Billets qui ont '2022-06-21' comme date.

Longue journée

H. a dormi sur le canapé au rez-de-chaussée pour échapper à la chaleur (et à ma fièvre).
Quand je me réveille, je découvre qu'aux alentours de minuit, sans doute parce qu'il n'arrivait pas à dormir, il a entamé une discussion politique avec C. sur le groupe familial WhatsApp.
Mauvaise idée, ça s'engueule sec.

9h - Café, croissants. Ma fièvre est stable à 38, je souhaite tenter Bernstein.

Jusqu'à Champeaux, blé, plus doré au sud qu'au nord où les tiges sont encore vertes (explication absurde: il n'y a que quinze ou vingt kilomètres de différence. Et pourtant mon observation est exacte, c'est l'explication qui est fantaisiste: l'explication, je ne la connais pas).
Magnifique matin.

11h10 - Collégiale de Champeaux. Nous sommes dix minutes en retard. En entrant dans l'église, j'ai un choc: elle est quasi vide. Je m'attendais à un auditoire, une foule, même petite: la nef est vide, un petit groupe est massé dans les stalles. Une chorale chante, je comprends soudain que «Messe» sur le progamme du festival signifiait réellement messe, ce n'était pas une pièce de musique, mais bien une messe entrecoupée de morceaux de Berstein. Cela me plaît, j'ai toujours regretté de ne pas assister à une messe (un office) telle que Bach pouvait les conduire.
Nous nous asseyons dans la nef. Elle réverbère trop, le son n'est pas net. Je sens H. se raidir. Une messe, c'est beaucoup pour lui qui pense que la religion est la mère de toutes les guerres.
La première lecture parle de Melchisédech, l'écho empêche de comprendre, je sors mon téléphone pour retrouver les lectures du jour. Je découvre alors que C. a quitté le groupe WhatsApp. Ça n'a l'air de rien, mais c'est de fait le seul lien qu'il conservait avec nous. Il ne fête pas Noël, ne souhaite pas les anniversaires, ne remercie pas pour les cadeaux, ne contacte pas ses grands-parents, condescend vaguement à répondre au téléphone de temps en temps.
Donc c'est fini, pour une discussion politique. J'ai envie de rire.

H. se lève: «Je vais faire un tour, tu peux rester». — Non, je viens.

11h30 - Auberge de Crisenoy, (on y parle letton et russe), la carte ne nous tente pas; auberge de Sivry-Courtry, c'est plein; l'Alhambra à Fontainebleau. Le propriétaire est charmant, le couscous délicieux. C'est la meilleure pastilla que j'ai mangée en France.
Le patron nous explique qu'avant le Covid il avait un restaurant de quatre vingt couverts. Maintenant il en a une quinzaine et fait surtout de la vente à emporter: «c'est pas la même fatigue, pas la même responsabilité». Toujours le même témoignage: «certains se sont enrichis avec le Covid. Ils ont empoché les aides et ont mis la clé sous la porte».

14h30 - Vote. Je suis contente de m'être désistée en tant qu'assesseur: à l'origine parce que je voulais aller à Champeaux, mais aujourd'hui cela aurait été difficile avec ma toux et la fièvre.

15h - L'après-midi O et Y passent chercher des outils de jardin pour leur nouvelle maison. Ils sont choux.

19h - Allongé sur le canapé, H. lance sur son iPad Une famille à louer que nous avions vu à sa sortie. Je m'installe à côté de lui sur un tabouret avec un bol de chips et vingt centilitres de gin Juillet.

20h10 environ - Nous avions presque oublié les résultats des élections. 52 ou 54% d'abstention, pas de majorité absolue, un groupe pour les RN. Tout le monde proclame avoir gagné. Beaucoup de ministres ne sont pas élus.

22h30 - Orage. Grêlons comme des balles de ping-pong. Par réflexe, je sors balancer les coussins de fauteuil sur la vitre de la table de jardin pour la protéger. Plusieurs grêlons me font des bleus sur les bras.
La verrière du puits de lumière (trois mètres par trois) tient.
Quand l'orage s'apaise, nous entendons un bruit d'assiettes. Je connais ce bruit, ce sont des tuiles cassées. Les voisins sont en train de dégager leur toit.

38

Il fait aussi chaud dehors que dedans (dedans de moi : je suis chambrée).

Fièvre, toux, nouvelle infection ou c'est le foyer du 28 mai non guéri. Depuis O. j'ai peur des infections sournoises (Fredi, c'était avant le covid: il y avait déjà des maladies à l'époque, qui le croirait?). J'essaie de trouver un médecin qui 1/ consulte le samedi 2/ ait de la place.
Peine perdue. Je comprends mal le principe qui consiste à prendre rendez-vous à l'avance chez le médecin: comment sait-on à l'avance qu'on va être malade?
Toujours le même conseil sur les répondeurs: «appelez le 15».
Mais je ne vais pas déranger les urgences pour de la fièvre, j'ai ma fierté.

Je joue à CandyCrush littéralement toute la journée, j'ai acheté un crédit de 24 heures. Dehors il fait 38, au rez-de-chaussée 27, au premier (où je suis) 33, au second 40 (pas de volet, pas de rideaux. Les stores que nous devons installer ne seront pas disponibles avant septembre. Nous devons faire percer une fenêtre à la place de la baie inamovible mais les matériaux manquent. Pas avant l'automne non plus).

La fièvre oscille en restant à un niveau raisonnable.

Demain je devais aller au festival de Champeaux pour écouter des passages de la Messe de Bernstein. Zut de zut, je suis très déçue. Je repense à Sophie qui lors de l'Oulipo mardi dernier me disait, en référence aux confinements successifs chaque fois que je programmais une soirée anniversaire pour nos trente ans de mariage, à la guerre en Ukraine quand j'ai programmé un voyage à St Pétersbourg: «Ne fais plus de projet! Tout à l'improviste, au dernier moment!»

J'y pense : nous avons bel et bien mis en route un projet aujourd'hui (malgré tout il faut continuer: souvent je pense à Kipling, que ce soit devant une petite déception quotidienne ou le tableau immense de la guerre).
A force de bavarder avec le fleuriste (à côté du boulanger), H. a appris qu'un de ses fils habitait en face de chez nous (une Tesla et une Ford Mustang dans la cour minuscule, c'est un dingue de bagnoles, donc avec notre petite voiture rouge, nous avons droit à un a priori favorable) et que l'autre était jardinier (ingénieur jardinier, je ne savais pas que ça existait) et travaillait pour le château de Fontainebleau.
Ce fils intervient également chez les particuliers. Il était passé voir ce que nous souhaitions, il revenait aujourd'hui nous présenter un projet.
Nous avons été médusés: il a sorti un carnet de croquis, bâtiments et fleurs et arbres placés en volume: «avant j'utilisais Sketchup, mais je n'ai pas pris le temps.»
Ah ben mince alors. C'est un jardinier très tech, qui nous propose un arrosage branché sur internet et qui arrose en fonction de la météo… («J'ai mis ça chez moi, c'est super pratique»).
Pour couronner le tout, il ressemble au roi de coeur des jeux de tarot, avec des yeux vert gris (le t-shirt assorti, ce qui prouve qu'il en est parfaitement conscient).
On lui a laissé la clé du jardin. Il viendra travailler le soir, commencer par «un coup de propre», comme il dit (débarrasser les pierres, l'auvent en bois, enlever l'une des glycines, passer le motoculteur pour évaluer la qualité de la terre).
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.