Réveillée une première fois à six heures, il fait grand jour derrière les volets occultants.
Levée à sept heures dix, il faut que je blogue, je ne m’en sortirai pas. Pas de connexion, je tape dans TextEdit la journée d'hier. O. a l’intention d’acheter du wifi ce soir.
J’ai des courbatures dans les jambes et le haut du dos.
Je laisse dormir O. jusqu'à huit heures et demie. Je découvre un peu tard (pas fait attention hier, pas compris) que les petits déjeuners sont à dix-neuf euros. Je sais bien que c'est une façon pour l'hôtel de compenser le prix des chambres, mais tout de même. Demain nous irons ailleurs.
Les billets pour Pergame sont à onze heures, nous y arrivons un peu à l'avance, toujours à vélo.

Le musée est en travaux depuis plusieurs années. L'entrée actuelle est une catastrophe : elle fait arriver directement devant la porte d'Ishtar sans la progression à travers l'allée. Cela casse toute la mise en scène grandiose. J'en suis déçue pour O. que j'entraîne au pas de course à travers les salles parallèles afin de lui faire emprunter les salles "dans le bon sens" : remonter l'allée des lions pour arriver devant la porte. J'espère qu'il aura eu le choc malgré tout devant cette splendeur.

Porte de Milet, étage sur l'art islamique. Autant les cartouches et panneaux à l'étage inférieure semblent dater de plusieurs années, peut-être d'avant 1989 puisqu'ils sont entièrement en allemand (le musée a sans doute préféré miser sur les audio-guides qui permettent d'écouter en regardant et non lire puis regarder (ce qui par ailleurs diminue le temps passé dans chaque salle)), autant à cet étage tout a été mis à jour récemment, certaines références datant de 2015 : des cartes montrent les emplacements initiaux des objets exposés et expliquent ce qui a été détruit par Daesh ou la guerre en Syrie.
La muséographie profite de la vidéo et de la reconstruction trois D : ce ne sont plus des maquettes que l'on expose comme pour la porte d'Ishtar ou la ville de Milet, mais des animations qui reconstruisent les bâtiments sous vos yeux. Il n'est plus nécessaire d'avoir beaucoup d'imagination, il suffit de regarder.
Les murs offrent un gigantesque cours d'histoire concernant la succession des dynasties, Omeyyades, Abassides, Samanides, etc. Le brouillage des frontières culturelles est mis en avant, notamment dans les échanges avec l'Orient : est présenté l'exemple de la faïence blanche chinoise pauvrement imitée par la civilisation islamique, mais décorée par elle de motifs bleus, idée reprise par les Chinois qui intègre le bleu à leur décoration.
Certains endroits n'existent plus désormais, mosquée de Damas, maisons d'Alep. Les voleurs d'antiquité ont peut-être rendus service à l'humanité (réflexion personnelle et non du musée !).

L'exposition temporaire porte sur la tradition biblique dans le monde islamique. De magnifiques miniatures montrent la façon dont les artistes indiens ont repris des motifs chrétiens (madone, anges, etc). Au-delà de l'iconographie sont présentées les Eglises orientales et la transmission des textes en copte, arménien, syriaque… (Je fais remarquer à O. la multiplicité des caractères en plomb nécessaires qui ont fait plus tard la renommée des imprimeries de Venise.) Le musée a sorti ses plus vieux manuscrits qui sont de véritables trésors et je contemple avec émotion une Bible du IVe siècle, parmi les plus vieux textes matériellement découverts (le miracle des manuscrits de la Mer morte, ce n'est pas leur texte mais leur existence matérielle aujourd'hui).
Là encore, l'accent est mis sur l'interpénétration continuelle des cultures. Il est possible de vivre ensemble puisque cela a eu lieu dans le passé (et a produit de telles œuvres d'art) : cela n'est pas écrit en toutes lettres mais cela doit être déduit de l'exposition.
J'achète le catalogue de l'exposition non dans une visée culturelle ou artistique : les données présentées ici peuvent m'être utiles en exégèse.

Je voulais déjeuner au Sony-Center. Je ne sais plus où, dans une feuille de chou gratuite en allemand destinée aux étudiants, j'avais lu qu'il y avait un café dans les étages du Sony-Center (« Des étages sur une place ? Mais qu'est-ce que tu veux dire ? ») Cela a-t-il été vrai il y a quatre ans je ne sais, mais quoi qu'il en soit nous n'avons rien trouvé de la sorte. Nous avons déjeuné d'une soupe et d'une tranche de foie sur la place elle-même ; nous nous sommes abrités de la pluie commençante dans la librairie du cinéma (achat de partitions de films, oui oui) ; nous avons profité d'une éclaircie pour reprendre nos vélos et aller chercher les chopes à Checkpoint Charlie, pédalant avec allégresse sous l'averse hésitante.
Le temps d'attacher nos vélos et l'orage se déchaînait : refuge sous l'auvent du musée du mur (que les gardiens soient remerciés), à compter les secondes entre les éclairs et le tonnerre (deux à six cents mètres), à contempler les stratégies de chacun, une famille debout sur la table du bistrot pour protéger sandales et basketts du déluge, une jeune fille refusant de mettre sa veste en jean encore un peu sèche puisque celle-ci était nouée autour de sa taille car le tissu du jean appuie sur le tissu de la chemise trempée et que la sensation est glacée.
Dix minutes, quinze minutes, plus ?

Nous courrons sous la pluie jusqu'au magasin du musée, achetons nos six chopes, reprenons les vélos après avoir quémandé des serviettes de table pour en essuyer les selles (la pluie a cessé).
Passage à la voiture, dépôt des verres, récupération de mon cirée et de mes bottes (la pluie a repris) ; passage à l'hôtel, habits secs et dix minutes de sieste, nous ressortons ; la pluie est faible ; passage dans un grand magasin pour acheter un k-way à O.

L'idée est d'aller vers le sud, au bord du Landwehrkanal selon les conseils de Jérémy. Vélo, la pluie s'est arrêtée, monumentale Strausbergerplatz et ses quatre immeubles en sentinelle, église St Michael à la nef détruite et bétonnée (Michaelkirche. Au retour nous découvrirons qu'il y a un café en contrebas du parapet, au bord d'une pièce d'eau), quartier turc.
Ankelklause à l'angle du Kottbusserbrück, apéro et dîner sous la véranda dans une impression d'Amsterdam. Une femme dépose un sac à dos qui me paraît très intéressant. Quatre jeunes Françaises remplacent une Allemande qui lisait Die Zeit (« Pas Emily Dickinson mais Ingeborg Bachmann »).

Nous rentrons (contrainte du vélo à vingt heures trente, toujours. Mais pourquoi si tôt ?) J'aurais bien tenté le Reichstag, mais il faut soit ressortir la voiture, soit y aller à pied. Ce soir ce sera soirée wifi. J'ai l'espoir de rattrapper mon retard sur le blog, mais le temps de traiter mes mails, d'organiser les jours à venir (quel bonheur des musées qui savent utiliser les e-billets. Back to the modernity, l'Allemagne et l'Autriche, c'est la misère. Plus de billet pour le musée Anne Franck pour les deux semaines à venir !) et de faire quelques vérifications de référence sur internet et je m'endors.