Billets qui ont 'allemand' comme mot-clé.

Après le grec, l'allemand.

«C'est pas cool, Gaby, mais faut avancer. Faut s'en remettre ou se faire mettre.»
The Walking Dead, S8E5
(contexte : deux types enfermés dans une caravane en train de se disloquer sous la pression des zombies).

Ce n'est pas le sujet dont je voulais parler, mais cette phrase saisie au vol m'a fait rire. Pas mal cette traduction. J'apprécie qu'ils se donnent du mal pour le doublage.

Quoique. Le sujet global de ce billet pourrait être la traduction. L'IPT (institut protestant de théologie) nous envoie des devoirs en allemand. C'est amusant la décontraction protestante alors qu'ils sont austères, contre la rigidité catholique alors qu'ils sont davantage bons vivants.
Pour la validation du cours d’allemand, nous vous proposons de changer radicalement de corpus, un peu parce que les textes de Bultmann sont restés dans nos bureaux à l’IPT (confinés eux aussi, pour ainsi dire!), mais aussi et peut-être surtout parce qu’en ces temps troublés nous avons quelque raison de préférer la chanson, l’humour et le cinéma aux savantes mais austères considérations de l’ami Rudolf!

La chanson est signée Stephan Eicher et Martin Suter. Nous vous invitons à l’écouter pour commencer, puis à la lire. Il s’agit d’un duo interprété par l’hambourgeoise bohémienne de coeur Annette Louisan et le Yénische cosmopolite des Alpes helvétiques Stephan Eicher. Le duo alterne des passages en allemand et en suisse allemand. Votre tâche consiste à traduire les passages en allemand, mais nous vous encourageons à essayer – à titre facultatif, bien sûr – de deviner ce qui est dit dans les passages en suisse allemand.

L’humour est celui de Loriot, qui est un peu à l’Allemagne ce que Jacques Tati est à la France. Si son nom ne vous dit rien, vous lirez avec profit la brève biographie que voici (dépêche AFP à l’occasion du décès de Loriot en 2011):
«Le pape allemand de l'humour, le dessinateur, auteur et acteur Vicco von Bülow, plus connu sous le nom de "Loriot", est mort à l'âge de 87 ans, a annoncé sa maison d'édition."Je déplore la mort de ce grand artiste et de cet homme formidable qu'était Vicco von Bülow que nous aimions sous le nom de Loriot", a déclaré la chancelière allemande, Angela Merkel, dans un communiqué. "Observateur plein de finesse des choses de la vie et humoriste profond, Loriot était depuis longtemps devenu un classique", a-t-elle dit, ajoutant: "son oeuvre fera rire encore longtemps les jeunes et les moins jeunes, tout en permettant de mieux cerner ce qu'est l'âme, l'essence des Allemands". "Le miroir plein d'amour qu'il nous tendait va nous manquer", conclut la chancelière.
A mi-chemin entre le Monsieur Hulot de Jacques Tati et Charlie Chaplin, Loriot s'attaquait, à travers ses sketches aux répliques caustiques aux clichés quotidiens de la vie moderne de l'Allemagne d'après-guerre, seul en gentleman dans un monde devenu fou. La vie de couple, les femmes, les hommes, les animaux faisaient partie des thèmes de prédilection du comédien comme dans "l'oeuf à la coque", où un couple se dispute au petit-déjeuner sur la durée de cuisson de l’oeuf. Né en 1923 à Brandebourg (est) d'un père officier dans l'armée prussienne, Loriot, s'était choisi comme pseudonyme le nom français de l'oiseau figurant sur l'armoirie de sa famille. Il était également dessinateur, ses recueils de proses et de dessins humoristiques aux personnages à gros nez se vendant à plusieurs millions d’exemplaires. Au cinéma, en tant qu'acteur et réalisateur, il avait tourné "Oedipussi" ou l'histoire d'un homme animé d'un attachement malsain à sa mère, et "Pappa ante Portas".»

Pour ce deuxième exercice, le mode de validation est plus léger. Nous vous invitons à visionner les quatre saynètes ci-dessous:
pneumatische Plastologie
Der Hasenbrüter
"Szenen einer Ehe"
Fernseher kaputt

La tâche consiste à choisir la saynète que vous préférez, expliquer votre préférence et sélectionner deux mots nouveaux pour vous, dont vous chercherez la signification.

Le cinéma est aussi de la partie avec un chef d’oeuvre du muet:
Menschen am Sonntag (1930),

Oubliez la validation pour ce troisième exercice.
La tâche, si toutefois c’en est une, consiste à regarder le film avec ses (rares) cartons en allemand, et à se laisser porter par cette histoire, si toutefois c’en est une. Menschen am Sontag n’est pas aussi célèbre que les autres grandes oeuvres du cinéma muet allemand (Faust, Das Cabinet des Dr Caligari, Der blaue Engel, Metropolis, etc.), mais il n’a rien à leur envier ni sur la forme ni sur le fond. Considéré comme l’ancêtre à la fois du néoréalisme italien et de la Nouvelle Vague française, Menschen am Sontag semble d’un autre temps que le sien (un peu comme ces meubles du Bauhaus qu’on croirait sortis tout droit des années 1960). Au générique, on trouve, entre autres, Robert Siodmak à la mise en scène et Billy Wilder au scénario (avant leur exil aux États-Unis).

Longueur de temps plus que force ni que rage

Maintenant que tous ceux qui râlaient pour rien ont été satisfaits (puisqu'il était prévu qu'ils le soient même s'ils n'avaient pas râlé) il reste les vrais cas problématiques. Face à une organisation persuadée que tout peut se traiter de la même manière, traiter les cas particuliers est épuisant.

Je vais laisser tomber l'allemand. Pas vraiment le temps, pas vraiment envie : cette année nous faisons davantage de traduction et moins de théologie.

Le sapin de Noël n'est toujours pas démonté.

Le parquet est quasi fini. Je ne comprends pas comment les artisans sont parvenus à bouger à deux les meubles très lourds. La couleur du plancher rappelle celle des poutres. C'est chaleureux. (Ce parquet n'était pas prévu au départ: nous avons des artisans "force de proposition".)

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Gründlichkeit

— Gründlichkeit… en ce qui concerne les Allemands, c'est un cliché. Le Français est frivole, l'Allemand est gründlich, minutieux, sérieux, voire pataud.
— Frivole? en allemand Frivolität ?
— Oui, tout à fait.
— Ça alors, je commence à comprendre… J'ai un ami philosophe qui utilise frivole quasi comme un reproche… Je commence à comprendre d'où lui vient ce pli.
— C'est toujours un ami ?



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Pendant ce temps dans le monde
élections de mid-term aux US.

Allemand II

Deuxième cours d'allemand (pour moi : cinquième au total, peut-être), sans Marc Boss. Nous allons beaucoup plus vite car il nous manque les commentaires théologiques. Ce sera pour la prochaine fois.

Rentrée tôt (enfin, 19 h). Je tâche de mettre un peu d'ordre, de noter quelques remarques sur le livre que je viens de finir afin de me réentraîner à écrire. J'écris tellement moins qu'à l'époque de la SLRC ou de VS. C'est vertigineux. (J'ai fini un livre! J'ai dû en lire cinq —de couverture à couverture— cette année, c'est la cata.) Je mets quelques temps à me repérer dans mon blog Wordpress, tout a changé; on dirait l'intérieur d'un site.

Allemand I - Ergo I

Comme Vincent nous impose 10000 m d'ergo(mètre, c'est-à-dire du rameur de salle de gym) pour pouvoir faire partie du huit1, je suis venue discrètement faire un test à midi. C'est très TRÈS long, on s'ennuie, je m'ennuie, j'ai envie d'arrêter. Il faudra que j'essaie avec un casque sur les oreilles.

Comme prévu, je fais un temps suffisamment mauvais pour me disqualifier : avec ce temps-là, je ne pourrais pas faire partie du huit car les rameuses sont toutes en dessous de 50 minutes (je suis à 51'59).
Pour mémoire, c'est en descendant en dessous des 2'30 au 500 mètres sur 4000 mètres en préparant le biathlon de Landy que je m'étais abîmé le dos. (Sur 4000 m on s'ennuie beaucoup moins).


Retour en allemand. J'ai raté les premiers cours de l'année à cause de l'entraînement en huit (en fait dans l'absolu j'aurais donné la préférence à l'allemand, mais généralement je m'engageais d'abord pour le huit, puis ensuite seulement jeme souvenais de l'allemand. Tant pis.)
Nous sommes nombreux, une douzaine, une quinzaine. Cette année nous étudions la querelle Brünner-Barth.





Note
1: Au début, il nous avait dit que si nous étions trop nombreuses à nous inscrire, il nous ferait passer un test d'ergo pour déterminer qui ferait partie du bateau pour les compétitions. Mais pour Angers, il n'y avait pas assez de rameuses (il y en a une qui est venue d'un autre club) et il a pourtant fait passer un test d'ergo. Donc c'est pour une autre raison, sans doute pour tester notre motivation car je crois qu'il redoute de s'investir plus que nous.

Soleil et lapsang souchong

Seine à neuf cents mètres cubes par seconde. C'est sans doute parce qu'il fait moins froid que nous avons été autorisés à sortir. Le soleil ramène les rameurs : quatre yolettes à midi.
Moi à la nage, Jean-Charles au un ; entre les deux Jean-Claude et ??. J'ai mal ramé, je me suis laissé imposer la cadence par les nouveaux de l'année.

Thé et repas chez Mariage ; allemand.
Nous continuons à traduire Tillich. Huit étudiants dans la salle, huit phrases traduites en une heure et demie. Le croirez-vous, c'est plaisant, sauf pour l'Autrichienne bilingue et le Berlinois quasi bilingue qui s'ennuient.

Novalis et Schelling, le romantisme et l'idéalisme, ont beaucoup joué sur ding / unbedingt, la chose et l'inconditionné (ou l'inconditionnel selon les contextes), in-chos-éifié, «une étymologie fantaisiste comme Heidegger en construira tant».
«Si vous voulez en savoir plus, lisez la conclusion d'un de mes ouvrages. — Vous voulez dire votre thèse ? — Oui, Au commencement la liberté. Mais inutile de lire les cinq cents pages, la conclusion suffira.»

Le soir je termine Jerry Maguire et je revois Indian Palace. Je songe à Kipling en regardant les images et en écoutant la voix off de Judi Dench. Quel étrange sortilège lie à jamais anciens colonisateurs et anciens colonisés, fascinés l'un par l'autre.
La jeune indienne sera l'actrice de Sense 8.

Trompettes

— Si vous entendez des trombones le jour du jugement dernier, c'est que Dieu est allemand.

Se décider

Je retourne en cours d'allemand pour apprendre que c'est le dernier de l'année. Nous traduisons trois poèmes de Bonhoeffer.
C'était prévu dans le descriptif du cours, mais on peut dire que ça tombe à pic.

Explication pour ceux qui ne connaissent pas : Bonhoeffer, pasteur protestant, est l'une des grandes figures théologiennes qui s'est opposé au nazisme au sein de "l'Eglise confessante" alors que l'Eglise allemande hésitait et se ralliait en grande partie au nazisme. Il a fait partie d'un groupe qui préparait un attentat contre Hitler (qu'un chrétien s'engage sur le chemin du meurtre reste pour moi in-pensable) et a été pendu en avril 1945.

Quel rapport avec aujourd'hui? Voici quelques lignes d'une lettre de 1934 sur l'importance de prendre une décision, de prendre le risque de prendre une décision ("œcuménique" représente les différents courants protestants). Je pense ici autant aux hésitants en général qu'à l'Eglise catholique qui n'ose pas employer de mots fermes par peur de brusquer les anti-mariages gay (heureusement quelques évêques ont été clairs et sauvent l'honneur). :
J'aurais beaucoup aimé discuter de nouveau de la situation actuelle avec toi, puisque la lenteur de la risposte œcuménique commence à mes yeux à friser l'irresponsabilité. Il faudra bien prendre une décision à un moment, il n'est pas bon d'attendre indéfiniment un signe du ciel qui viendrait résoudre le problème sans aucun trouble. Le Mouvement Œcuménique doit lui aussi prendre position, quitte à se tromper, comme tout être humain. Mais que la peur de se tromper les pousse à tergiverser et à se dérober alors que d'autres, nos frères en Allemagne, sont obligés de prendre des décisions infiniment plus difficiles tous les jours, me semble aller à l'encontre de l'amour. Retarder une prise de décision ou ne pas en prendre est un plus grand péché que de prendre de mauvaises décisions guidées par la foi et l'amour. […] Dans le cas qui nous préoccupe, c'est maintenant ou jamais. "Trop tard" mènera à "jamais".

Eric Metaxas, Bonhoeffer : pasteur, martyr, prophète, espion, p.280, éd. Première Partie, Paris 2014
L'un des élèves nous apprend que passant à Weimar en juin 2014, il avait voulu aller à Buchenwald voir le mémorial de Bonhoeffer: impossible, il venait d'être vandalisé.

Le soir, retour en cours. J'en ai raté quatre. Troisième cours sur "Sexualité, éthique et théologie". Je suis extrêmement sur la réserve.
Pour l'instant tout va bien : Thomas (d'Aquin), faire mémoire, agapê
Mémoire, intelligence, volonté : selon l'importance plus grande donnée à l'un ou à l'autre, on sera plutôt augustinien, bonaventurien ou scottiste…

Piste : Eric Fuchs, théologien protestant, a écrit un livre qui a eu beaucoup de succès autant auprès des catholiques que des protestants: Le désir et la tendresse.

Généalogie matthéenne : les transgressions des patriarches n'entravent pas le dessein de Dieu.

Sublime

«Erhaben. C'est le mot de Kant, ce n'est pas neutre.»

Schleiermacher. Les Français (les Francs) sont frivoles (en français dans le texte — à moins que le mot n'ait été incorporé tel quel en allemand). Soudain je comprends d'où JYP tient sa façon de traiter les attitudes qu'il réprouve de «futiles».

Et pourquoi sont-ils frivoles? parce qu'ils n'ont rien compris à l'événement le plus sublime de l'histoire du monde.
— Quel est cet événement ? demande le professeur.
Parce que nous traduisons Schleiermacher à l'institut protestant, je tente : «la Création?» Cela pourrait aussi être le Christ, puisque sa caractéristique est de faire irruption dans l'histoire.
— La révolution française. Au XIXe siècle les philosophes allemands se sont quasi donné pour tâche d'expliquer la révolution française aux Français, de leur donner les moyens de la penser.

Et soudain l'énormité de l'événement m'apparaît, un court instant. Je l'avais entrevue en lisant Eça de Queiroz, Lettres de Paris ou… en contemplant la liste des invités aux mariages princiers d'Angleterre: cela reste malgré tout une fête de famille, et les invités sont des gens de la famille au sens large, des rois ou des princes, pas des présidents. Bifurcation dans l'histoire du monde, deux chemins désormais possibles.

Oulipo

Je sèche la séance (je suis en retard) et m'installe à la BN dans une salle en libre accès pour trois quarts d'heure d'allemand (reprise du Schleiermacher de mardi. Structure paulinienne (vous n'êtes pas mais je suis… ; mais si je ne suis pas alors vous êtes…; cependant si je suis vous êtes…; etc) et rhétorique: c'est si étrange de consacrer deux pages à interpeller ses lecteurs, sans entrer dans le vif du sujet. Aujourd'hui nous sommes davantage Cut the crap et tant pis pour la captatio benevolentiae.

(Tant pis, tant pis: la faute à Guillaume.)

Conversations à la volée:
— … L'Art d'avoir toujours raison, c'est très intéressant.
— Mon mari, enfin ex, aurait pu l'écrire. Moi, j'aurais pu écrire l'art d'avoir toujours tort, j'ai eu tort pendant trente ans.
— Evidemment, quelle idée, tu as eu tout faux dès le début. Dire oui a été la première erreur.

La procratination pour les nuls : il l'a enfin écrit !

— Parfois c'est difficile à comprendre: j'ai lu dans un groupe FB "tu sais que tu fais de l'aviron quand…" un jeune rameur qui racontait qu'il avait été attaqué par un signe. Il m'a fallu un moment pour comprendre que ce n'était pas Derrida qui avait encore frappé.
— Ma mère qui était prof de dessin au collège est revenue un jour très émue: elle avait lu un graffiti sur une table «j'aime les verts». Elle avait trouvé ça si beau de la part d'un enfant si jeune, pas «j'aime le vert», mais «les verts»… Il lui a fallu une nuit pour comprendre qu'il s'agissait de foot.

— Je vais aller en Russie en décembre. C'est compliqué d'obtenir un visa. Je suis invitée dans la famille de ma belle-fille, mais si je dis que je vais chez eux, il faut qu'ils fournissent deux ans de justificatifs de revenus pour prouver qu'ils peuvent me nourrir… alors j'essaie de trouver un hôtel fictif, j'étudie internet.
[…] Non, ils ne parlent pas anglais. Apparemment c'était très politiquement incorrect de suggérer qu'ils puissent apprendre un peu d'anglais.

(Mais toutes les raisons de rire, si nombreuses, m'échappent.)

Allemand

Et de nouveau de l'allemand à l'IPT (institut protestant de Paris). Ce blog tourne en rond. En réalité j'aurais dû m'inscrire l'année dernière aussi, mais je pensais que les cours commençaient en janvier (2016) comme l'année précédente: quand je me suis renseignée, j'ai appris que le semestre était fini, les cours avait eu lieu de septembre à décembre (2015).
Ce week-end, saisissant un cahier dans le grenier, je me suis rappelé qu'avant l'IPT il y avait eu les cours de "l'université de la vie".

Cette fois, c'est sans ambiguïté (dans la présentation du professeur, pas dans le descriptif du cours): il ne s'agit pas d'un cours d'allemand mais d'un atelier de traduction. J'ai abandonné l'idée que je parlerai allemand un jour à moins d'aller passer six mois en Allemagne (mais alors j'aurai mes chances, ce qui n'est pas le cas avec l'anglais).

"Flâneries de Schleiermacher à Bonhoeffer" : qui dit mieux ?
J'ai calculé que cela va représenter quinze jours de congé, en posant mes mardis après-midi sur une année.

«Schleiermacher était pasteur réformé, c'est-à-dire d'une Eglise qui se sent minoritaire en Allemagne face aux Luthériens, tandis qu'en France c'est l'inverse, ce sont les réformés qui sont plutôt majoritaires — ce qui fait que Schleiermacher semble parfois plus proche des Luthériens français avec qui il partage ce sentiment d'appartenir à une minorité.»

Je continue The Nigger of the Narcissus. Je suis pétrifiée d'admiration.

Gibert jeune

J'avais cu un instant (mardi dernier) que La Poste pro sauverait l'honneur de la Poste, mais finalement non, ils sont aussi pitoyables que la Poste pour les particuliers: mardi ils me disent que les délais sont trop courts pour qu'ils s'engagent sur le projet (et donc qu'ils me laissent me débrouiller) et qu'ils vont m'envoyer très vite, sous 24 ou 48 heures, le numéro d'autorisation dont j'ai besoin pour mes enveloppes T; jeudi après-midi quand j'appelle je découvre qu'ils n'ont rien fait mais qu'«ils le font tout de suite»; vendredi à 10 heures non seulement ils n'ont rien fait mais en plus la personne que j'avais eue la veille au téléphone est partie en week-end. Je râle même si je sais que c'est contre-productif; la personne au bout du fil se fiche de moi mais doit néanmoins se sentir mal à l'aise car j'ai le numéro une demi-heure après, et le bon à tirer en fin d'après-midi (elle ne saura pas que tout est parti à l'impression sans attendre le BAT).

Je passe chez Gibert jeune (plutôt désert, assez agréable par rapport à l'autre — c'était là qu'il y a trente ans j'achetais mes San-Antonio — il n'y en a plus) pour acheter une grammaire allemande dont j'ai trouvé la référence sur internet. Je vais vite, je dois rejoindre O., et plus tard je regretterai l'avoir achetée : trop technique, trop détaillée, elle ne correspond pas à mes besoins.
Je passe sur abebooks, tape "grammaire allemande", "entre 1950 et 1975" et en trouve une qui devrait convenir davantage.

Cette visite est l'occasion d'une photo colorée de petits carnets postée sur FB qui déclenchera demain une discussion auto-démonstrative de ce que sont ces petits carnets, c'est-à-dire l'illustration de beaucoup d'énergie gaspillée pour pas grand chose.

Bonnes résolutions

- ne jamais commenter de cinéma sur FB
- FB toujours : ne jamais commenter un article sans l'avoir lu intégralement
Toute personne lisant ces lignes est encouragée à me rappeler ces résolutions sur FB si j'y faillis.

- lire les Evangiles en allemand
- lire Ricœur (commencer à)
- lire Balzac (commencer à)

Ave

Et soudain, en lisant « "Message de salut" (Heilsbotschaft) » dans la "note liminaire du traducteur" de Pierre Jundt, traducteur de l'Épître aux Romains de Karl Barth, je comprends pourquoi Bonhoeffer refusait le Heil nazi qu'il disait être réservé au Christ : je n'avais jamais pris conscience que "salut", en allemand comme en français (mais pas en latin — ou bien si?), relevait tout aussi bien de salvation que de salutation.

Oubli

Quatre jours m'ont suffi pour désapprendre à travailler.
Vers la fin de la journée, j'ai au téléphone une dame née en 1939 présentant tous les symptômes de Doris (cf. Le Monde de Nemo). Aucune mémoire immédiate, quarante minutes de conversation. Elle comprend, mais elle oublie aussitôt. Je suis désolée de ne vraiment rien pouvoir faire pour l'aider par téléphone. J'essaie de lui faire noter des points de repère, mais elle oublie de regarder sa feuille…

Nathalie Granger. Mazette. L'absurde sans second degré (ou presque: «Votre machine est une 008». Très tongue in cheek, dans ce cas. Après tout, peut-être que je me trompe complètement). Lorsque je regarde ce genre de film, je ne le regarde pas, j'essaie de reconstituer les spectateurs de l'époque dans la salle (mais bien sûr c'est impossible).

Lisa va retourner à Berlin dans quelques semaines. Je n'ai pas l'impression qu'elle ait été très heureuse, très à l'aise, en France. Il faut dire qu'elle avait des collégiens en classe.
J'apprends qu'il y a une cafétéria tout en haut de centre commercial Sonycenter à Berlin, au-dessus du musée du cinéma, et que de là-haut on domine tout Berlin.
Elle m'apporte un magazine, Fluter, qui est envoyé gratuitement dans le monde entier à toute personne en faisant la demande. C'est un magazine né après la seconde guerre ayant pour ambition d'apprendre la démocratie aux Allemands. C'est un journal d'Etat pour l'éducation politique (en français, ça sonne très soviétique): "Magazin der Bundeszentrale für politische Bildung". Il est très critique envers les excès de la mondialisation.

Elle lit Le Piéton de Paris de Léon Paul-Fargue (en allemand).

Jeudi chômé

J'ai pris quelques jours de vacances, d'une part pour me remettre de ma fièvre d'il y a deux semaines (je ne sais pas ce que c'était, mais je n'ai pas récupéré. S'y est ajoutée l'heure d'été, je suppose) d'autre part pour ranger la maison.
Mais en fait, comme j'ai des cours tous les jours à Paris, cela ne m'en laisse guère le temps.

Rangement le matin. Teinture pour cheveux. Je déteste ça, ça m'ennuie et surtout je crains que cela ne m'empoisonne au sens propre.

Je vois Lisa. Elle m'amène le programme de la maison Heine. A noter le 1er mai une conférence sur l'Ukraine, le 27 Faye sur Heidegger (ce qui recoupe le cours d'hier). Ce sont des mardis, je ne pourrai pas y aller.

Nebraska. J'ai rarement vu autant de vieillards dans un film. Sans spoiler, il est possible de dire que d'un certain point de vue ce film illustre que la foi fait advenir les miracles.

Dernier cours d'allemand théologique. Une fois de plus j'ai découvert combien j'étais ignorante. Parfois je me dis que je serais tout de même beaucoup plus tranquille à ne pas bouger dans un coin plutôt qu'à m'intéresser à ce que je connais pas: car à chaque fois ce sont des pans entiers du réel, totalement inconnus la seconde précédente, qui s'ouvrent devant moi. C'est déstabilisant. (Mais comment parvenons-nous à nous comprendre avec si peu de références communes? ou tant de références non en commun? C'est un miracle que je ne m'explique pas (il y a une citation de Nabokov à ce sujet dans la partie commentaires de Pale Fire: "je voudrais que vous vous étonniez que ce soit compréhensible". (à peu près, de mémoire))1.

Vélib. J'attends les compagnons de l'Oulipo devant le restaurant en commençant Béton de Thomas Bernhard. Ça a l'air vraiment bien. N'est-ce pas lecteur qui me le conseillait?

Dîner. Dominique déchaîné parle de cinéma. Je note pour mémoire I want to go home et Week end.

Ce soir deux mauvaises nouvelles, contradictoires: condamnation de RC, élection de Finkie.





Note
1 : ajout du 10 avril 2015 : référence précise ici.

Mercredi

Les journées passent trop vite. J'ai passé la voiture entre les rouleaux du lavage automatique et la peinture du coffre est partie. Vingt-et-un ans et trois cent mille kilomètres. Il va falloir se résoudre un jour à lui dire adieu.

Vu Apprenti gigolo, tout en finesse même lorsqu'il exagère. Ce film tresse plusieurs sujets, la vulnérabilité, la moralité, le fanatisme, la jalousie, l'appartenance («Je n'ai jamais vu cette femme sourire comme ça. Ce n'est pas bien ce que vous faites.») Un sentiment d'inachevé en sortant, mais aussi des pistes de réflexion ouvertes.
Sinon, Sharon Stone vieillit comme Deneuve (je veux dire que les visages vieillissent par famille, et qu'elles sont de la même). Et Woody Allen présente toujours le même amour de New York.

Allemand. Nous évoquons Heidegger un instant (à propos de Dasein, que certains traduisent par "être-le-là", que j'entends musicalement "être le la" (notre prof est contre)). En Allemagne il a été très vite reconnu qu'Heidegger avait réellement adhéré à toutes les dimensions du nazisme, alors qu'en France, un groupe s'oppose à cette reconnaissance en remarquant qu'Heidegger n'a jamais tenu de propos antisémites (cf le récent dictionnaire Heidegger de Fédier). Comme cela correspond à ce qu'écrit son élève juif Löwith qui n'a pourtant aucune raison de le ménager (il était un ami de la famille jusqu'en 1933 pour être ensuite ignoré), je demande ce qu'il en est: en fait, Heidegger n'a jamais tenu de propos vulgairement insultants envers les juifs. C'était plus subtil: il soutenait que c'est le Dasein qui fait l'homme, et que le juif n'a pas de Dasein.

Je rentre en voiture en écoutant les chants écossais de Beethoven. L'émission parle de William Blake et évoque l'un de ses poèmes sur les ramoneurs (des garçons petits qui restaient parfois coincés dans les conduits des cheminées). C'est drôle, je pensais à ce poème justement cet après-midi (un ramoneur sur le quai du RER B). Impossible de me souvenir où je l'ai lu commenté il y a peu.

Se comprendre à travers la barrière du langage

Je décris notre maire à Lisa. Comme je le fais en allemand, je trouve des exemples représentatifs, c'est plus facile pour dépeindre l'homme : «il veut retourner au franc.»

Il a également promis de doubler le nombre de caméras dans la ville. Commentaire sobre de H. :
— S'il le fait, nous aurons plus de caméras que la ville de Lyon.

Je crois que Lisa a compris.

Il existe un terme pour "milieu défavorisé": bildungfern. Loin de tout appui pédagogique?

Trois tiers

Un tiers garde-malade, un tiers au bureau, un tiers en allemand.

Ce soir je suis fatiguée, plus fatiguée qu'hier soir.

Peu de choses

Depuis que le RER a changé ses horaires (interversion des trains traversant Paris avec ceux s'arrêtant à gare de Lyon), j'arrive plus tard à la Défense et je ne peux plus aller à la messe du lundi ou du vendredi. Je tente donc celle du jeudi midi.
Je n'avais jamais vu cette église (petite, presque une chapelle, la place a été surtout accordée aux lieux de rencontre plus qu'à l'église proprement dite) aussi remplie. Est-ce le midi, le Carême, la conférence qui doit avoir lieu ensuite, qui la remplit ainsi?
A La Défense, l'assistance est composée majoritairement d'hommes entre trente et soixante ans. Ça change.

Merveilleuse médiathèque de CE. J'y trouve Le Bal d'Ettore Scola. J'aime beaucoup Ettore Scola. Je voudrais revoir La Famille, aperçu un jour dans un gîte près de Narbonne (juin 2000, j'ai un repère), qui est dans ma mémoire peut-être déformante ce qui approche le plus l'étonnement de vivre dans un monde qui change tandis que nous ne changeons pas et nous nous souvenons de ce monde (de ces états successifs du monde) que nous pensions immuable. Les gens autour de nous considèrent que nous vieillissons, mais la réalité pour nous c'est que c'est eux et les lieux et les techniques qui changent.

Allemand. Compte non tenu de la langue, le sens du texte m'échappe de plus en plus. Mais qu'est-ce que Thiessen a bien pu vouloir dire? A mêler forme poétique à fond philosophique, on jette le trouble sur toute interprétation: cette formule-ci, faut-il la considérer sur le fond ou supposer que l'auteur a voulu conserver une analogie de forme pour l'euphonie? (Thiessen utilise beaucoup les refrains.)

Sombre histoire de chaussures de sport (la paire de Neuilly à la poubelle, la paire de Melun disparue, la paire "vie quotidienne" (la seule mettable, les autres étant destroy) restée au bureau (pour remplacer provisoirement la paire de Neuilly, si vous suivez)) qui fait qu'au final j'arrive en salle de sport sans chaussure dans mon sac et rentre à la maison (tant mieux).

Cohérent

J'aime dans l'apprentissage des langues les mots, les notions, qui n'ont pas d'équivalent d'une langue à l'autre.

La prof protestante n'a pas su traduire spontanément "Magistère" (sous-entendu de l'Eglise catholique tel que défini dans Dei Verbum §10). L'étudiante allemande non plus. Cette notion ne leur sert pas souvent, je suppose.

(Bon, je n'ai pas le courage d'expliquer, mais c'est plutôt amusant.)

Quelques lieux

Premier cours d'allemand théologique à l'institut protestant boulevard Arago. Deuxième cours, en réalité, mais hier O. avait concert de flûte et je voulais y assister.
Nous sommes quatre, la liste comporte huit noms. Deux hommes, deux femmes, deux catholiques, deux protestants, vingt, trente, quarante, cinquante ans, une jeune allemande très blonde aux yeux bleus. J'apprends que Tübingen est le grand lieu (actuel?) de la théologie en Allemagne.

Nous étudions un catéchisme contemporain. Je ne dis pratiquement rien. Je suis à peu près, c'est plutôt facile, mais de là à m'exprimer sur des points de vue théologiques… je n'en sais rien, même en français. J'ai l'impression qu'il faut apprendre les épîtres aux Corinthiens par cœur, tout ce trouve toujours dans les épîtres aux Corinthiens (ceci est ou n'est pas une plaisanterie, à votre guise).

Je prends un Vélib pour rejoindre H. à l'hôtel des grandes écoles au 75 de la rue du Cardinal Lemoine. Demain lui et une collègue de province ont un rendez-vous à Paris; il a pris lui aussi une chambre pour qu'elle ne se sente pas trop perdue. C'est un hôtel que j'avais repéré quand j'étais étudiante, pensionnaire chez les sœurs du couvent écossais au 63 (la toute petite fenêtre tout en haut à droite, c'était la mienne: la dernière chambre, celle que nous étions heureux d'avoir trouvée, Sciences-Po présentant le grand inconvénient (du moins à l'époque, aujourd'hui je ne sais pas) de donner la liste des reçus bien après la rentrée des autres écoles et universités: il fallait se loger dans ce qui restait).

Velib le long de la prison de la santé, j'ai étalonné la boussole pour savoir à peu près dans quelle direction aller, ça descend presque, les rues sont étroites et vides, il fait nuit, ça va vite. Rue des Feuillantines, la librairie "Le Chemin des philosophes" est placardée d'affiches, vitrines désolées. Trop tard, trop tard, pourquoi ne suis-je pas repassée il y a quelques semaines, quand son image m'obsédait?

Rue du cardinal Lemoine, 63, 71 ou 73, plaques à la mémoire de Larbaud et de Joyce. 75, hôtel, pension de famille en 1931, photos de clients sur le piano et les meubles, chambre petite, fleurie, sans télé, silencieuse. Par la fenêtre je contemple sans doute la pièce où fut fini Ulysses, mais laquelle?

Nous ressortons, nous avions envisagé de dîner à la Table russe: fermée pour congés, à la crêperie bretonne de la rue de l'école de médecine: définitivement fermée (zut, je ne l'aurai jamais testée), au Bouillon Racine: complet. Nous échouons à côté, le petit Bouillon dont j'ai oublié le nom.
Rarement nous nous serons autant cassés le nez à la recherche d'un restaurant.

J'arrête

Autre décision : j'arrête les cours de l'institut Goethe, c'est vraiment trop fatigant de courir avenue d'Iéna entre midi et deux heures sans avoir le temps de déjeuner.
Et puis je suis gênée devant ma collaboratrice de rentrer à deux heures et demie.

Je me sens soulagée, c'est donc une bonne décision.

Les langues

J'ai de nouveau rendez-vous au forum des images avec Lisa. Elle prépare un devoir de fin d'étude, une sorte d'article de douze pages. Elle m'explique (en allemand) ce qu'elle doit encore faire pour devenir professeur.
— Mais voulez-vous vraiment devenir professeur d'allemand en Allemagne? (J'aurais tendance à la tutoyer, mais pour des raisons pédagogiques, il vaut mieux que je la vouvoie — en allemand.)
Elle n'en est pas si sûre. Nous comparons l'état de l'apprentissage de la langue vernaculaire (non, je ne sais pas dire "vernaculaire" en allemand) en France et en Allemagne, le problème de l'autorité, le remplacement de la "vieille génération" des instituteurs par celle qui a été formée après mai 68. Lisa s'est déjà heurtée à la protestation «Mais pourquoi voulez-vous que j'apprenne l'allemand, je le parle de naissance!». Dans certains lycées, les élèves sont notés sur tout, sauf sur l'allemand, afin de leur donner une chance.

De mémoire, je lui retranscris quelques aberrations en français que m'a envoyées "lecteur" (un ami qui commente sous le nom de lecteur) récemment, et qui sont de pures retranscriptions phonétiques (de la part d'enfants CSP++, comme on dit en entreprise, ie milieu favorisé).
Je vous en copierai quelques-unes quand je les retrouverai dans ma tonne de papiers à classer: ce qui m'étonne, c'est que même la coupure des mots n'est pas respectée, à croire que l'environnement, les mots sur les paquets de céréales ou les affiches, n'a pas réussi à imprimer une trace dans l'esprit de ces enfants. C'est vraiment bizarre.
En tout cas, même déliquescence en Allemagne et en France, même si elle ne prend pas la même forme, du fait de la structure de ces deux langues (bon, mon allemand est trop limité pour que j'ai pu creuser davantage, mais ce n'est déjà pas si mal!)

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( Dans la journée, j'avais repéré une formation pour du Perfectionnement en Expression Française. )

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Boseb, flameküche, Boseb, Lisa, Oulipo.
A. est revenue de Lisieux.

Jeudi

Pas d'aviron, j'ai été retardée par un salarié qui a fait du zèle en voulant précéder les négociations syndicales et se retrouve coincé entre la bonne caisse de sécu et la mauvaise mutuelle.

J'ai compris il y a quelques semaines que je ne pourrai jamais être satisfaite de ce que je fais ici. Il restera toujours des loose ends. Comme m'a dit H. un jour, j'aurais dû être cordonnier: avoir fini une belle paire de chaussures, ça doit être satisfaisant. Ce soir, je me demande s'il arrivait à mes grands-parents de voir approcher l'hiver avec l'angoisse de ne pas avoir fini de labourer tous les champs nécessaires, de ne pas avoir ensemencé tout ce qu'ils voulaient ensemencer.

J'ai donné rendez-vous à Lisa au bar du forum des images et elle se perd un peu en venant (elle a demandé à une passante où était la rue du cinéma qui lui a répondu que ça n'existait pas). C'est très calme. Nous corrigeons le mail que je dois envoyer à N. Stricker pour lui demander quel niveau d'allemand elle requiert pour assister à son cours (dans la brochure de l'IPT, elle recommande qu'on lui écrive en cas de doute sur ce point).

Snowpiercer. Bien plus inventif que je n'aurais cru, à côté de quelques grands ressorts traditionnels du genre. Je recommande.

Rhume

Et c'est à peu près tout pour cette journée. Récupéré des (extraits de) Targums (avec un dialogue d'arbres qu'il faudrait que je scanne pour M. Pic: quel arbre acceptera-t-il de servir de gibet à Haman? Tous se défilent, seul le cèdre accepte).

Deuxième cours à l'Institut Goethe. Expérience de l'aphasie.

Chassée du salon par le retour du fils prodigue, je squatte le bureau de ma fille. Où irai-je pendant les vacances prochaines?

Deux cours d'allemand

J'avais envoyé un mail à l'institut Goethe pour demander s'il était trop tard pour m'inscrire aux cours, et comme je n'avais pas de réponse, j'ai demandé à une connaissance FB si son amie allemande accepterait de me donner des cours particuliers. Elle a dit oui. Dans les heures qui ont suivi cette réponse, l'institut Goethe m'a contactée pour passer un test de niveau.

Donc aujourd'hui en descendant du train je suis allée attendre dans un café l'heure du test d'allemand (dix heures) tandis qu'à midi je rencontrais pour la première fois Lisa. Je nous ai installées dans une petite salle de réunion de l'entreprise, je ne suis pas sûre que ce soit tout à fait autorisée (en fait je suis sûre que ça ne l'est pas).
Dieu que je suis rouillée, c'est l'anglais qui monte aux lèvres, spontanément.

Selon le test de l'institut Goethe je suis niveau b1. J'ai signé pour des cours jusqu'à fin janvier (un semestre) deux fois par semaine, le mardi et le jeudi, de midi et demi à deux heures. Ça m'arrange parce que ce sera invisible pour les enfants (je ne rentrerai pas plus tard) mais ça va me faire rentrer tard au bureau à l'heure du déjeuner.

CA

Conseil d'administration. C'est bizarre, personne n'a l'air d'avoir l'instinct de la pertinence d'une extrapolation. On me demande des calculs extrêmement précis à partir de chiffres approximatifs. C'est un peu comme calculer Pi à six décimales près en mesurant la longeur d'une ficelle ayant entouré une boîte de conserve (mon premier calcul de Pi, en primaire. Je peux dire avec fierté que j'avais trouvé 3,14. Espérons que mes estimations du résultat de l'exercice 2014, en ayant entretemps fait bouger absolument tous les paramètres de façon indépendante, aura la même exactitude, ce ne sera déjà pas si mal. (De mes calculs va dépendre l'augmentation de cotisation de l'année prochaine. Comme c'est aussi moi qui prends au téléphone les gens qui pleurent, les conséquences concrètes de mes calculs bizarres vont m'apparaître très vite.))

Mail laborieux à une potentielle prof d'allemand (j'ai décidé de faire dans l'efficace (du moins j'espère)). Ouh que je suis rouillée.

Tard le soir, O m'annonce qu'il ne retrouve pas son portefeuille. Il contenait (ou contient) ma carte bleue et ma carte d'identité. Décidément, la période n'est pas faste.

Bonne journée

A midi je passe à l'institut protestant de Paris pour donner ma feuille d'inscription et savoir quand commencent les cours: soulagement, ce sera en janvier. Encore trois mois pour faire des progrès.

C'est l'anniversaire d'O., nous avons rendez-vous au My Canh, son restaurant préféré (84 rue Baudricourt), sa sœur va lui faire la surprise d'être là (venue exprès de Lisieux), C. viendra aussi, et peut-être son parrain. Officiellement, il s'attend à un repas en tête à tête avec peut-être son frère.

Je passe à la bibliothèque Melville. Le Löwith que je venais chercher (Ma vie en Allemagne avant et après 1933) n'est pas en rayon, ou il est mal rangé (il est indiqué présent sur le catalogue en ligne)). Bien qu'on soit à un quart d'heure de la fermeture, un bibliothécaire va très gentiment me chercher Sur la balance de Job (à propos des Frères Karamazov, référence trouvée dans Taubes).

My Canh. Repas très geek et très gai, très décousu aussi (je m'en voudrai beaucoup dans les jours qui suivront de ne pas avoir pris une photo de mes trois enfants réunis pour les quinze ans du plus jeune. Mais je ne pense jamais aux photos.) C'est la première fois que nous revoyons A. depuis qu'elle est a Lisieux, elle a un peu maigrie, ça lui va bien, elle est radieuse, heureuse. C'est très rassurant (l'expérience de son frère en Suisse qui avait glissé dans la dépression, ne vivant que la nuit et ne se nourissant plus, nous a laissés traumatisés.)

O. raconte une blague du prof de math. Je la connaissais depuis longtemps (2001, j'ai un point de repère) et je désespérais de la retrouver dans le détail, donc je la note ici:
Un mathématicien, un statisticien et un biologiste survolent un hangar. Deux personnes entrent dans le hangar, trois en ressortent.
Le biologiste dit: — La population augmente, ils se sont reproduits.
Le statisticien dit: — Pas du tout, la population est stable, en moyenne deux personnes et demie sont entrées et ressorties.
Le mathématicien dit: — Si une personne entre dans le hangar, il sera vide.

Allemand

A midi ramé en quatre de couple. Chaque fois que je remonte en bateau fin (je veux dire dans autre chose qu'en yolette, le bateau des débutants et des "loisirs"), je comprends à nouveau les souvenirs de mes treize ans, les sorties infernales qui vous faisaient descendre de bateau en vous sentant nul et plus mauvais que tout: l'équilibre est difficile à trouver, le bateau tangue, et pour tout dire, c'est un peu inquiétant (mais je n'avais pas peur à treize ans. j'aimerais retrouver cette inconscience).
C'est pour cela que je me suis inscrite à Melun: pour pouvoir faire du skiff au printemps et faire des progrès.

Alea jacta est. Le directeur (la directrice) a signé mon inscription en allemand, je n'ai plus qu'à transmettre la feuille à l'institut protestant.
Je ne sais pas quand commencent les cours: en octobre, ai-je cru comprendre d'après le site. Ce n'est pas très clair.

Aujourd'hui c'est l'anniversaire de Jacqueline, c'est aussi celui de Roman (de Roman Roi) et la saint Renaud.

Rencontres

Après le bureau je passe à la catho pour éclaircir cette histoire d'allemand: suis-je oui ou non inscrite en allemand théologique? J'ai le vague espoir que non, plus le temps passe plus je me dis que c'est de la folie.

Dans le métro, Marc s'assoit à côté de moi sans tout d'abord me voir, puis sourire et salutations. (Nous devons nous revoir le 16 novembre pour la récollection d'Inoï). Je le quitte au bout d'une station.
Dans la rue je croise Sophie Ramond sur un Vélib, et je me dis que décidément, la vie est beaucoup plus hébraïque et mésopotamienne qu'on ne le suppose habituellement.

La secrétaire ne sait pas grand chose mais est pleine de bonne volonté. Elle me fait remplir une feuille: le directeur de l'université n'a plus qu'à contresigner.
J'espère que je n'ai pas fait une bêtise. Au pire je vais me ridiculiser, ce qui est désagréable mais pas très grave.
Mais quand même.

Grammaire et CD

Mi-août, nous avons enfin commandé un nouveau lit à O., son mètre quatre-vingt-dix (et demi!) ne tenant plus dans son lit actuel. Il doit être livré fin septembre. Aujourd'hui nous avons tenté d'aller chercher l'armoire assortie: las, il y aura aussi trois semaines d'attente (l'avantage, c'est qu'elle sera livrée).
Nous avons trouvé avec difficulté des étagères à CD. Ce n'est plus du tout d'actualité.

L'après-midi, pendant que H. et C. montent deux étagères sur trois, j'explore la grammaire de Jean-Nicolas Wagner que j'ai fini par commander après la fin de non recevoir de la bibliothèque de l'ICP (j'espérais qu'il pourrait la demander à la BNF). Le texte est arrivé dans ma boîte mail, cela n'a pris que trois ou quatre jours et non trois ou quatre semaines.
L'écart avec la pédagogie actuelle est un abîme, quand j'aurai fini de copier Alibaba, il faudra que je réfléchisse à la façon de présenter les règles de grammaire, qui sont souvent de longues suite de mots répondant à une règle particulière. La façon d'énoncer les règles a beaucoup changé, il faudra que je les transcrive en "XXIe siècle".

Remplissage des étagères, nous exhumons des CD qui n'ont pas dû voir le jour depuis dix ans. Je constate avec dépit que je n'ai plus les coffrets 1 et 2 d'A l'ombre des jeunes filles en fleurs. A qui ai-je bien pu les prêter?

Cours d'allemand

Question:
— Quel est le peintre en bâtiment le plus célèbre d'Allemagne?
Subodorrant le piège, je propose:
— Hitler?

Oui. "Anstreicher" a pris une nuance péjorative dans certains contextes.
C'est drôle, je n'avais pas retenu qu'Hitler avait été peintre en bâtiment. Je pense à Jean Gabin dans La Traversée de Paris, en train d'expliquer «peintre…» petits gestes du poignet à l'appui, et non «peintre» grands gestes du bras de celui qui utilise un rouleau.

Anstreicher: streichen: étirer, étaler, comme j'ai entendu tant de fois «Tire bien sur ton pinceau».

La paix, les morts

Guillaume me fait découvrir le monument aux morts de Biron. Quelle idée étonnante.

Il faut se battre tôt pour ne pas souffrir tard.
Des monuments pour ceux qui font la paix.
Depuis qu'on m'appelle "le Macaroni" je ne m'occupe plus de rien.

Félix et Déborah à la maison pendant trois mois chacun. Je n'étais pas très à l'aise. Des mots qui échappent, une mythologie (La grande vadrouille, par exemple), l'accent allemand caricatural que l'on prend pour rire pour prononcer certains mots… (c'est toujours moi qui me retrouve à expliquer ce que personne ne souhaite expliquer.)

Félix visite Chenonceau, cela lui plaît, il paraît étonné, surpris.
— Il n'y a pas de château autour de chez toi, tu n'en visites jamais?
— Chez moi, il n'y a rien.
Je me mords les lèvres: il vient de Hambourg. (Je sais pourtant que j'ai tort d'être gênée, lui vit cela naturellement; il est trop jeune sans doute pour que tout cela représente quelque chose pour lui; et les Allemands assument leur histoire. Mais c'est plus fort que moi. J'ai tout de même arrêté l'allemand où j'excellais alors que j'ai toujours été médiocre en anglais quand j'ai découvert les camps, vers quatorze ans. Aujourd'hui je le regrette, je m'y remets lentement, un peu grâce à Kafka, beaucoup grâce à Döblin.)

Désirs ou souhaits

— J'en ai marre de ma tête. Je voudrais retrouver ma tête d'avant.
— Je ne sais pas si la tête d'avant existe.



Je viens de découvrir que le cours d'allemand que je voulais suivre a lieu à l'Institut protestant de théologie. (Aller chez les protestants: quelle horreur!) D'un autre côté la description du cours présuppose "un bon niveau d'allemand", donc ce que je fais par erreur cette année (une remise à niveau) n'est pas inutile, c'est le moins que l'on puisse dire.

Martine

J'avais pour première langue allemand, c'était à l'époque le moyen de reconstituer les classes de niveau supprimées par la réforme Haby qui était en place depuis cette rentrée (je n'ai pas eu de chance. J'aurais aimé être au collège avant la réforme Haby. Oui j'étais et je suis élitiste.)
La conséquence, c'est que nous avons été la même classe composée des mêmes élèves pendant les quatre années de collège.

C'est ainsi que je suis devenue amie avec Martine, que sans doute je n'aurais jamais fréquentée sans cela (nous n'avions pas grand chose en commun). J'étais mise à part en tant que grosse tête, elle faisait partie de ses filles mal dans leur peau qui n'étaient pas effrayées à l'idée de fréquenter d'autres mises à part.

Elle était passionnée de vélo. C'est grâce à elle que je sais qu'un vélo de course n'a rien à voir avec un vélo ordinaire (étant montée sur le sien et ayant failli me casser la figure).
Elle jouait au foot, aussi, ce qui était une rareté à l'époque (et c'est ainsi que je sais qu'un terrain de foot, c'est très très grand. Respect.)
Je lui dois Renaud, Balavoine, les sketchs de Roland Magdane (je m'en serais passée), mais aussi, plus étrangement, Martin Gray. Et les imitations du Collaro show (à partir d'octobre 1979, me dit Google).

Et si je place ici ces quelques mots en son souvenir, c'est qu'elle est arrivé dévastée par la mort de Claude François.
Je n'aimais pas Claude François, je ne l'aime toujours pas: ni sa musique, ni sa tête, ni ses costumes, ni ce qu'on racontait sur les Claudettes (je n'ai pas attendu MeToo pour avoir un instinct très sûr).
Mais même sans cela, même si je l'avais apprécié, il m'était incompréhensible d'être dévastée à ce point par la mort d'un chanteur, d'une star, d'un étranger en somme.

Quarante-deux ans plus tard, je me souviens de ce chagrin, de ses larmes en récréation.
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