Billets qui ont '2018-09-22' comme date.

L'impossible foi

Deux heures de théologie au lever du soleil, entre sept et neuf heures. Je finis l'article de Lemieux et je reprends Dosse.
Comment faire de la théologie, pourquoi faire de la théologie, je tourne ces questions comme un sujet possible de mémoire de licence. En 1966 Roustang se fait virer de Christus parce qu'il prévoit l'indifférence des générations futures.
Si l'on n'y prend garde et si l'on se refuse à voir l'évidence, le détachement à l'égard de l'Eglise, qui est largement commencé, ira en s'accentuant. Il ne revêtira pas alors, comme dans le passé, la forme d'une opposition ou celle d'un abandon, mais d'un désintérêt tranquille à l'égard, disent-ils, de cette montagne d'efforts qui accouche inlassablement d'une souris.

François Roustang, «Le troisième homme», Christus, n°52, octobre 1966, p.567, cité par F. Dosse, Michel de Certeau, le marcheur blessé, p.87
Je repense à H. en 2012, son effarement, son incompréhension devant mon cursus de théologie: «Mais enfin, ta religion, elle est morte!»
J'ai raconté cette anecdote plusieurs fois, choquant certains. Comme l'a souligné un élève, «bref, tu n'es pas soutenue à la maison». Ce qui est difficile à expliquer, c'est que dans un certain sens je préfère cela. Je préfère cela à ceux qui paraissent vivre dans un monde que je ne connais pas et qui m'effraie (de l'extérieur), un monde où tout le monde est chrétien, croyant, pratiquant, où la foi, les rituels, la connaissance des Ecritures vont de soi. Qu'est-ce que ce monde, où se trouve un monde pareil, s'agit-il d'un "vrai" monde, en prise avec la réalité, avec les Pokémons et Instagram?
Dans mon monde à moi croire ne va pas de soi, c'est plutôt une anomalie, pour ne pas dire un signe de bêtise, de léger attardement mental. Dans mon entourage, certains pensent que tout le mal vient des religions (comme si les hommes ne trouveraient pas autre chose pour se faire la guerre!) et Jacques, que j'aimais tant, semblait bien convaincu que tous les curés étaient pédophiles.
Je préfère vivre dans ce monde-là qui ne comprend pas comment il est possible de croire (titre d'un groupe Facebook: «Je n'ai pas d'ami imaginaire») parce qu'à vrai dire, je ne suis pas sûre de comprendre non plus.
Mais je crois, c'est ainsi.
Pourquoi? (non, pas de psychologie à deux balles, please).


Petit déjeuner, une heure de nage dans la mer, sieste, déjeuner, bataille avec l'informatique (le peu de photos que je prends est devenu inutilisable, je n'arrive pas à les transférer de mon téléphone), blogage, dîner à Katerini où nous sommes les seuls touristes. La place principale est joyeuse, tout le monde est dehors, les gens élégants, les enfants jouent pendant que les parents dînent, on est bien.

Vacances

Dernier jour avant deux semaines de vacances.
J. me demande : — Alors, vous faites quoi ?
— Pour l'instant rien. Mais ce n'est pas grave, j'ai de quoi m'occuper à la maison.

(Cette année je n'ai pas organisé de vacances donc rien n'est prévu. C'est aussi une expérience: si je ne fais rien, que se passera-t-il, rien, ou quelque chose? Ma façon à moi de refuser absolument toute charge mentale depuis que les enfants sont grands (ils ont beaucoup soulagé cette charge pendant leur adolescence).)

Un comité financier dans l'après-midi, une réunion de caté le soir, cette fois-ci en présence des prêtres (toujours pas de dates. Ça va devenir compliqué avec les sorties prévues à l'aviron.) Le soir quand je rentre, H. a pris des billets d'avion pour Thessalonique. Il a choisi un hôtel le long de la plage à Platamonas. Il reste à le réserver, ainsi qu'une voiture, ce que nous faisons ensemble.
J'enverrai un sms à J. demain, pour la faire sourire.

C'est mal parti

Réunion préparatoire de catéchisme pour cette année. C'est la deuxième réunion après celle de juillet et je n'en sors pas plus avancée: nous n'avons toujours aucune date de rencontres avec les enfants.

«Il y a des parents qui n'étaient pas contents, mais moi je dis, Jésus n'était pas pressé. Il faut que chacun s'exprime, et c'est vous qui devez dire les horaires qui vous conviennent.»
J'essaie de faire intervenir un principe de réalité: «Certes, mais une fois qu'on a pris en compte le calendrier scolaire (les dates de vacances) et le calendrier liturgique (les grandes fêtes, Pâques, l'Ascencion, la Pentecôte) et les différents rituels (mariage, baptême, première communion, profession de foi), le calendrier se déduit de lui-même.»
Mais elle reste sur son idée.

Deux réunions, trois heures, et je n'ai toujours pas de dates — sauf celle d'une autre réunion, avec les prêtres cette fois. J'espère qu'ils auront davantage de sens pratique.

Je repars déprimée: tandis qu'une maman catéchiste émettait l'idée qu'«il fallait se mettre à la hauteur des enfants», j'ai fait l'erreur de répondre que je ne voyais pas les choses comme ça, que j'essayais à l'inverse d'élever les enfants, que j'expliquais beaucoup, que les enfants s'ennuyaient à la messe parce qu'ils ne comprenaient pas, qu'il leur manquait beaucoup de vocabulaire et que par exemple ils n'apprenaient plus le passé simple.
Qu'avais-je osé dire ? Je me suis vu rétorquer quasi avec fureur qu'on pouvait très bien comprendre en étant sénégalais ou italien (What? Quel rapport?), que les enfants ne s'ennuyaient pas et que nous n'étions pas des instituteurs. (Je me suis abstenue de répondre que j'essayais de donner plus qu'instituteur: j'essaie de faire des liens, de donner des pistes pour décrypter ce monde incompréhensible, mais aussi d'apporter de la culture gé, parce qu'être chrétien, ce n'est pas vivre dans un monde à part, mais vivre au milieu du monde.)

J'ai abandonné. Dans quel monde vivent-elles, quel est ce monde où les enfants ne s'ennuient pas à la messe? Certes, je ne m'ennuyais pas à la messe, mais moi, j'écoutais, et ça ne fait pas si longtemps (trois ans?) que je ne m'ennuie plus durant la prière eucharistique: depuis que j'en ai compris l'origine et la transmission, depuis que je suis fascinée par son enracinement dans une longue tradition et que j'ai l'impression d'être absorbée, de me réabsorber, dans une longue lignée de croyants avant et après moi, depuis que j'ai l'impression d'être un maillon insignifiant et indispensable dans un grand tout.

Je suis rentrée à la maison entre déprime et colère. (Pas très chrétien tout ça.)
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