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Bassines, écologie, émeutes

C'est tout de même triste que sur un sujet aussi fondamental que nos futures sécheresses, on n'ait que des écologistes idéologues et aucun scientifique.
On dirait des ZADistes prêts à tout détruire par pure haine macroniste.

Voici un thread sur les bassines. Il présente les aspects scientifiques, les avantages et les inconvénients. La conclusion est : le bénéfice des bassines dépend beaucoup de l'endroit où on les installe, elles ne sont pas un remède universel. En l'occurrence, les bassines de Sainte-Soline correspondent à dix ans d'études et de concertation entre les acteurs locaux. On assiste donc bien à la confiscation d'un projet local par des intérêts qui n'ont plus rien à voir avec l'agriculture ou l'écologie.

Il est temps de se souvenir qu'il n'y a pas de solution idéale, qu'on essaie de faire au mieux et que la politique consiste à choisir en fonction d'objectifs qui (normalement) visent le bien commun.
C'était le cas pour les vaccins, le cas pour le nucléaire, c'est le cas pour les bassines.

Pour rappel, la synthèse du rapport du Giec, p.8, et la recommandation des retenues d'eau.

synthèse du rapport du Giec

Voyage

Vingt minutes de piscine avant le petit déjeuner. C'est sans doute ma dernière activité sportive avant dix jours. Cependant ce n'était pas une très bonne idée car cela nous a rendus chaffoins.

Petit déjeuner sur fond d'indigestion, H. déclare qu'il mange beaucoup et que nous ne nous arrêterons pas pour déjeuner.
Je sais par expérience que le croire totalement est dangereux: si finalement nous déjeunons, j'aurai beaucoup trop mangé pour la journée.

H. prend le volant. Direction Argentan en évitant L'Aigle. Décapotés: il ne pleut pas. Nous passons de la Beauce à la Normandie, forêts et vallonnement.

Argentan. Ahurrissement: cinq euros vingt pour deux cafés et une part de tarte.
Nous marchons pour nous détendre, l'Orne est au plus bas. Nous passons un long temps à baguenauder dans un magasin de déco. Un miroir nous plaît, mais difficile de le faire livrer.

Nous repartons, je conduis. Panneau annonçant avec fierté que le département plante des haies. J'hésite entre rire et colère, je me souviens encore du remembrement des années 70 qui au prétexte de constituer de grandes parcelles plus faciles à exploiter de façon intensive a conduit concrètement à l'appauvrissement de la grand-mère de H. (on prend vos terres éparpillées, on vous rend la même surface, mais pas de même valeur agricole: toutes les terres ne se valent pas et les notables paysans connaissent les bonnes personnes) et à l'éventrement des prairies derrière chez mes grands-parents.
Ce fut une catastrophe pour la Normandie lavée par les pluies, il aura fallu tout ce temps pour s'en rendre compte.

Tinchebray, très joli. Je découvrirai plus tard que c'est le lieu de naissance d'André Breton. Flers, Vire. Les routes sont de plus en plus petites; de loin en loin H. s'exclame «Même ici ils ont la fibre!»
Nous nous arrêtons dans le dernier village avant Cerisy. Diabolo menthe et achat d'un paquet de cigarettes que j'ai négocié: «ça facilite le dialogue devant la porte»1.

Arrivée. Nous serons dans l'ancienne ferme. Escalier petit et bas, je guette les réactions d'H., j'ai peur qu'il fasse la moue mais tout va bien, à cela près que j'avais oublié de prévenir H. qu'il n'y a pas de serrure aux chambres2. Aussitôt il s'émeut pour son matériel (il a apporté son informatique pour travailler); heureusement l'armoire à glace ferme à clé.
Nous sommes en avance, je lui présente les bâtiments, nous nous promenons. H. est séduit par l'orangerie, «la 4G passe très bien, je viendrai ici».

Un bus amène une trentaine de voyageurs de la gare la plus proche: l'époque où le train s'arrêtait à Carantilly sans que cela n'apparaisse sur aucun horaire officiel est révolu, ce qui induit des frais supplémentaires pour le château.

Premier repas dont choux au chocolat; premiers voisins et premières discussions, la salle à manger est bien plus bruyante que dans mon souvenir; je reconnais quelques cuisinières. Traditionnelle présentation, mais dans la bibliothèque et non pas dans le grenier. Je suis surprise par le nombre d'auditeurs, je n'en avais jamais vu autant, sans doute Balzac attire-t-il les amateurs.
L'autre colloque s'intéresse à Claude Cahun dont je n'ai jamais entendu parler, je déduis de la présentation de chacun qu'elle est poète, photographe, sans doute lesbienne ou transgenre, en relation avec le surréalisme. Georges Sebbag est l'un des organisateurs du colloque, je crois comprendre qu'il est l'un des derniers vivants à avoir connu André Breton.



Notes
1: dès le premier soir, sûr comme la mort, une jeune femme nous déclare «ça fait plaisir d'être accompagnée dans son vice, en Angleterre je suis très seule». La cigarette est une merveilleuse amorce de dialogue entre inconnus.
2: il y a des verrous intérieurs, installés au moment de mai 68 quand les Cerisiens étaient parfois trop entreprenants pour certaines Cerisiennes soucieuces de tranquillité.

Un échange autour de l'agriculture biologique

J'ai partagé ce tweet sur FB (à dérouler) à propos du traitement des betteraves :
Comme tous betteraviers français, devoir faire demain un insecticide sur des betteraves à 2 feuilles, c'est à dire de la taille d'une pièce de 2€, me rend fou.
A 80000 pieds levés, ça fait 0.4% de couverture
Alors qu'il y a encore 2 ans, on avait des traitements de semences.
S'en est suivie une discussion courtoise entre les pour ou contre les néonicotinoïdes. Un ami a fait remarquer qu'avec plus de bandes herbeuses, de haies, etc., certains problèmes posés par la mono-culture agro-industrielle n'existeraient pas. Mais travailler sur de telles parcelles est moins facile, on ne peut pas passer avec les mêmes tracteurs, etc.

Réponse d'une amie fille et sœur d'agriculteurs: «il me semble que ça impliquerait un coût énorme en terme de main d'oeuvre que personne n'a envie de supporter».

Ma réponse : C'est ce qui me fait de la peine quand j'entends mes potes de Neuilly discuter. Elles sont toutes CSP++ et incapables de parler de nourriture sans rajouter "bio" au bout: «J'ai fait un cake au citron bio avec de la farine de coco». J'ai l'impression de vivre IRL une parodie d'internet.
Evidemment, ça part de bonnes intentions. Mais elles n'ont pas l'air de se rendre compte que les gens qui touchent un Smic et demi économisent sur la nourriture toute l'année pour partir en vacances en famille (quand ils partent. Mais elles ne peuvent imaginer qu'on ne parte pas en vacances. Une année où nous étions restés l'été à la maison, une rameuse m'a dit très gentiment, pour me consoler: «mais tu es quand même allée dans ta maison de campagne?» (What?? Quelle maison de campagne?)
Et puis je pense à ma famille. Il y a encore pas mal d'agriculteurs dans la famille élargie. Eux t'expliquent qu'ils perdent de l'argent sur le quintal de pommes, je me souviens de ma grand-mère qui ne voulaient pas que ses fils soient paysans parce que «c'est bien trop dur», je vois le kilo de carottes à un euro en grande surface, et je n'ai qu'une trouille: que les agriculteurs abandonnent et que nous, l'une des terres les plus fertiles d'Europe, on se retrouve à tout importer.

Le frère de l'amie cité plus haut (frère aux tendances communistes plutôt old fashion pour un si jeune homme): «Je vois mal les gens de Neuilly avec leur cake au citron bio s'enthousiasmer sur le fait que Jean-Eudes ou Christophine passe leur vie à arracher des chénopodes.»
Il est resté très modéré, j'avais eu peur que ça dérape.

Ma réponse : C'est ce qui m'a intéressée dans l'appel au peuple pour aller cueillir les fraises : combien de bobos allaient-ils se rendre compte que la terre était basse?
Mais j'ai eu honte de cette pensée parce qu'elle faisait vraiment Chine rééduquant les intellectuels…
Sinon, dans l'Est, du côté de Chaumont/Langres, j'ai un cousin qui raconte que les exploitants sont très contents de l'arrivée des réfugiés syriens: ceux-ci sont heureux de travailler une terre fertile, contre un salaire et un toit (alors que les mêmes exploitants n'arrivaient pas à recruter de façon stable des autochtones (mais ça il ne faut pas le dire, tu te fais traiter de vendue à la solde du grand capital).
De la même façon, quand je cherchais des petits boulots pour ma fille, j'avais découvert que les agriculteurs de la Manche cherchent des ouvriers de façon permanente: mais bon, pour récolter la salade, la terre est basse (et je sais qu'elle est basse, je sais que c'est fatiguant, je ne me juge pas ceux qui préfèrent toucher le chômage. C'est juste que parfois, il faudrait avoir la décence de se taire, la décence de ne pas accuser l'Etat et tous ceux qui travaillent et donc financent toutes ces aides, d'être des profiteurs)).

Interrogations transatlantiques

K., installé à Boston depuis quatre ans, passe le week-end à la maison avant de regagner lundi un hôtel à la Défense pour une semaine de travail.

Je l'interroge sur Trump, parce qu'à ne fréquenter que des gens anti-Trump, je manque de la vision de ses partisans: à son avis, Trump sera-t-il réélu? (Peut-être plus maintenant avec la menace d'une procédure d'impeachment en cours. Mais il y a une semaine ou deux, oui, c'était probable.) Mais pourquoi? Les Américains sont-ils satisfaits de son bilan? Ses collègues de travail ne sont-ils pas inquiets quand ils envoient leurs enfants à l'école? (Bah tu penses toujours que ça tombera sur quelqu'un d'autre. C'est comme des supporters d'une équipe de foot: tu choisis la tienne puis tu la défends mordicus, même si elle marque avec la main. Il n'y a aucune dimension éthique dans cela.)

Cela me satisfait peu. Lui m'interrogne sur les paysans: «Je ne comprends pas: à suivre les infos de loin, j'entends parler d'agriculture bashing. C'est vrai?» (Oui, c'est vrai. Entre les végétariens et les anti-glyphosates, tu as toute une frange de la population qui veut imposer ses vues sans avoir d'idées très précises sur les contraintes que cela suppose de nourrir soixante-dix millions de personnes. Tel que c'est parti, la France va se retrouver sans paysan, à importer des produits agricoles alors qu'elle a une des terres les plus riches d'Europe.)

Il me regarde, incrédule. Demain au marché j'achèterai pour lui des fraises et des haricots verts à Philippe, le maraîcher qui part bientôt à la retraite et qui ne trouve pas de repreneur.
— Il y a des marchés dans le Massachussets?
— Pas vraiment. Ils n'ont pas de vitrines réfrigérées. Le boucher se promène avec des glacières et une ardoises. Quand tu demandes quelque chose, il te sort le morceau de viande emballé sous vide. Moi, je n'arrive pas à acheter si je ne vois pas. Et les légumes… Les bénéfices du circuit court, ils ne connaissent pas. Tout est dix fois plus cher qu'en grand magasin, sans être franchement meilleur.
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