Billets qui ont '2017-09-22' comme date.

En 2017, vous êtes la reine des contrats

H. est parti tôt pour éviter les éventuels bouchons dus aux manifestations contre les ordonnances Macron : rendez-vous à Montrouge, le contrat de cession du logiciel et sa propre négociation devaient être signés à onze heures et demie. Nous sommes convenus qu'il se débrouillera pour m'envoyer un SMS dès que ce sera signé, y compris en prétextant de l'encre sur les doigts pour quitter le bureau cinq minutes.

Attente.

11h44 : sms qui m'annonce la signature de la vente du logiciel.

Attente.

Je n'ose pas envoyer de sms, j'ai peur que son téléphone ne tinte à un moment inadéquat.

14:13 : sms pour me dire que la signature de son départ négocié est prévue à quinze heures. En attendant, les négociations sont âpres pour faire baisser le montant transactionnel (en février, sans aucun avertissement, H. a été brutalement désavoué face à ses équipes, il y a lieu de le dédommager. Par ailleurs, l'entreprise qu'il quitte a encore besoin de lui, d'où son intérêt à se séparer en de bons termes. (Mais alors pourquoi ne le garde-t-elle pas ? Parce qu'il le refuse : on ne reste pas sous-fifre dans une entité où l'on a été DG : on n'a plus aucune autorité)).

Attente.

16:43 : je reçois un sms d'un autre directeur pour me dire que c'est signé. H. n'a pas pu se libérer pour écrire quelques mots.


Voilà, c'est fait. Et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête, B. ne s'est pas réveillé au dernier moment (le nouveau DG avait prévu depuis deux jours de ne plus lui répondre au téléphone, ambiance), le méchant ex-salarié n'a pas eu vent de la transaction.
C'est fait.


J'envoie alors à H. et au directeur messager (qui fait partie des neufs "vendus" dans la transaction), tous les deux nés mi-avril, une photo de l'horoscope de Biba 2017 qui a donné lieu en janvier à quelques lectures désopilantes dans la cuisine. Je recopie tel quel, mais c'est à mettre au masculin, bien entendu.
BELIER - du 21 mars au 21 avril
Viva la liberta
En 2017, vous voilà à la fois libre et dans le désir profond de vous engager. Après un temps d'adaptation, vous finirez par combiner ces énergies opposées de manière complémentaire et bénéfique dans la sphère intime et pro.
[…]
Les autres surprises
Ça, vous allez adorer…
Prête à renouveler votre vie en signant un bon accord ? Vous allez être imbattable pour dénicher la location d'appart de vos rêves ou acheter à bon prix et à taux d'intérêt ultra-concurrentiel votre future maison. Vous avez un manuscrit qui a pris la poussière ? Un éditeur accepte de vous publier. En 2017, vous êtes la reine des contrats tous azimuts.
Mais faites gaffe à…
Un triangle assez agressif entre Jupiter, Uranus et Pluton peut créer de sacrées surprises dans votre job : entre mauvaise ambiance et réorganisation de poste, ayez le nez fin et n'hésitez pas à passer des entretiens d'embauche pour éviter de passer par la case chômage.
Pour le plaisir, j'ajoute ce qui me concerne et qui nous à bien fait rire aussi dans la perspective du voyage qui s'annonçait :
VERSEAU- du 20 janvier au 19 février
A fond dans la life !
En 2017, la vie va à votre rythme : mouvementée, active, pleine de rencontres et de gaieté. Votre entourage aura peut-être du mal à vous suivre, mais vous, qu'est-ce que vous êtes bien. Amour, job, amitié, quand ça va, ça va !
[…]
Les autres surprises
Ça, vous allez adorer…
Vous avez la bougeotte ? Ça tombe bien, 2017 est l'année des (grands) voyages. Remplissez votre agenda de petits week-ends en France et de voyages exotiques à l'étranger. […] Foncez ! Votre cœur sera chargé de souvenirs inoubliables.
Mais faites gaffe à…
L'amitié est très importante pour vous, mais attention aux apparences. Vous allez ouvrir les yeux et vous apercevoir que votre entourage est parsemé de faux amis. Vous resserrerez alors les liens avec ceux qui le méritent. Un mal pour un bien.
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Agenda
Seven Sisters. Pas mal. Peu fouillé mais curieux par moments.
A. revient de Lisieux en train avec deux lapereaux pour le voisin.
Tard le soir, je finis Camille revient en jouant à Candy Crush puis je regarde je ne sais combien d'épisodes de Stranger Things dont j'ai entendu parler le matin même sur Twitter tout en rédigeant un long mail.
(Je me couche à trois heures du matin, ce qui va faire peu d'heures de sommeil.)

310/365 - Des retards et de la foule

Matin : c'est un jour de grève, mais le trafic est annoncé sans perturbation.
Cependant, un train est resté en panne dans les ateliers et un autre a pris du retard à Melun pour des problèmes de portes. Les train de 8h22 est donc supprimé et le suivant en retard. Nous arrivons gare de Lyon à 8h05 au lieu des 8h50 espérés (la différence entre avoir cinq minutes d'avance ou cinq minutes de retard en cours).

17h : métro ligne 1 pour une station jusqu'à grande Arche pour aller au cinéma.

RER A vers 19h30
RER D de 19h51 gare de Lyon. Très plein : il y a sans doute eu des perturbations dans la soirée. J'ai pris le même que A., nous rentrons ensemble (avec ses lapins).

La tension monte

Demain H. doit signer à la fois la vente d'une activité à un futur repreneur et une transaction pour son propre compte afin de mettre fin au contrat de travail dans l'entreprise pour laquelle il travaille depuis sept ans et dont le patron est devenu fou avant de désavouer H. peu après. Je dois avouer que je reste confondue que H. soit resté dans cette entreprise huit mois après cela. Dans un monde normal, la conséquence mécanique d'un tel désaveu aurait dû être de virer H. aussitôt, en février dernier. Mais non : ce n'était pas un désaveu rationnel, c'était la décision d'un fou, et donc la personne à qui B., propriétaire de l'entreprise et fou, a confié la direction de l'entreprise (à la place de H.) s'est appuyée sur H. tout ce temps pour assurer la transition avant son départ inévitable.

Il a également confié à H. le soin de vendre une activité de l'entreprise, activité qui gravite autour d'un logiciel écrit par H. dans les années 2000 au sein de la société d'un ami. Ce logiciel a été vendu une première fois en 2006 à une entreprise de Cholet, puis racheté — sous l'impulsion de H. — en 2010 par son entreprise actuelle.
C'est donc pour ce même logiciel et l'activité qui gravite autour (neuf personnes) que H. a trouvé un repreneur. (C'est aussi le logiciel que H. débuggue depuis un an et demi : il corrige ce qui a été fait par les équipes choletaises entre 2006 et 2010 en s'arrachant les cheveux et pestant beaucoup à cause du code écrit avec les pieds).

Cela fait des semaines que la tension monte. En effet, tout doit rester secret : il ne faut pas que B. découvre que le logiciel va être vendu car il est capable de s'y opposer, il ne faut pas que les salariés le sachent non plus car un ex-salarié (l'un de ceux qui a salopé le code) pourrait se venger en prêtant de l'argent aux salariés actuels qui deviendraient prioritaires dans le rachat de l'activité (se venger : se venger de H. qui s'est débarrassé de lui en lui faisant comprendre qu'il n'était pas à la hauteur. Or cet ex-salarié est d'une part riche, d'autre part persuadé d'être bon).
Depuis trois semaines H. mène trois fronts : la rédaction des documents de vente (valoriser de l'activité sans l'aide des comptables puisque tout est secret (et donc se procurer les documents, les analyser, rédiger le protocole de vente)), la négociation de son propre départ et l'éternel débuggage du logiciel dont se plaignent les clients (et au fur à mesure qu'il débuggue, il comprend mieux ces plaintes… Il n'avait pas pris la mesure des erreurs de code. Ce week-end, découragé, il m'a dit : «J'aurais mieux fait de repartir de mon code-source (avant 2006) pour implémenter ce qu'ils ont ajouté, j'aurais été plus vite qu'à corriger leurs erreurs. Il y en a partout.»)

Depuis trois semaines nous pensons «un mur de briques», comme dans Le Village des damnés, pour ne pas attirer l'attention des dieux… (mon fils va encore dire que je suis superstitieuse… mais c'est aussi une façon de parler d'autre chose, de rire de notre bêtise et de nos craintes). Depuis trois semaines nous attendons que le ciel nous tombe sur la tête, que B. se réveille ou qu'il y ait une fuite auprès des salariés.

Tout doit être signé demain à onze heures et demie.


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Agenda
Yolette de débutants avec quatre garçons dont c'est la deuxième sortie. Amusant de les bizuter un peu pour assoir mon autorité.
Le soir, fin de The dressmaker. Finalement décevant, une fin trop misérabiliste. Début de Camille revient. Une bonne surprise.

309/365 - RAS

Matin : RER de 8h13

Soir : j'oublie de partir du bureau. RER D de 20h35.

308/365 Un aller sans retour

RER de 7h58. (Assis). J'ai oublié mon téléphone. Je lis Heidegger, étonnamment lisible (Qu'appelle-t-on penser ?)

18h45 Je quitte Barry Seal en milieu de séance à l'UGC George V (c'était prévu: j'ai déjà vu le film et je voulais juste passer le temps agréablement) pour ne pas être en retard et prends le A puis le B pour aller chez Léna et Mimile rue Tournefort. J'arrive à 19h35, la dernière.

Retour en voiture après avoir fêté l'anniversaire d'O.

René

Finalement nous n'avons pas fêté les 80 ans de René. Je pense à lui, souvent. Je lui envoie des cartes, rarement : deux fois à Noël en sept ans, une fois en avril dernier, parce qu'il me restait une carte postale du lac de Vouglans et que j'étais sans doute terriblement frustrée (et inquiète pour le futur) d'avoir dû annuler ma participation au stage d'aviron de mars : tiens, si j'envoyais cette carte à René ?
La différence, c'est que cette fois-ci, il m'a répondu. Il m'a envoyé la photo noir et blanc d'une barque à moitié submergée avec la mention « il y a des circonstances où faire avancer le bateau pose des problèmes » et son numéro de portable. Je l'ai appelé jeudi. Sa voix était pleine de vie, inchangée.
Rendez-vous pris pour cet après-midi. H a accepté de venir.

Nous sommes arrivés plus tard que prévu dans une maison déserte. Dans le jardin, un joli bateau vernis, bas, d'environ quatre mètres, deux verres sur la table, un chat qui miaule. Il fait frais mais le ciel est dégagé. Tout est tranquille, l'herbe est tondue ras, la maison a un air propret et bien entretenu. Un cognassier finit de mûrir. Nous faisons le tour, tapons au carreau. « Appelle-le », me dit H. (je ne pense jamais aux solutions simples).

René est chez le voisin d'en face. C'est ainsi que nous nous retrouvons à prendre une bière chez un conducteur de RER B à la retraite. (Il faut sept à dix ans d'expérience de conducteur de métro pour pouvoir postuler au poste de conducteur de RER. Avant les conducteurs changeaient à gare du Nord, un conducteur SNCF prenait le relais d'un conducteur RATP. « Ça allait très vite. Mais ils ont décidé de ne plus changer, ils ont vendu ça aux usagers comme un avantage sur la ponctualité, mais en fait, ils ont économisé douze à quatorze conducteurs. Ça fait deux réglementations à apprendre (nous découvrons que ce n'est pas la même : mais qu'est-ce qui change ? la signalétique ? ça fait peur), et même trois avec la réglementation intra-muros. Un jour il y aura un accident. Surtout avec les jeunes. Ils raccourcissent l'ancienneté, la plupart n'ont que sept ans de métro, et ils ne veulent pas travailler. Isabelle (sa femme) était formatrice, eh bien vers la fin, il y en a qui lui pourrissaient sa formation : « Vous z'allez tout de même pas vous lever à quatre heures du mat' y compris le dimanche pour mille six cents euros ! » a dit l'un, et y'en a quatre qui sont partis. Mais il faut bien commencer.»
Je ne dis rien. Dans un sens il est délirant que je gagne le double les fesses sur une chaise pendant des horaires de bureau, d'un autre côté il a mon âge et est à la retraite dans sa jolie maison en lisière de Beauce, tranquille. Il est à la retraite avant d'être vieux, il a vingt ans d'agilité devant lui, et peut-être quarante ans de vie : plus qu'il n'en aura passé à travailler. Est-ce normal par rapport à une infirmière ou un plombier ? Il faut harmoniser la législation et laisser chacun choisir.

Nous revenons chez lui. Je note sans ordre des bribes de conversation, des précisions que j'ai obtenues sur des souvenirs flous (René conduisait la remorque quand nous partions en régates le week-end, il racontait des anecdotes et m'a appris les contrepétries (oui, il a bien eu un oncle, un frère de sa mère, religieux au Brésil. Non, pas évêque, supérieur d'un couvent de dominicains)). Je m'accuse ici de misérabilisme : je venais rendre une visite charitable à un octogénaire veuf ayant perdu ses fils, je suis repartie ragaillardie par quelqu'un débordant de vie et de projets1.

Au mur un immense agrandissement d'une photo noir et blanc montre au premier plan un cours d'eau (la Mayenne), deux ou trois maisons, une barque plate et claire, le coteau planté d'arbres.
— Ça c'est mon enfance, c'est la maison où j'ai grandi. C'était un moulin à tan, on broyer des écorces de pin pour les tanneries (jamais entendu parler de ça). Tu vois la barque devant ? C'est moi qui l'ai construite, c'était pour aller boire l'apéro chez Joseph de l'autre côté de la rivière. Un jour quand j'avais quatorze ans mon père m'a demandé de construire un bateau pour aller boire l'apéro.
— A quatorze ans ? Mais qu'est-ce que tu avais fait avant, pour qu'il te demande une chose pareille ?
— Ah… j'ai toujours été un manuel…
— Je me souviens que tu avais descendu la Loire avec ton frère en canoë français, c'est bien ça ?
— Ah oui, c'était aussi un bateau que j'avais construit… (Ça, je ne le savais pas.) Je l'avais appelé J3, comme les cartes d'alimentation pour les jeunes. (Il rit.)

Autre souvenir de guerre, les avions français mitraillant les Allemands qui fuyaient par la route en haut du coteau, invisible sur la photo : « je m'étais caché là (il montre un coin sur la photo), tu parles si j'étais bien caché. On n'a pas peur quand on est gosse ».

— De toute façon les bateaux ça me poursuit. Je me souvient à l'école, on avait rempli le lavabo pour voir si la maquette du prof flottait… On avait passé plus d'un an à lui construire son bateau en taille réelle.
Je lui parle du bateau qu'il construisait l'avant-dernière fois que je l'ai vu, quelque part en 1995 : il en était à lester la quille, il avait des problèmes de proue.
— Je l'avais construit avec un orme du père Tape-dur. Tu te rappelles du père Tape-dur ? On bricolait chez lui, son arbre était mort, on l'a débité en planches.
— Mais le bois était assez sec ?
— Il faut un an par centimètre : trois ans pour une planche de trois centimètres, un an pour un centimètre… Bon allez, un peu plus d'un an.

Avec ce bateau, nous apprend-il, il a traversé l'Atlantique avec son fils. Il nous parle de St Barth : « Vous êtes déjà allés à St Barth ? Y'a que des riches et des trafiquants, là-bas.» Il a revendu l'embarcation, trop grande désormais.
— Je suis trop vieux, constate-t-il sans amertume et avec réalisme. C'est comme le bateau dehors, il est trop sportif, il faut être deux pour le manœuvrer. Je l'ai donné à un neveu, ce sera plus facile, il va s'en servir sur un lac, en eau douce.
Dans le jardin, une carcasse de bateau d'à peu près la même longueur repose sur l'herbe. Il reste quelques planches.
— Tu vois, celui-là aussi je devrais le rénover. Les bateaux viennent à moi… (in petto je pense aux livres me concernant. C'est étrange, cette aimantation individualisée.)
H. s'étonne devant le peu qu'il reste de l'épave : — Euh… vous pouvez vraiment en faire quelque chose ?
— Mais oui, c'est merveilleux ce qu'on peut faire avec de la colle. (Sauf qu'en l'occurrence il ne reste pas grand chose à coller, me dis-je in petto.)
J'interviens : — Tu n'irais pas plus vite à partir de rien ?
Le joli voilier dans le jardin était dans cet état-là. Il l'a rénové en un peu plus de trois ans.
— Je me suis énervé sur le huit… (un bateau d'aviron) Depuis je fais de la tachycardie. J'ai été opéré… c'est magnifique l'hôpital, je suis comme un coq en pâte, tout le monde s'occupe de moi, H. y est infirmier. Un jour je promets du chocolat à des infirmières qui s'occupaient de moi et j'entends une voix : « c'est pas la peine, elles sont déjà assez grosses comme ça.» C'était H.2. (Il rit.)

Le chat miaule.
— J'étais à Nîmes, mon voisin me téléphone et me dit : « tu as oublié de donner de l'eau à ton chat». J'ai pas d'chat ! j'lui réponds. Y'a des salauds qui l'avaient laissée dans l'abri à bois. Elle s'appelle FêtNat parce que c'était le 14 juillet.

Nous sommes rentrés, René a allumé un feu avec une brassée de copeaux et trois bûches : « J'ai fait rentrer mille euros de fioul, j'ai trois stères de bois. Ce ne sera pas assez pour l'hiver. Je chauffe juste en hors gel, je fais du feu, je reste dos à la cheminée tout l'hiver. »
Nous aussi. Nous épluchons les pommes véreuses du jardin, il sort une pâte brisée du frigo. Il paraît avoir une grande habitude de recevoir ainsi. Il décongèle des cèpes cueillis trois semaines plus tôt (pas beaucoup de champignons cette année. Mince, nous allons lui manger sa réserve), prépare une omelette. La nuit est tombée.
— Il ne manque qu'une comtoise, remarqué-je.
— J'en ai une, dans l'atelier, je répare le meuble pour X. Pas le mécanisme, ça c'est pas mon rayon. J'avais une pendule Boulle, j'ai dû la vendre parce que j'avais besoin d'argent. C'est vrai que le carillon m'a manqué.

Je passe aux toilettes. Un livre, Gertrude Bell de Christel Mouchard, se trouve là. Ça alors, je pensais être la seule3 à la connaître en France!

Il nous raconte ses voyages en train, Mer-Tours, Tours-Lyon, Lyon-Nîmes où vit son amie ancienne sage-femme («on ne se supporte pas plus d'une semaine, mais comme ça, ça va»). Il prend moins le train, davantage la voiture, car il trouve les gens moins ouverts qu'avant, ils ne saluent plus, ne sourient plus. In petto je me demande si cela est dû à l'âge de René, si les gens, ne pouvant deviner sa vitalité, ont peur ou pas envie de s'adresser à un homme si âgé.

Il nous raconte des anecdotes de son apprentissage dans le faubourg St Martin (il est ébéniste). Il nous raconte ses projets : un meuble en galuchat. «C'est un meuble plaqué en peau de poisson. C'est très difficile à travailler. Vous connaissez la chanson "Nini peau-de-chien" ? Eh bien c'est du chien de mer, du galuchat.» Il nous raconte ses voisins, où par hasard (ou karma ?) se retrouvent plusieurs personnes ayant vécu rue Keller, quartier de la Bastille. «Il y a de tout dans le village, des syndicalistes à l'extrême-droite. Mais ils sont tous très gentils, alors on fait avec.»

Quand nous partons, il nous montre la lampe extérieure qui détecte les mouvements : «ce sont mes voisins qui m'ont installé ça. Vous avez vu comme ils sont gentils mes voisins ? Je vais vous montrer comme ils sont gentils. Vous voyez cette glycine ? J'avais dit que je voulais une glycine. Je suis parti en voyage, et bien, quand je suis revenu, ils avaient planté cette glycine.»

Bref, tout le village prend soin de lui et il rend service à tout le monde. Je suis partie rassurée et reposée de cette visite hors du temps.
Il faudra revenir.


Note
1 : à la réflexion, tandis que j'écris cela, je me demande si c'était vraiment une surprise. Si, tout de même : j'étais inquiète parce que, lorsque j'avais fait des recherches sur son nom sur internet en avril, les résultats avaient tous un an ou deux.
2 : Hervé fut le premier petit ami de Jacqueline. Est-ce lui qui m'avait fait peur en me disant : «j'ai beaucoup entendu parler de toi ? » A l'enterrement du fils de René, il m'avait ému en parlant de son divorce : « On se marie pour partager de la tendresse, et puis… »
3 : déclaration emphatique et exagérée, bien entendu.
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