour le foot, on est schizophrène»).

Toufik va partir en vacances en Algérie. Il doit passer au consulat pour avoir un tampon quelconque, ou refaire son passeport, je ne sais plus très bien: «pour ma femme française française, ça va beaucoup plus vite, elle a eu son visa tout de suite. Mais moi, comme j'ai la double nationalité, c'est compliqué, l'Algérie exige que je passe au consulat.»
Bref, une fois de plus, comment faire suer les gens plutôt que leur rendre service. Maltraitance administrative.

Le soir, bière chez Toufik. On parle retraite, générations, souvenirs. Quel est votre plus grand souvenir? la mort de Kennedy, la chute du mur, le 11 septembre, le Bataclan?
Comme l'un des présents résiste à cette vision des choses, nie qu'il puisse y avoir une différence entre connaissance apprise et expérience vécue, je dégaine mon arme secrète: «qui a connu Goldorak?» — car j'ai remarqué qu'il y a aussi les générations Goldorak, les Cités d'or, Power Ranger, Pokémon, etc.

«Moi je regardais Goldorak en France, et quand on allait en Algérie, je le regardais en arabe. Vous voulez que je vous chante Goldorak en arabe?»



Je précise qu'il est sobre, le verre qu'il tient est sans doute le mien.
(N'hésitez pas à cliquer, l'image s'agrandit.)
.

Ou encore Goldorak / Grendizer en arabe.

Retours

Retour au boulot sans se presser : arrivée tard à la gare, train supprimé. Arrivée à dix heures, ce qui était une habitude avant 2006… (avant l'entrée de l'aîné au lycée, l'accompagnement du plus jeune en primaire). Le temps passe.

Visioconférence «Le look à l'ère de Zoom». Je découvre l'existence d'un instrument indispensable, le light ring. (Pourquoi on ne me dit jamais rien ?)
Le bleu marine est la couleur la plus passe-partout, la couleur préférée au monde sauf en Chine et en Espagne, où c'est le rouge, couleur de la passion. Le gris est la couleur des diplomates (ni blanc ni noir) et celle des techniciens (le métal). (Ça me fait rire: à la fois évident et inconscient).
Sachez le message que vous voulez transmettre et en cas de doute… posez des questions.
Bref, toutes choses évidentes qu'on oublie de mettre en pratique.

J'ai perdu mon casse-croûte (acheté le matin gare de Lyon) je ne sais où. Sur un banc dans le métro? Encore heureux que je n'avais pas glissé mon téléphone dans le sac en papier comme je le fais parfois.

Je tousse tant que cela fait rire mon équipe (de perplexité, je crois). J'en profite pour demander à rester en télétravail demain. Je range mon bureau car j'ai été embarrassée à l'idée du bazar laissé au moment de mon absence imprévue. Il faut que je prenne cette habitude au quotidien.

Je rentre par le train de 19h42, les trains de la branche Bourgogne, les trains les plus sales que j'ai jamais vus en France. C'est un train étonnant, avec des compartiments de six à l'ancienne, non éclairés je ne sais pourquoi, les vitres si sales qu'on ne voit pas à travers.
Je voyage debout, ce qui ne m'était encore jamais arrivé. Il ne faut pas arriver quatre minutes avant le départ du train.

Il a gelé ce soir à la tombée de la nuit. J'ai ressorti mon manteau ce matin.
Retour à la Dame du Lac. Ça faisait longtemps. J'aime tant l'équipe qui tient ce restaurant.

Feu d'artifice

Journée sans grand intérêt.

Le soir, quasi au moment de partir, nous parlons du nouveau recruté qui est plutôt mimi (genre mousquetaire blond, barbichette incluse). J'évoque la règle âge N/2 +7. Laure se met à rire:
— J'ai 52 ans, ça fait 26+7, 33; non, c'est trop jeune!
— Moi ce qui me gênerait ce n'est pas tant l'âge mais les souvenirs: t'imagines, quelqu'un qui n'a pas connu la chute du mur? Le club Dorothée ou rien!
— Ah oui! j'avais une copine de ma sœur, c'était Capitaine Flamme. Mais non, moi je savais que c'était Goldorak.

Le soir, H. passe me chercher en voiture chez Toufik car il pleut. Quand j'entre dans le bar, un groupe de clientes à leur dixième bières scandent «A-li-ce! A-li-ce!» Toufik a encore beaucoup bavardé. Une jeune fille prend des photos (un énorme appareil photo) pour un mémoire d'étude en photographie. Elle a un jean amusant, une jambe blanche une jambe jean.

Nous passons à la maison. Je m'habille plus chaudement, nous dînons à la Dame du lac (nouvelle carte, risotto de coquillettes!), puis feu d'artifice sur la rive du Loing.

Je n'ai pas compris l'occasion: le patron de la ville ?

Une table rouge

Matin, coiffeur : «demandez à votre corps ce qu'il a pensé de ce moment». (Hein, quoi? Pourquoi tous mes coiffeurs sont-ils bizarres? Sans doute est-ce de ma faute, parce que je choisis des spécialistes de «la coupe énergétique».)

Vers cinq heures, courses au supermarché (je le note car cela arrive une fois par mois, quand le chat a fini ses boîtes).

Quand le soleil descend, nous allons acheter une table de bistro rouge à la jardinerie: comme la température est insupportable au dernier étage, j'ai négocié de m'installer dans la salle de bain — plus grande qu'un appartement d'étudiant à Paris — sur cette table que nous plierons en hiver.
J'y gagne, car la salle de bain est la pièce la plus fraîche. Cela me permettra aussi de me mettre au clavier la nuit puisque cette pièce a une porte.

table de bistro rouge


Le soir, tandis que nous nous promenons au bord du Loing, nous découvrons avec délice que la terrasse longtemps attendue est enfin ouverte. Pas de Lillet pamplemousse (celui de l'année dernière), je me contente d'une petite Grim.
C'est malgré tout le bonheur.

J'ai piscine

Repassage devant la deuxième saison de la Casa de Papel, vidage d'un carton et piscine.

Impossible de me souvenir de la dernière fois que je suis allée à la piscine. Il y a plus de dix ans, probablement.

La piscine de Moret a rouvert cet été après avoir été fermée depuis l'inondation de juin 2016. Elle a deux bassins, dont un extérieur. C'est ce qui m'a convaincue d'essayer: l'espoir que grâce au grand air, les vapeurs de chlore ne me rendraient pas malade et que je pourrais ajouter la natation à mes entraînements.

Quarante-cinq minutes de bassin dans la nuit, sous la bruine. Au bout de quelques allers-et-retours, j'ai remarqué le clocher de Moret contre le ciel noir.

Le chlore a gagné. Crise d'éternuements en rentrant à la maison, champ de vision troublé par un voile blanchâtre, blanc de l'œil rouge vif.

Je ne retournerai pas à la pisicne.

Sous le signe de l'amitié

O. (le parrain de O.) nous a rendu visite en famille. Ça fait plaisir, les amis ne paraissent pas hésiter à faire les 80 km nécessaires à venir nous voir.
Journée gaie et détendue, facilitée par le fait qu'il a fait beau.
Comme je m'étonne que la chatte à seize ans soit si patiente avec les enfants, H. me rappelle qu'elle a grandi avec des enfants. 2005, comme cela paraît loin.
Bougie. Une. Après cinquante ans, j'ai décrété qu'on n'ajouterait pas plus de précision. (Voilà qui ne facilitera pas la datation des photos dans cinquante ans).

Au moment de me coucher je découvre un sms de Claudine: une rameuse de Bourges est blessée, le huit cherche une fille pour la remplacer, suis-je intéressée?
Je réponds aussitôt oui, mille fois oui.
Et à l'allégresse qui m'emplit, je comprends que j'étais triste.

Vingt jours d'absence

Vingt jours de différence, désormais il fait nuit. J'imagine la terre tourner autour du soleil tourner dans la Voie lactée tourner dans… Je n'ai pas envie de l'hiver.

Photo le 9 août à 6h09 (un jour où le train avait du retard, un jour où le ciel était clair, ce qui n'est pas arrivé si souvent — d'où la photo ce jour là d'ailleurs) et photo de ce matin à 5h52 (train à l'heure).

gare Moret/Loing le 6 août à 6h09 gare Moret/Loing le 31 août à 6h09

Reprise

Journée à Vincennes, que je découvre pour la première fois dans une configuration quasi normale : jusqu'ici, c'était soit confinement, soit couvre-feu, soit vacances d'été.


Le soir, de nouveau, guinguette.


19h33


Un arc-en-ciel

Comme souvent quand nous avons la flemme, nous sortons déjeuner ou dîner "en ville", à deux pas de chez nous.

Ce soir, crêperie, dehors, car H. refuse toutes les fois que c'est possible (c'est à dire toujours) de s'enfermer entre quatre murs avec des étrangers. Je n'y pense plus, mais lui pense encore au virus.

Et donc malgré le vent, nous nous installons en terrasse entre deux averses, ce qui nous permet de contempler un arc-en-ciel digne d'une pub pour Moret.

Arc-en-ceil au dessus de la porte de Samois à Moret sur Loing



H. est ennuyé: sa mère vient passer une visite de contrôle à Garches vendredi et son père lui demande de lui rendre visite, sans se rendre compte que c'est cent soixante kilomètres aller-retour dans la circulation parisienne, ou trois heures de transport en commun.

— Tu es à Bois-Colombes la veille? Reste sur place, dors à l'hôtel.
Et c'est ainsi que nous décidons de rester jeudi soir tous les deux à Paris, dans un hôtel gare de Lyon.

Elections

Journée comme assesseur aux départementales et déléguée aux régionales. Organiser le cheminement, la circulation dans les bureaux en temps de covid a été un casse-tête.

Je suis assesseur au bureau 2 de Moret. La commune (est-ce une ville, mais qu'est-ce donc?) Moret-Loing-et-Orvanne (MLO) regroupe Moret, Veneux, Ecuelles, Montarlot et Episy, soit des lieux séparés de plusieurs dizaines de kilomètres.

Le rapprochement ne s'est pas fait sans heurt et la ville a changé trois fois de nom depuis 2015, avec démission dramatisée d'une partie des conseillers municipaux puis revirement, etc.

La présidente de mon bureau est l'actuelle maire de Moret (maire déléguée, si je comprends bien, maire "uniquement" de Moret-sur-Loing). L'autre assesseur est un ancien instituteur. Il connaît tout le monde, salue tout le monde, tout le monde est plus ou moins son voisin: «Ah, X, je me souviens, je vous ai eu en CM2 la première année où j'étais en poste ici (dans les années 90)».

J'en profite pour me renseigner, récolter des anecdotes. La nouvelle équipe a été élue à neuf voix près:
— Nous avions soixante-dix voix d'avance, il ne restait qu'un bureau à dépouiller à Veneux, nous avons fini avec neux voix d'avance. Il y avait une tension terrible, Septiers ne voulait pas annoncer le résultat, à cause du covid les gens étaient censés rester dehors mais ils se massaient à l'intérieur. Il y avait les pour et les contre, j'ai vu le moment où ils allaient se battre, j'ai demandé à Septiers de proclamer les résultats, il a fallu un ordre de la préfecture.
— Et pour quelle raison deux voix ont-elles été invalidées?
— Nous avons noté au PV que Septiers et un autre n'étaient pas passés dans l'isoloir et avaient affiché leur vote. En fait cela aurait dû faire onze voix d'avance et non sept. Enfin, ce n'est pas grave.

Je suis assesseur titulaire, un suppléant me remplace entre 11h et 15h. Un sadique a désigné l’ancien maire Didier Limoges assesseur suppléant au bureau de la maire qui l'a remplacé.
— Il a dit, on m'a rapporté, que c'était particulièrement dur pour lui d'être remplacé par une femme.

Un ami m'a dit qu'ils avaient passé quatre heures côte à côte sans se parler.

Pendant ma pause je fais le tour des bureau puisque je suis déléguée.


J'étais soulagée d'apprendre que les bureaux fermaient à 18h, mais le dépouillement a pris beaucoup de temps: d'abord les départementales, puis les régionales, et un refus du secrétariat de laisser les scrutateurs des régionales dépouiller tant que les PV des départementales ne sont pas terminés.
Il paraît que je suis stressante.
Je dirais que je suis vive.


Ce soir je pense à "mon" commentateur Fredi: les résultats vont le ravir.

Eau salée

J'avais rendez-vous à St Antoine pour la levée d'aveugle, et comme je le pensais, j'ai reçu une dose de placebo.

J'ai maintenant le choix entre me faire vacciner de mon côté ou attendre fin juin pour recevoir une dose de Janssen.

— Fin juin? Mais je croyais que la vaccination avec le Janssen était à nouveau autorisée?
— Pour le grand public, oui. Vous pouvez aller vous faire vacciner avec du Janssen. Mais pas dans le cadre de cette étude: il faut d'abord mettre à jour l'avenant qui décrit les risques pour y ajouter la thrombose. Ça ne nous arrange pas, mais c'est comme ça. L'avenant sera sans doute prêt en juin, il faut qu'il soit voté. On pourra vous vacciner fin juin début juillet. Vous savez si vous voulez rester dans l'étude?
— Par flemme et par curiosité je préfèrerais, oui. Mais comme je vais sans doute être assesseur pour les régionales, mon mari va sans doute faire pression pour que je me fasse vacciner avant.

(Je vais essayer de résister aux pressions.)

*********

Midi: rascasse et vin rouge en terrasse à côté de l'hôpital. (Note pour l'avenir : nous sommes déconfinés depuis mercredi, couvre-feu jusqu'à neuf heures, mais je n'ai pas encore eu l'occasion d'en profiter.)
Soir: salade et vin rouge en terrasse à Moret. Nous apprenons qu'il y a deux fêtes dans la ville, qui ouvrent et ferment la saison touristique: une fin mai dite «fête du printemps» devenue «fête de la nature» et une fin septembre, la fête 1900.

Nous ne nous en sommes pas encore aperçus, mais nous vivons dans une ville touristique. J'espère que ce ne se sera pas insupportable. Je l'apréhende un peu.

Je boîte, sys-té-ma-ti-que-ment

Je boîte, systématiquement,
Pour oublier, Marine et Mélenchon,
Je boîte, systématiquement,
Pour oublier les dépressifs et les ronchons.

Boîtage le matin. Mail des trompettes de la renommée, square des copains d'abord, allée de la canne de Jeanne, impasse de la brave Margot, place du petit cheval.
H. fait une recherche "Brassens, Moret". Rien.
— Quelqu'un s'est juste fait un trip.

Quand je serai élue maire de Moret, je ferai corriger «canne» en «cane».

Messe de l'Ascension à Moret.

Boitage l'après-midi dans Thomery. Ici ce sont des gîtes et non des Airbnb. Les rues sont nommées d'après les hommes de la troisième République, dont Greffulhe. Je me demande comment le prononcent les Thomeryons.

Je découvre le port de Thomery que je connais de bateau. Il a eu beaucoup d'importance jusqu'à l'arrivée du train, transportant pommes et chasselas.

port de Thomery


Huit kilomètres à ajouter aux quatre du matin. Très mal aux pieds ce soir, aux muscles des pieds.

Dans la série «il faut que je termine le classement/le déménagement», je déplace mon bureau pour ne plus être gênée par le soleil et concatène quelques cartons à chaussures de cartes postales.
J'ai pour projet de les relire et les classer — mais pas maintenant.

Télétravail

J'ai posé une journée de télétravail pour pouvoir… ramer. Donc en fait une demi-journée de congé.

Je commence par du boitage pour Laurent Saint-Martin dans le quartier de Grosbois de Moret. Je remarque avec amusement une "allée des sabots d'Hélène" et avec émotion un vieil homme qui lit derrière sa fenêtre, un gros palmier sur la terrasse voisin de deux citronniers. Les jardins sont très soignés dans ce quartier.

Skiff S12. Magnifique sortie jusqu'à Champagne comme je n'en avais pas faite depuis longtemps. Ma nouvelle appli Routie m'apprend que j'ai ramé 13,4 km. J'avais pris mon téléphone avec moi pour la première fois depuis que je rame à Fontainebleau.

Seine et arbres en skiff


Courses, pizza, après-midi de boulot.
Puis de nouveau boitage, et soudain je comprends que l'allée de ce matin faisait partie d'une thématique :

plaques de rues à la mémoire des chansons de Brassens


PS : j'ai désinstallé Candycrush que j'avais remis en cours le week-end dernier.

Samedi actif

Skiff S11 en direction de Thomery. Perdue dans mes pensées je ne vois plus de rameurs et je les crois à Champagne, donc je monte jusqu'à Champage. (Il n'y avait personne).
En revenant je me prends un poteau (à l'aviron on recule, il faut se retourner souvent). Sans gravité mais ça fait un choc.

Anniversaire d'Alix. Gâteaux.

Boitage dans Moret. Onze kilomètres, je prends un beau coup de soleil. Je découvre qu'un tiers à la moitié des logements vers le Loing, en dessous de l'église, sont des appartements airbnb.
— C'est bizarre, non? Moret c'est quand même paumé.
— Il y a Fontainebleau à côté. Et la Scanibérique.

Dans une impasse, La société du spectacle sur le tableau de bord des Alpinistes associés.

La société du spectacle


À cinq heures j'invite les co-boiteurs marcheurs à boire une bière à la maison, sur la terrasse. La Fontbleau ambrée est tout à fait mon genre.
Une impression que la vie reprend, d'une campagne à l'autre. Très agréable, presque émouvant.

Un parfum d'Italie

Désormais nous mangeons sur la terrasse. Il fait beau, il fait bon sous le parasol et frais dès que le soleil passe derrière les murs. J'attends que les glycines fleurissent, une blanche l'autre violette. Elles n'ont pas le même type de fleurs, une grappe très serrée, presqu'un plumeau, pour les futures fleurs blanches, l'autre beaucoup plus aérée, plus proche de la vigne, pour la violette.

C'est la première fois que nous vivons dans une maison de ville. Jusqu'ici nous étions soit en appartement, soit en zone pavillonnaire. Nous découvrons une certaine promiscuité, le bruissement des dialogues de nos voisins derrière les hauts murs qui entourent nos minuscules jardins.

Ça me rappelle Venise et la maison que nous y avions louée il y a bien longtemps. J'aime bien. Ma seule inquiétude concerne ce que nous racontons: je ne sais pas si nous parlons fort, je ne sais pas si nos voix portent, je ne sais pas si nous dérangeons nos voisins.

Moret sur Hudson

L'affichette du Smictom nous avait loyalement prévenus: «La collecte ayant lieu tôt le matin, merci de sortir vos bacs la veille au soir».

Mais tout de même, en entendant le camion-poubelle vider la "poubelle à verre" («le bac» et non la poubelle, novlangue) à quatre et demie du matin, je me suis crue à New-York, qui est moins la ville qui ne dort jamais que la ville où l'on est sans arrêt réveillé.

Journée bien remplie

Un saut à Moret dans l'après-midi pour faire signer un avenant à la promesse de vente. Dans notre grand optimisme nous avions prévu de passer devant le notaire le 4 août pour verser 7% du prix: je ne serai tranquille qu'une fois que nous aurons donné de l'argent pour officialiser nos engagements réciproques. Las, il faut que les diagnostics (thermique, inondation, Carrez,… il y en a dix) soient à jour or ceux du vendeur datent de 2008: la signature est donc repoussée à septembre et nous, procéduriers peut-être mais surtout échaudés, nous venons faire signer un avenant officialisant le déplacement de la date. «Courant septembre» est la formulation souple retenue.

Je revois le loft avec plaisir, tout est une question d’équilibre entre se projeter et ne pas faire preuve d’ubris… La dernière fois, il me plaisait tant que j’avais fait attention à ne pas trop regarder, ne pas trop m’attacher, car je ne savais pas ce qu’en pensait H, aujourd’hui je regarde les détails en essayant d’imaginer nos meubles. Jamais toutes nos affaires ne tiendront, c’est une évidence. Trier, donner, jeter. Je songe au vieux monsieur de Là-haut («Monsieur Fredericksen»): c'est la condition pour un nouveau départ.
Le dernier étage qui sera mon fief est magnifique, lumineux, c’est une merveille.

Le propriétaire nous a également proposé de nous vendre des meubles. Nous faisons la liste de ce qui nous plaît, il va faire une évaluation — mais il parle de meubles signés, je suis persuadée que cela sera trop cher pour nous.

Retour. Forêt de Fontainebleau, écurie. Pour la première fois je me dis que j'ai envie de remonter à cheval.
Supermarché : c’est la première fois que H. y remet les pieds depuis le confinement et retour à la maison. Il fait très chaud.

Tard dans la nuit je boucle le dossier ACPR qui aurait dû être rendu le 30 juin. Je n’avais pas connaissance de cette date dérogatoire (normalement c’est le 30 avril), mais depuis que mon boss est parti en vacances l’année dernière pendant mon opération du pied sans respecter aucune des échéances (je lui avais tout préparé, il n’avait plus qu’à envoyer — sa prédécesseur serait morte sur place plutôt qu’agir ainsi), je n’ai plus de scrupule. A quoi bon être plus consciencieux que sa hiérarchie?

Je découvre ahurie des photos de l'explosion au Liban.

A vendre

Choc en arrivant à JRS ce matin : pas de petit déjeuner, tout le monde porte un masque qu'il faudra garder même pendant les cours. C'est la conséquence du discours présidentiel, c'est cela ou l'école d'été s'interrompt.

Aujourd'hui j'ai davantage d'élèves, un journaliste syrien, un Afghan qui aime la cuisine et est passé par la Russie, des Iraniens. Je fais cours avec Paul, un baby-jéz (jésuite en cours de formation) qui vient de Côte d'Ivoire.
Celui qui est passé par la Russie (et donc parle russe) posera une question qui me laissera interdite: comment faire pour rencontrer des filles en France?
— En Russie c'était facile, on allait dans les bars. Mais ici, tout le monde reste en groupe.1
— Je ne suis pas la bonne personne à qui poser cette question. Je n'ai jamais fait ça, je me suis mariée à dix-neuf ans (ce qui est faux au sens strict, mais vrai sur le fond: j'ai simplifié). A mon avis il vaut mieux choisir un hobby, la musique ou le sport… mais ça coûte de l'argent, il faut s'inscrire en club. Attention, si vous choisissez la religion et que vous êtes musulman, renseignez-vous. Faites attention à l'imam que vous choisissez. Jamais vous n'aurez vos papiers si vous fréquentez une mosquée fondamentaliste. Si vous ne savez pas, demandez ici, ils vous renseigneront.

Le sujet du jour ne m'inspire pas beaucoup, il s'agit de l'actualité. J'ai découvert avec étonnement les ressources proposées: TV5 et RFI.
Nous visualisons un journal télévisé de trois minutes, nous voyons le vocabulaire. C'est compliqué avec le masque.

Je repère un reportage de trois minutes sur Louis de Funès. Je n'aime pas beaucoup les mimiques de cet acteur, ses exagérations me gênent, et j'ai été très surprise de son succès pendant le confinement qui a mené à la rediffusion de beaucoup de ses films.
Je lance la vidéo. Parmi les extraits se trouve un extrait de Rabbi Jacob que je prends le parti de commenter, car je sais que le sujet juif est sensible pour beaucoup d'entre eux. Il me semble important de les sensibiliser à la façon occidentale d'envisager les choses.
— Comment, Salomon, vous êtes juif? Ça ne fait rien, je vous garde quand même.
Je leur demande ce qu'ils en pensent. Seule Ndeye, qui est en France depuis longtemps, dit que c'est raciste.
— Oui. Je ne pense pas qu'on le dirait aujourd'hui. En fait il y a plusieurs niveaux dans ces phrases. «Salomon» est un prénom très juif, personne en France dans les années 70 n'appellerait son fils Salomon sans être juif. Donc le patron n'a pas fait l'association, ce qui peut s'interpréter de deux façons: soit il ne fait absolument pas attention à son chauffeur, soit le fait d'être juif a si peu dimportance pour lui qu'il n'y pense jamais. La deuxième partie de la phrase est plus proche de l'antisémitisme: «je vous garde quand même», comme si le fait d'être juif avait pu être une raison valable de licencier son chauffeur. A l'époque, en 1970, ça faisait rire parce que tout le monde savait que c'était de l'humour, qu'être juif n'était pas une raison pour être licencié. Aujourd'hui c'est devenu compliqué, certains sont capables de ne pas voir l'humour, car le fait que ce ne soit pas une raison de licenciement n'est plus évident pour tout le monde.

Je reprends mon souffle. Je les regarde, juste les yeux au-dessus des masques. Je parle trop mais ça me paraît si important s'ils regardent la télé et tombent sur les manifs pro-Traoré.
— C'est devenu compliqué en France, il faut faire attention. Quand vous voyez des manifs pour un noir mort pendant une arrestation, vous pensez quoi?
— Que c'est une manif contre le racisme?
— Oui. Mais dans la même manif, il peut y avoir des pancartes contre les juifs. Donc c'est de l'antiracisme sélectif, pas universel. Donc il faut faire très attention quand on veut soutenir une cause en France. Il faut bien regarder qui soutient qui.

*****

Repas avec ma collaboratrice. Nous ne nous sommes pas vues depuis mars. Je lui ai donné rendez-vous au restaurant pour papoter également de sujets perso, famille, vacances, etc. Team time. Je ne lui dis pas que je vais déménager. Je n'y crois pas encore complètement.

*****

La pipelette de ce soir-là est agente immobilière. Elle est passée faire une estimation de la maison. L'intérieur lui a beaucoup plu, sauf le salon qu'elle trouve étriqué.
Il va falloir repeindre la façade. Moi qui ai toujours détesté la couleur jaune de ma maison, je vais la quitter quand elle sera blanche.
Nous mettrons en vente dès qu'elle sera repeinte. L'agente pense pouvoir vendre rapidement. Il paraît que depuis le confinement les Parisiens fuient Paris.

*****

Le soir je prends le train pour Moret. C'est un test. C'est un peu plus long mais c'est CLIMATISÉ. Et propre. Et vide. Sacrées différences par rapport au RER D. Reste à savoir si les rames sont à l'heure. Le pari, c'est aussi la poursuite du télé-travail, et surtout le changement de boulot. Adieu Nanterre Préfecture.

Je rejoins H. et les deux enfants venus prendre les mesures de l'appartement pour commencer à imaginer où placer nos meubles (et savoir de quoi il nous faut nous débarrasser). H. a également apporté une promesse d'achat. L'idée de laisser un chèque d'engagement nous a fait traiter de fous par l'agente immobilière: «vous lui avez demandé sa carte d'identité? Vous êtes sûrs qu'il est propriétaire? L'argent doit toujours passer par un notaire!»
Bon, bon. (J'ai repensé au type qui avait vendu la Tour Eiffel).

Le "propriétaire" (noté SB par la suite) nous a recommandé le restaurant des Lys à Moret. (Nous lui avions demandé des adresses, que ce soit pour une cantine de tous les jours ou un événement à fêter.) C'est délicieux. Nous en profitons pour fêter l'anniversaire de H. qui est tombé en avril.



Note
1 : La société russe serait-elle plus ouverte que la société française? J'ai posé la question à H. qui met cela sur le compte de la disparition des classes populaires: «Les gens de la classe moyenne restent chez eux ou restent entre eux, ils ne vont pas papoter au café.»

Retenir son souffle

Hier, le propriétaire du loft nous avait proposé une visite à dix heures et demie ce matin. Nous avions donc l'adresse et nous y étions passés: points positifs, nettement hors de la zone inondable et une immense glycine au-dessus du portail; points négatifs (observés à travers la fente de la boîte aux lettres car les murs et le portail forment une barrière infranchissable) des coulures sur le crépis, des rideaux comme des haillons pour protéger les immenses vitres du soleil et un jardin minuscule.

C'est donc sans un espoir démesuré et avec un certain fatalisme que nous allions visiter.
Masques, gel, j'ai oublié de préciser hier que tout cela est de mise.
Le propriétaire a le look hipster du Marais, des tatouages tahitiens sur les mollets (le hipster porte-t-il un pantacourt? je m'y perds) et une voix douce très agréable genre Matoo (pour ceux qui connaissent). Il est aussi aimable et positif qu'au téléphone.

Le jardin est effectivement très petit. Il m'avait prévenu qu'il y avait installé une terrasse en bois et un salon de jardin qui mangeaient la moitié de la surface. En fait c'est parfait: le plaisir d'être dehors protégé par de hauts murs, une glycine, une vigne vierge sur le pignon mitoyen qui monte très haut sans l'obligation d'entretenir une pelouse (ouf!).

La déco du rez-de-chaussée est à couper le souffle dans son homogénéité, sur le thème de New York et Philadelphie, des meubles en métal foncé qui répondent aux poutres en acier (c'est un ancien magasin de meubles). Billard à la feutrine bleue, carrelage sombre, éclairage type industriel. Beaucoup de disques, rock grande époque. Toute la difficulté est de vider mentalement la pièce pour y visualiser notre bazar, ce qui en changera(it) fatalement le style et le charme1. Les murs sont-ils suffisamment longs pour accueillir les bibliothèques? (de façon générale, au-delà des grandes du salon, y aura-t-il assez de murs dans l'ensemble du bâtiment pour mettre les bibliothèques variées?).
Le propriétaire explique qu'il n'utilise pas les radiateurs (ce qui permet de mettre des meubles devant) mais qu'il se chauffe avec le poêle (une stère de bois par an).
Pourrions-nous réellement vivre ici, cela paraît petit (d'ailleurs H. remet en cause la surface, ce qui conduit à des mesures); pourrions-nous réellement vivre ici, ne risquons-nous pas d'en dénaturer l'esprit? C'est si beau qu'on voudrait tout conserver en l'état.

Premier étage. Escalier sans rambarde, simples planches le long d'une poutrelle inclinée. Grand dressing, immense salle de bain (l'équivalent d'un studio à Paris, quinze à ving mètres carré) dans les vert émeraude, le reste en chambre bureau salon. Vus de l'intérieur, les rideaux que j'ai qualifiés de haillons sont ordinaires, normaux.
Plancher. Plancher épais, d'origine, des planches, chaud, brillant.
Je sens le bois sous mes pieds (pieds nus pour ne pas salir). Je regarde les poutres.
Le plancher emporte ma décision. Je veux vivre ici.
Mais H. a-t-il le même sentiment? Il est ailleurs en train de discuter d'autre chose (vraiment pas la même ambiance que dans "l'imprimerie". Pourtant il y aurait bien plus à voler ici). Je ne peux pas croiser son regard, et si je le croise, comment transmettre mon souhait, mon désir, mon emballement, sans trahir mon engouement devant le propriétaire?
Je n'ose plus rien regarder. Je ne veux pas m'attacher. Au cas où cet endroit m'échappe, où H. soit tiède, je ne veux pas que le regret soit trop profond.
Dernier étage, ce qui sera(it) "mon" étage (l'endroit le plus chaud et le plus bas de plafond (je suis la plus petite), mais aussi le plus lumineux. Le plancher est le même. Je regarde sans regarder. Ce serait ici, ce serait parfait. Pour moi, «une chambre à soi». Regarder vite, comme à travers mes doigts, ne pas trop regarder, ne pas s'attacher.

Rez-de-chaussée, terrasse, café. H. me regarde, murmure «on le prend?». Je secoue la tête affirmativement, imperceptiblement. Soulagement trop fort pour ne pas ne pas avoir peur de l'exprimer.
H. se tourne vers le propriétaire: «c'est bon, on le prend.»
Discussion pratique. Nous voulons laisser un dépôt de garantie; pour moi seul l'argent garantit que le propriétaire ne vende à un plus offrant (Crainte injustifiée: j'apprendrai plus tard que lorsqu'un vendeur annonce un prix, il ne peut pas accepter une offre supérieure à ce prix si une offre faite au prix affiché a déjà été faite.) Le propriétaire nous rassure, nous dit qu'il croit à notre parole. J'aurais tendance à lui faire confiance, mais je fais si facilement confiance que c'est de moi que je me méfie.

Plus tard, nous apprendrons qu'il a eu plus de cinq cents contacts via PAP (de Particulier à Particulier)2. Il a eu des propositions, mais toujours en dessous du prix de mise en vente. Nous sommes les premiers à ne pas avoir marchandé. (Ouf!)


Itteville chez nos amis. Ils sont l'une des raisons pour lesquelles nous avons choisi le sud: H. risque de travailler de plus en plus souvent avec lui.
J'ai bien peur que nous ayons monopolisé la conversation avec notre enthousiasme.
Ils nous ont donné les coordonnées de leur copine agent immobilier à Yerres. Nous comptons sur elle pour l'évaluation et la vente.




Notes
1 : Notre bazar a-t-il du charme? Question que je n'ose poser à voix haute tant je redoute la réponse.
2 : Comment rester aussi aimable après cinq cents contacts?

Des soldes et des rendez-vous

Petit déjeuner avec H. boulevard Raspail. Il va chez un client pour la journée, il m'a déposée près d'Assas. C'est devenu compliqué de circuler dans Paris, même l'été. Ça va être l'enfer à la rentrée.

Aujourd'hui le thème était l'écologie (le but étant toujours, je le rappelle, de fournir du vocabulaire). J'ai parlé ressources naturelles, pillage des ressources naturelles, famine, démographie, nourrir la planète, nucléaire, dépendance énergétique face à la Russie ou l'Arabie Saoudite. Sans doute pas assez parlé éoliennes ou panneaux solaires.
J'ai cruellement conscience de faire passer mes convictions (as opposed to une information objective). Mais je sais désormais que des écologistes pur sucre n'auraient pas ces scrupules.
Je pense trop.

Soldes à midi. Beaucoup plus acheté que d'habitude, sans doute l'indice que ces matinées me rendent heureuse (faire des essayages et constater qu'on est un gros tas devant le miroir (me) demande beaucoup d'énergie. Ce n'est pas une partie de plaisir mais un effort. Difficile de faire cela quand je n'ai pas le moral). Une robe et un tailleur rouges, deux chemisiers blancs, un pantalon noir, que des habits pour le boulot. La note était étonnamment peu salée, la moitié de ce que j'attendais: effet déstockage Covid?

L'après-midi, appel successif des deux propriétaires de Moret, que j'appellerai l'imprimerie (le grand entrepôt collé à la maison est le local d'une ancienne imprimerie) et le loft. Dans des styles très différents, le premier grincheux et le second enjoué, ils vérifient la même chose: que nous ne sommes pas des «visiteurs de maison», une engeance qui passe ses week-ends à faire perdre leur temps (et leur moral) aux propriétaires en visitant et en critiquant sans avoir l'intention d'acheter.
Je pose deux questions : avez-vous la fibre (non, pas à Moret) et comment la maison est-elle chauffée?

L'imprimerie est un homme plutôt négatif, qui m'explique que sa maison est en zone inondable. On dirait qu'il fait tout pour décourager la visite, «parce que ça donne du travail». Le loft prend la vie du bon côté et m'explique tout le bonheur de vivre à Moret, les commerçants présents en centre-ville, la forêt à deux pas (mais pourquoi s'en va-t-il?)
— Si vous voulez mettre des cloisons…
Je l'interromps: — Je n'achète pas un loft pour mettre des cloisons!
— Je suis bien d'accord avec vous.
J'ai l'impression qu'il a dû en voir de toutes les couleurs.

Visite prévue samedi pour l'imprimerie (je préviens que je serai transpirante du fait de l'aviron) et dimanche pour le loft.
La maison de Vitry est vendue (pour ceux qui veulent rêver et pour les riches, l'agence était Terrasses & jardins), Etiolles n'a pas fait signe, Saintry a envoyé un mail (propriétaire en Bretagne).

Le soir encadrement des débutants à Neuilly. Ça faisait longtemps: avec jrs le matin, j'ai totalement laissé tomber les entraînements d'ergo. J'ai oublié de dire que j'ai écrit le 13 juillet à l'organisateur de la coupe des dames à Angers pour qu'il m'indique quel club vers Fontainebleau participe régulièrement à la course: l'ANFA, le club organisateur de Ram' jazz. Je vais m'inscrire là-bas; ce sont mes dernières sorties à Neuilly, même si je ne le leur ai pas encore dit. J'ai fait trop d'efforts pour ce huit (revenir à la Défense le week-end, contrôler mon poids en permanence) pour trop peu de plaisir. Adieu.

H. m'attend depuis un moment. Nous dînons dans un excellent restaurant, servie par une serveuse très menue et très souriante. La rue entière est bloquée, transformée en immense terrasse, un orchestre de jazz joue au loin.

Tu es bien assis ?

— Tu es bien assis ?
— Oui, pourquoi ?
— Ce matin, je revoyais mon profil sur "Gens de confiance" (toujours cette hésitation entre nom de jeune fille et nom marital) et je suis tombée sur la question: « Comment souhaitez-vous être appelée?» Et tu sais ce qu'il y avait comme choix?
— Non.
— Votre prénom, Chère Madame, ou… Votre Altesse.

H. s'étouffe dans son café. Il réfléchit un peu.
— Mais c'est génial, comme idée.
— Je ne sais pas. Mais je t'en parle pour tes logiciels. Parque ce que c'est si énervant d'être appelé par son prénom et tutoyé.
— Mais si. Imagine: tu es concierge ou taxi, mais tu descends d'une famille noble russe et tu gardes ça au fond de ton cœur. Soudain on te propose de t'appeler Votre Altesse: mais tu es prêt à tout donner, à vendre ce que tu avais toujours refusé de vendre… C'est génial.
Moi, ça me rappelle juste un épisode d'Amicalement vôtre.



— Tu es bien assis ?
— Je suis debout, mais ça va aller. Qu'est-ce qu'il y a ?
— J'ai fait quelques recherches ce matin sur des sites immobiliers. Et pendant que j'y étais, j'ai regardé autour de Blois. Il y a un site qui fait l'agrégation de plusieurs sites. Et regarde ce que j'ai trouvé :



Tu n'aurais pas trente-et-un millions d'euros et demi ?
H. regarde un instant:
— Mais c'est Ménars !
— Tu crois ? Je contemple un instant. Ah oui, tu dois avoir raison.
— J'en suis sûr, il n'y a pas beaucoup de châteaux qui donnent sur la Loire.

Comment n'ai-je pas reconnu "mon" château1? Les photos intérieures sont superbes. Clic gauche pour les voir de plus près:



J'ai trouvé une meulière rénovée avec terrasse en bois vers Vitry, une maison à Etioles, une qui domine la Seine à Boissise, une autre à Saintry. J'envoie des mails. Nous annulons la visite de la maison de retraite et une autre visite, trop loin de Fontainebleau.
H. se concentre sur Moret, trouve une maison avec un grand entrepôt. A un moment donné, il s'exclame: «ça, ça va te plaire!»
Et effectivement, ça me plaît: un loft sur trois étages, un escalier dans un puits de lumière qui me fait penser au musée de Haarlem ou à la maison de Jules Verne.

Il n'y a plus qu'à attendre.

PS : au fait, Moret-sur-Loing s'appelle maintenant Moret-Loing-et-Orvanne. La fureur de tout enlaidir n'épargne rien.



Note
1: photo de Patrick.

Au sud de Fontainebleau

Je me reconnecte sur "Gens de confiance" (je ne sais plus quelle copine m'a cooptée sur ce site), trouve trois maisons dans nos prix et surface à Melun, Salins et Fontainebleau et envoie trois mails.
Nous avons sélectionné aussi quelques maisons sur le Bon coin, sans savoir où elles se trouvaient exactement, dont une avec piscine intérieure… (lol). Quand l'offre paraît trop belle pour le prix, je me demande ce que cela cache.

Nous partons après avoir déjeuné sur le pouce. L'idée est de suivre les bords de Seine pour trouver une ville qui nous plaise. Nous repartons de Coudray-Montceaux, traversons la Seine, visitons Seine-Port, un village étonnant, entouré de fortifications (Saint-Port devenvu Seine-Port), traversons Boissise-la-Bertrand à flanc de côteau. Il semble que d'anciennes propriétés seigneuriales (restes de manoirs et de vieux murs) ont été loties pour construire des pavillons: selon que l'on regarde à droite ou à gauche, ce n'est ni la même esthétique ni la même richesse ni le même siècle.
Nous tentons de suivre le chemin de halage mais il y a trop de travaux.
Melun, forêt, Bois-le-Roi («non, je ne veux pas habiter à Bois-le-Roi, tout m'y paraît faux»). H. n'est pas habitué à la décapotable et n'a pas pris garde, je lui avais dit que c'était la mauvaise heure, qu'il fallait capoter, que le soleil tapait trop: nous sommes cuits. Diabolo-menthe. Sur les trois maisons de "Gens de confiance" deux sont vendues, nous prenons rendez-vous pour visiter la troisième demain (quels bosseurs, ces agents immobiliers: demain est férié).

Fontainebleau, nous entrons dans une agence immobilière ouverte, nous laissons nos critères à un homme sympathique mais qui ne nous aidera pas: il est spécialisé dans Fontainebleau. Or la ville est trop cossue à notre goût et trop chère. Cependant j'aurais aimé qu'il nous dise si nous avions une chance de trouver ce que nous cherchions (quelque chose de joli, dans l'ancien, quelque chose d'imposant comme une maison de maître: sommes-nous totalement irréalistes avec notre budget?) ou s'il fallait tout de suite réajuster nos critères de sélection.

Entretemps l'un des propriétaires du Bon coin a rappelé. Huit cent mètres carré rénovés dans une aile de château, le corps de logis étant détenu par une société — nous avions imaginé qu'il s'agissait du château de la Rivière à Thomery, mais pas du tout: il s'agit d'un château beaucoup plus au sud, à Vaux-sur-Lunain, à la limite de la Seine-et-Marne. Nous avons rendez-vous demain en fin d'après-midi. H. a récupéré l'adresse, nous observons notre carte Michelin en nous demandant s'il est bien raisonnable de nous exiler si loin.

Alors, parce que nous avons décidé d'être courtois avec les propriétaires des maisons que nous visiterons, de ne pas décrier leur bien, nous décidons d'aller voir le château puisque nous en avons l'adresse: si cela ne nous plaît pas, nous annulerons tout de suite la visite en prétextant que c'est trop loin, sans dire que nous sommes allés voir les extérieurs.
Est-ce le Gâtinais au sud de Fontainebleau? Je conduis, des panneaux indiquent des marais, le soleil est descendu, les champs sont blonds, c'est loin. J'ai le cœur serré: c'est loin, et si ce château nous plaisait, aurions-nous le courage de refuser? C'est si loin, pas de transport, comment travailler? J'imagine un château Louis XIII de briques rouges ou un château du XVIIIe siècle, j'imagine quelque chose de sombre à la lisière d'une forêt, de vastes pièces, trop peu de lumière. Irrésistible. Et si loin.

Départementale dans les blés, petite route à gauche, nous tournons, un tracteur se met sur le bas-côté pour nous laisser passer. Au loin la tache verte d'un bouquet d'arbres, reste de forêt.
Nous arrivons devant de hauts murs, un portail monumental. Une demi-douzaine de voitures sont garées en arc-de-cercle.
Notre cœur se décroche.
C'est une maison de retraite et c'est sinistre.
L'aile du chateau à vendre fait partie d'une maison de retraite. Il s'agit d'habiter dans l'enceinte d'une maison de retraite.

Une petite vieille très courbée fait le tour des voitures. Je crois qu'elle va nous aborder mais elle nous ignore en marmonnant. J'insiste pour que nous suivions les murs de la propriété. Je veux comprendre ce que nous voyons, faire le lien avec les photos de l'annonce. Visiblement la maison de retraite est installée dans le corps de logis. Quelle est l'aile à vendre? Impossible de le savoir, de l'extérieur nous ne voyons rien, les corps de logis sont trop imposants. Les photos prouvaient un gros travail d'aménagement intérieur, H. dit que la femme au téléphone était jeune, nous imaginons qu'elle a hérité d'un bien invendable.
— Elle se trompe, dit H. Elle devrait faire des chambres à louer pour les visiteurs qui viennent de loin voir leurs parents.

Nous repartons le cœur assombri par cette ambiance déprimante et par le fardeau qui pèse sur la propriétaire. H. examine la carte, prend des routes «pitto» (pittoresques, bordées de vert sur les cartes Michelin). Nous nous perdons (enfin, c'est relatif puisque nous ne savons pas où nous voulons aller. Retourner vers Fontainebleau), vallons, canal du Loing, c'est joli.
— Ah tiens, il y a un endroit dont je garde un bon souvenir, c'est Moret-sur-Loing. C'était pendant la rando Ram'Jazz en 2011, nous avons pique-niqué sur une plage en laissant les yolettes sur l'eau.

H. est tombé amoureux de Moret-sur-Loing. Coup de foudre, love at first sight.

Las, covid oblige, peu de restaurants, tous pleins. Nous dînons à Fontainebleau avant de rentrer.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.