Billets qui ont '2016-02-19' comme date.

Retour à Noisy

Réunion d'équipe dans l'est parisien. (Dans l'ascenseur je croise Philippe, coïncidence).

Je ne connais pratiquement personne puisque nous n'appartenons pas à la même entreprise et ne travaillons pas sur les mêmes sites (un peu n'importe quoi, mon rattachement sur l'organigramme). Moment joyeux qui permet de mesurer le chemin parcouru et d'entrevoir les problèmes concrets que peuvent poser des décisions qui paraissent pourtant simplificatrices (par exemple, j'apprends que le matricule unique (qui suit un salarié à travers ses tribulations dans les diverses entreprises du groupe) pose des problème d'historique aux entreprises quittées par ce salarié: celles-ci perdent toutes les infos concernant ce salarié, car les données suivent le salarié dans sa nouvelle affectation, d'où des difficultés de contrôle de gestion. Rien d'insurmontable, évidemment, mais trente ans plus tard, je suis toujours étonnée par les conséquences que peuvent avoir des décisions paraissant aller de soi (un matricule unique, ça paraît tout de suite plus simple: eh bien non)).

J'apprends aussi les conditions de la dématérialisation des bulletins de salaire: ils doivent être déposés dans des "coffre-forts sécurisés", et à l'heure actuelle seuls la Poste et la Caisse des Dépôts proposent ce dispositif.

Quelques remarques (j'appartiens au service "Rémunérations et avantages sociaux") font clairement comprendre à ceux qui auraient eu encore des doutes que la retraite par répartition est en train de mourir: la question est de savoir ce qu'il vaut mieux proposer aux salariés, pour leur avenir (rôle social de l'entreprise, souhait d'être attractif à l'embauche, mobilisation de sommes à placer sur le marché financer) sans que cela ne coûte trop cher à l'entreprise (l'abondement, la loi Macron, etc).

Je rappelle avec le pessimisme qui me caractérise que les retraites par capitalisation ont fait faillite dans les années 30 et que c'est pour cela que le système par répartition a été mis en place: l'un n'est pas plus sûr que l'autre. Les coups de fil de retraités que je reçois semblent prouver une chose : il faut être propriétaire de son toit et il ne faut pas vivre seul (en couple, en fratrie, entre amis, en famille…), cela permet les économies d'échelle.

Je rentre tôt ce qui me permet d'aller voir Avé César des frères Coen. En attendant le début de la séance je découvre que la ville a mis en place des étagères de troc de livres. Je prends Le chêne et le veau, un Anatole France, une biographie de Reinhart Heydrich et Une saison d'anomie de Wole Soyinka. Je pourrai y ramener un ou deux livres (pas grand chose car je n'ai pas beaucoup de livres superflus).

Le Coen fait partie des non-films tels que les deux frères en font régulièrement, tous les deux ou trois films, un truc kitsch sans queue ni tête (le répertoire des clichés du cinéma en 1945) dans lequel je ne peux m'empêcher de voir un grand amour du cinéma malgré tout.
Surprise : deux films de suite qui commencent par un visage du Christ (Les 8 salopards): c'est le nouveau must?

Santé

Ce matin ostéo, les voyages en avion ne m'ont pas fait du bien. Je suis stupéfaite qu'il se souvienne si bien de moi, bien que «je n'ai pas retrouvé votre fiche, elle devait être manuscrite et je ne l'avais pas rentrée sur ordinateur, je la chercherai plus tard». Y a-t-il une mémoire qui s'inscrit dans les mains, par le corps? (de même le kiné croisé ce matin, qui avait rééduqué mon doigt cassé (été 2012), qui me salue comme si nous nous étions quitté la veille).
J'ai toujours la même surprise, la même reconnaissance, quand on me soigne, quand on s'occupe de moi. Chaque fois je suis gênée de découvrir ce mouvement en moi. Suis-je à ce point assoiffée de soins?

A midi à la cafétéria je m'échauffe avec quelqu'un que je connais à peine, le collègue d'une rameuse, à qui j'explique le déremboursement des spécialistes de secteur 2 qui n'ont pas signé de contrat d'accès aux soins (voir ici p.12 et 13 pour les courageux: si votre mutuelle vous rembourse moins bien pour les spécialistes non CAS depuis janvier, ce n'est pas qu'elle ne veut pas vous rembourser mieux, c'est qu'elle ne peut pas, à moins d'accepter de payer 7 à 8% de taxe en plus).
«Oui, me dit-il, et en plus mon spécialiste me dit que bientôt nous ne serons plus libres d'aller voir qui nous voulons, il faudra aller dans des centres de soins choisis par les mutuelles.»
Mon sang ne fait qu'un tour. Je ne sais pas exactement de quoi il parle, y a-t-il vraiment des velléités de rendre une telle organisation obligatoire (il existe des réseaux ressemblant à cela, mais facultatifs), je pense à jaddo et à tous les blogueurs médecins généralistes qui appellent de leurs vœux des maisons de soins réunissant divers spécialistes…
— Oui enfin, ce qu'il est surtout en train de vous dire, c'est que pendant des années les spécialistes se sont alignés sur les remboursements des mutuelles («votre mutuelle vous rembourse 400€? Bon, je vous fais 400€ de dépassement. Ah, elle rembourse 600? Bon, alors ce sera 600») et maintenant ce temps-là est fini et c'est bien fait pour eux. Ce qui me fait m'étrangler dans mon café le matin, c'est quand j'entends à la radio que c'est la faute des mutuelles si la santé augmente. Autre chose: maintenant la loi oblige à présenter les remboursements des contrats de santé en "tout compris", sans distinguer la part de la sécu et la part du contrat, et vous savez quoi? Ça prépare simplement le désengagement de la sécurité sociale, elle va réduire sa part, les mutuelles seront obligées de compenser et d'augmenter leur tarif, et tout le monde va encore dire que les mutuelles se font du gras sur le dos des gens.
— Dites donc, ça vous énerve!
— Oui. Ce n'est pas tant que la sécu se désengage, mais qu'on ne soit pas clair, que l'Etat cache ces tours de passe-passe en faisant porter le chapeau aux mutuelles. Regardez par exemple: qui sait qu'elles paient une taxe pour que les généralistes aient pu passer à 23€? C'est elles qui portent ce poids-là, et personne ne le sait, c'est passé comme un succès des négociations professionnelles et une bonté de la sécurité sociale. En réalité, les mutuelles financent directement cette mesure et elles sont trop bêtes pour l'expliquer.

(Etc, etc. C'est vrai que ça m'énerve. Qu'on fasse ce qu'on veut, il faut bien trouver l'argent quelque part, mais qu'on dise la vérité, c'est agaçant à la fin.)
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.