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Voyage

Vingt minutes de piscine avant le petit déjeuner. C'est sans doute ma dernière activité sportive avant dix jours. Cependant ce n'était pas une très bonne idée car cela nous a rendus chaffoins.

Petit déjeuner sur fond d'indigestion, H. déclare qu'il mange beaucoup et que nous ne nous arrêterons pas pour déjeuner.
Je sais par expérience que le croire totalement est dangereux: si finalement nous déjeunons, j'aurai beaucoup trop mangé pour la journée.

H. prend le volant. Direction Argentan en évitant L'Aigle. Décapotés: il ne pleut pas. Nous passons de la Beauce à la Normandie, forêts et vallonnement.

Argentan. Ahurrissement: cinq euros vingt pour deux cafés et une part de tarte.
Nous marchons pour nous détendre, l'Orne est au plus bas. Nous passons un long temps à baguenauder dans un magasin de déco. Un miroir nous plaît, mais difficile de le faire livrer.

Nous repartons, je conduis. Panneau annonçant avec fierté que le département plante des haies. J'hésite entre rire et colère, je me souviens encore du remembrement des années 70 qui au prétexte de constituer de grandes parcelles plus faciles à exploiter de façon intensive a conduit concrètement à l'appauvrissement de la grand-mère de H. (on prend vos terres éparpillées, on vous rend la même surface, mais pas de même valeur agricole: toutes les terres ne se valent pas et les notables paysans connaissent les bonnes personnes) et à l'éventrement des prairies derrière chez mes grands-parents.
Ce fut une catastrophe pour la Normandie lavée par les pluies, il aura fallu tout ce temps pour s'en rendre compte.

Tinchebray, très joli. Je découvrirai plus tard que c'est le lieu de naissance d'André Breton. Flers, Vire. Les routes sont de plus en plus petites; de loin en loin H. s'exclame «Même ici ils ont la fibre!»
Nous nous arrêtons dans le dernier village avant Cerisy. Diabolo menthe et achat d'un paquet de cigarettes que j'ai négocié: «ça facilite le dialogue devant la porte»1.

Arrivée. Nous serons dans l'ancienne ferme. Escalier petit et bas, je guette les réactions d'H., j'ai peur qu'il fasse la moue mais tout va bien, à cela près que j'avais oublié de prévenir H. qu'il n'y a pas de serrure aux chambres2. Aussitôt il s'émeut pour son matériel (il a apporté son informatique pour travailler); heureusement l'armoire à glace ferme à clé.
Nous sommes en avance, je lui présente les bâtiments, nous nous promenons. H. est séduit par l'orangerie, «la 4G passe très bien, je viendrai ici».

Un bus amène une trentaine de voyageurs de la gare la plus proche: l'époque où le train s'arrêtait à Carantilly sans que cela n'apparaisse sur aucun horaire officiel est révolu, ce qui induit des frais supplémentaires pour le château.

Premier repas dont choux au chocolat; premiers voisins et premières discussions, la salle à manger est bien plus bruyante que dans mon souvenir; je reconnais quelques cuisinières. Traditionnelle présentation, mais dans la bibliothèque et non pas dans le grenier. Je suis surprise par le nombre d'auditeurs, je n'en avais jamais vu autant, sans doute Balzac attire-t-il les amateurs.
L'autre colloque s'intéresse à Claude Cahun dont je n'ai jamais entendu parler, je déduis de la présentation de chacun qu'elle est poète, photographe, sans doute lesbienne ou transgenre, en relation avec le surréalisme. Georges Sebbag est l'un des organisateurs du colloque, je crois comprendre qu'il est l'un des derniers vivants à avoir connu André Breton.



Notes
1: dès le premier soir, sûr comme la mort, une jeune femme nous déclare «ça fait plaisir d'être accompagnée dans son vice, en Angleterre je suis très seule». La cigarette est une merveilleuse amorce de dialogue entre inconnus.
2: il y a des verrous intérieurs, installés au moment de mai 68 quand les Cerisiens étaient parfois trop entreprenants pour certaines Cerisiennes soucieuces de tranquillité.

La buvette de Samoreau

Pas Plan du quartier dans le but d'écrire à la mairie. La fibre est installée du 4 à la fin de la rue, elle ne dessert pas du 1 au 3T. H. est très agacé, son emportement, reflet inverse de l'enthousiasme, me fait sourire, cela dénote tant de passion.

Yentl

Aviron le matin, tajine le midi, achat de deux chemises, rouge et violette (Ma ptite chemise à Fontainebleau: j'aime beaucoup la vendeuse). H. passe dans un magasin Orange pour se renseigner sur un abonnement à la fibre. Fatalitas!: notre adresse n'existe pas.
Je le savais déjà, le cadastre ne reconnaît que le 3 et pas le 3T, il est tout proche de nous domicilier dans une rue parallèle dans la mesure où notre loft appartenait à une ferme dont le portail s'ouvre sur cette rue. Je l'avais signalé aux impôts lors de la réception de notre premier avis d'impôts fonciers, sans résultat. Je n'avais pas réussi à intéresser H. au sujet à l'époque; j'ai soudain l'impression qu'il va s'en occuper. Il m'apprend qu'il faut s'adresser à la mairie, responsable du cadastre, et non aux impôts. Il aurait dû me le dire, maintenant je lui abandonne le sujet.

Le soir, festival Rosa Bonheur.
(Pour les fans il y a Juliette qui y passe le 28 août).



Concert autour des musiques de Yentl. Robert Fienga a fait les arrangements. Le Sextet Héméra est composé de femmes. La chanteuse Marie Oppert est étonnante.

Après le concert, nous attendons la nuit afin d'assister à la projection de Yentl.
C'est un film que je n'ai jamais vu mais que je rêvais de voir en 1984, à sa sortie. Tout ce qu'en disaient les médias, la petite fille qui étudiait le Talmuld en cachette avec son père, l'émancipation des femmes, j'étais si curieuse de voir ça.

En fait ce n'est pas du tout ça.
C'est une daube plus ou moins romantique, avec une reconstitution plus ou moins fiable de la Pologne de 1903. Je ne peux pas croire que Barbara Streisand n'ait pas fait de recherches sur son sujet, mais Lublin si propre, une jeune fille juive en cheveux devant des étrangers... Tout cela me paraît pour le moins improbable.
Sans compter l'invraisemblance du mariage blanc.
N'importe quoi.
Et à la fin, bien entendu, l'Amérique comme terre de toutes les promesses: pfff… (quoiqu'en 1903, personne ne pouvait savoir à quel point cela allait être vrai pour un juif européen.)
Bref, je me serais beaucoup ennuyée si je n'avais eu H. pour rire sous cape ensemble.
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