Billets qui ont '2021-08-24' comme date.

La mystérieuse affaire des toasts

Ce matin, après mon essai convaincant au petit déjeuner hier, je reprends des petites barquettes de pâté de foie (comme des marquettes de confiture) et m'apprête à me faire griller des toasts dans le grille-pain laissé à notre disposition.

Las, deux toasts sont déjà en train de griller.
J'attends, debout devant le grille-pain, dans un angle de la salle du petit déjeuner, pas exposée puisque dans un angle mais cependant visible puisque debout.
J'attends, c'est un peu embarrassant.
Les toasts sautent. Personne ne vient les chercher.
J'attends.
J'attends.

Que faire? Les mettre de côté sur une petite assiette et m'en mettre à griller?
Mais ils vont refroidir.
Les prendre et les remplacer par d'autres dans le grille-pain?
J'attends.
Personne ne vient les chercher.

Je les prends et en mets d'autres à griller. Je vais me rassoir et commence à ouvrir mon pâté de foie.
Un client de l'hôtel, un jeune Asiatique, s'approche du grille-pain, constate que ses toasts sont encore en train de griller et, perplexe, retourne s'assoir.
H. revient: «Je vais te dire quelque chose, j'ai un peu honte, ne te moque pas». Je raconte.
— Quoi, tu lui as volé son pain ?
— Mais non, je l'ai remplacé !
— Mais pourquoi tu n'as pas mis les toasts sur le côté ?
— Mais ils auraient été froids, je lui ai rendu service !

Il me regarde entre désespoir et fou rire. Entretemps le deuxième jeu de toasts saute du grille-pain.
— Qu'est-ce que je fais maintenant? Je les lui apporte?
— Mange tes toasts et arrête tes bêtises.
Je mange. Le client ne vient pas. Il est plus loin, en train d'éventrer un croissant pour le beurrer. Il me faut d'autres toasts, j'ai fini les deux premiers. Les mêmes questions se reposent, prendre les grillés pour les manger ou les mettre sur le côté? — à cela près que je sais désormais qui attend les toasts.

Il me faut des toasts. Je ne vais pas attendre que le client vienne chercher ceux-là et libère le grille-pain pour que je puisse en mettre d'autres à griller. Tant pis, je mets les deux toasts chauds sur une assiette et les apporte à l'Asiatique.
Il relève la tête, surpris, fait signe que non, ce n'est pas pour lui, il n'en veut pas.
Il se remet à son croissant.
Je regagne ma place en me demandant ce qui vient de se passer.

Je prends H. à témoin: «tu l'as bien vu tout à l'heure venir vérifier si les toasts étaient sortis du grille-pain?
— Oui, et surtout, quand je suis arrivé avant toi, je l'ai vu mettre les premiers toasts dans le grille-pain.

Que s'est-il passé? A-t-il oublié, l'ai-je intimidé?

J'ai mangé le deuxième jeu de toasts.

Pré-départ

Rangement, draps propres, repassage, valises — ou plutôt sacs, dans l’espoir de ne pas les mettre dans la soute.

J’emmène mon petit mac, celui qui m’a servi fidèlement de 2012 à 2020. Il faut que j’en retrouve le chargeur, que je vérifie qu’il charge encore (sa batterie peine), que je transfère quelques photos récentes au cas où je veuille m'en servir: toujours cet espoir d’avoir le temps de bloguer, espoir souvent déçu, pas le temps, pas l’envie, trop sommeil, trop de FB…

J’emmène un guide touristique de Vienne acheté en avril 2006 (c'est noté sur la première page. Ce doit être l’époque où nous avons fait un voyage en voiture sans dépasser Salzbourg: je devais avoir l’intention d’atteindre Vienne, je suppose). Parce que je le feuillette et vois une allusion à la dame blanche des Habsbourg, j'emporte aussi le livre du même titre1 dans mes bagages (vœu pieux, acte vain: jamais je n’ai le temps de lire en vacances).

Repassage devant le troisième épisode de The Good Fight saison 4. Valises. Nous laissons la voiture au parking de Veneux. Ligne R, RER A, RER B, de nouveau Citizen M, mais celui de Roissy cette fois.

Très bon dîner sur place.
Nous sommes officiellement en vacances.

Note
1 : La dame blanche des Habsbourg de Paul Morand

Dernière sortie

Dernier matin, ramassage des affaires éparpillées dans la chambre, tri, j'ai perdu une chaussette, plus qu'à espérer qu'une des trois filles la retrouve dans ses affaires dans la semaine.
Vaisselle, balayage, «de toute façon nous allons tout désinfecter» nous dit gentiment la propriétaire (quel travail). Nous avions fourni un test ou un certificat de vaccination avant de venir, trois jours sans penser au Covid, inespéré.

Dernière sortie en huit avec plusieurs départs lancés.



C'est équilibré, plus de roulis, bonheur. J'aurais bien fait un troisième tour mais il faut rentrer, le traiteur va arriver avec les plateaux.
Démontage des bateaux, nettoyage, chargement de la remorque, douche, dernier plateaux repas, dernière vaisselle, départ avant trois heures.

Arrivée, déchargement, remontage des bateaux, rangement des pelles, de la remorque.

H. passe me chercher vers huit heures, nous allons dîner au K. — sans doute pour la dernière fois car H. est déçu par son plat.

Dans la boîte à livres de Samois, quelqu’un s’est débarrassé de livres à connotation théologique. Je récupère La Bible dévoilée (que j’ai lu pendant mes années d’études), La Route antique des hommes pervers et La Pharisienne de Mauriac.

En rentrant je lance et étends une machine: dommage qu’il ne fasse pas plus chaud, je voudrais récupérer une robe légère pour demain, il faut qu'elle sèche dans la nuit.

Troisième jour

Afin de tenter de ramer à la fraîche, nous avons avancé l'heure de départ… d'un quart d'heure. Cependant, comme par ailleurs le soleil est voilé, il fait un ou deux degrés de moins.

Chaque jour avant de quitter le gîte JP nous donne «la compo», c'est-à-dire dans quel bateau nous allons ramer et avec qui. Certains sont déçus et le cachent plus ou moins bien. Je m'attendais à ramer dans le quatre de couple après mon petit tour en skiff hier, mais je suis à nouveau en huit, les trois hommes au centre, Fleur et Clarisse déchargées des fonctions de nage.
L'ehpad est de sortie!
L'anecdote est en passe de devenir proverbiale.

Retour au gîte, plateau-déjeuner, tour de table sur nos impressions, Pascal nous confie sa surprise devant nos progrès: «je ne pensais pas voir autant de différences en trois jours».
Avouons qu'il ne nous tient pas en très haute estime: il a entraîné le bataillon de Joinville, nous sommes âgés (relativement!) et amateurs, je me demande pourquoi il a accepté de venir: pour le défi? parce qu'il s'ennuyait? Il était prévu de nous filmer, de commenter les vidéos, les défauts: sans explication, cela n'est pas le cas. Pascal trouve-t-il humiliant de souligner les défauts d’un rameur devant tous, a-t-il eu de mauvaises expériences (comme l'a laissée entendre une remarque hier)? Sur l'eau, il ne donne que des indications générales, des principes, rarement il reprend un rameur en particulier.

Au café, à ma surprise et mon certain embarras, il se lance dans le récit de la décadence du club de Marly: second club français dans les années 80, les relations amoureuses entre un entraîneur et une cadette (c'est-à-dire une mineure) ont fait exploser le club, les membres du comité directeur prenant parti pour ou contre cet entraîneur jusqu'à tous démissionner.
Le club a alors basculé davantage vers le loisir que la compétition et n'a jamais retrouvé son éclat, car, Pascal en est persuadé, un club d'aviron vit autour de la compétition.
Un membre du comité directeur de l'ANFA prend alors la parole: le comité directeur de notre club va sans doute être profondément renouvelé dans l'année qui vient, il s'agit pour nous de savoir ce que nous voulons faire du club, continuer dans la compétition (avec tout ce que cela implique d'investissement en matériel et spécialisation de certains bateaux) ou devenir davantage un club destiné aux loisirs (sachant qu'il y a deux sortes de rameurs loisirs, les loisirs engagés comme nous, et les loisirs touristes qui viennent consommer deux ou trois heures de grand air par semaine (ce qui est tout à fait concevable tant qu'ils prennent soin du matériel)).

C'est donc cela qui est en jeu, tout s'éclaire. Il s'agit de nous exposer les décisions que nous allons devoir prendre bientôt.
Je comprends mieux une conversation que j'ai eue mercredi dernier.
Elle portait sur l'idée que les jeunes, les mineurs, puissent ramer en section loisir. Ce n'est pas que ce soit impossible aujourd'hui (rien ne l'interdit), mais ce n'est pas prévu: un adolescent qui se présente à un club d'aviron sera toujours inscrit en compétition, avec le volume d'heures d'entraînement qui correspond — sauf à refuser et à basculer en loisir — donc avec personne de son âge — et à abandonner. Cela a pour conséquence à Fontainebleau qu'il y a très peu de jeunes, les parents favorisant généralement les études.

Mercredi soir la rameuse en face de moi m'avait raconté qu'elle avait découragé son fils de continuer la compétition: «il avait des résultats en cadet, mais après? On ne peut pas en faire une profession».
Je l’avais regardé sans comprendre, presque choquée: j’ai été élevée dans l’idée qu’avoir la capacité d’obtenir des résultats sportifs1 était un don du ciel qu’il était un devoir de cultiver; jamais il ne me serait venu à l’idée de décourager un enfant qui aurait eu de tels dons (j’aurais tellement aimé en avoir moi-même).
— Mais à quoi bon? Qu’est-ce qu’il va en faire? Je ne voulais pas qu’il rate ses études à cause de ça.
Là aussi je suis à des années-lumière d’un tel raisonnement: pour moi il est toujours allé de soi que rajouter des contraintes (comme de nombreuses heures d’entraînement) favorisait plutôt la réussite scolaire ou universitaire, en obligeant à la concentration, en évitant l’éparpillement ou la dispersion.
Je suppose que c’est la réflexion de quelqu’un qui n’a jamais eu de problèmes en classe. Je ne me rends pas compte.
Toujours est-il que si les parents pensent cela, la France n’est pas près d’aligner les records sportifs. D’un autre côté, ce n’est pas nouveau, j’ai toujours (ie, depuis les années 80, lors des médailles de Thierry Vigneron à la perche) entendu dire que la France n’avait pas organisé de filière pour les sportifs.

Sieste, retour sur l’eau, toujours en huit, suivis par JP.
Je me fais gourmander par Micheline qui trouve que je parle trop: «il y a un barreur, une nage, tu n’as rien à dire».
Comme c’était aussi le reproche que me faisaient les filles du CNF, il faut croire que c’est vrai. Il faut que je fasse attention.

Retour au gîte sur le mont Saint-Vincent (photo à 21h05).

le creusot vue du Mont Saint Vincent-21h05

Lancement du barbecue, braises. Ce soir c’est côte de boeuf, quatre côtes pour vingt-deux. Délicieux. Puis chansons à boire, danses, agitation. Quand la vaisselle et le rangement sont finis (nous participons comme ça vient, tout est fait dans la bonne humeur, sans organisation préétablie mais avec efficacité), minuit approche. Je monte dans ma chambre dans l’espoir de bloguer mais je tombe de sommeil sur mon ordi.

Bien plus tard j’entendrai les trois autres se coucher.

Note
1 : ou des résultats scolaires, intellectuels, ou une aptitude musicale, etc
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