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Lundi : atteindre la mer

Le ciel est voilé, il y a beaucoup de papillons dans la lavande et un insecte avec une trompe qui ressemble à un colibri (après recherche: un papillon, le moro-sphinx). Les lézards contre les pins sont parfois bicolores, hésitant entre le vert de l’herbe et le brun des écorces. En contrebas du jardin en terrasse se trouvent des poules à qui je lance tous les déchets organiques.

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Le but était d’atteindre de la mer. Cecina semblait la ville la plus proche et un site (température de l'eau partout dans le monde: magique internet) annonçait une température de l'eau acceptable. Nous sommes donc partis avec un maillot de bain et de la crème solaire — et les serviettes du gîte.

Nous avons réglé Waze sur "le plus court" selon une habitude bien établie chaque fois que nous avons l'intention de nous amuser en prenant notre temps et découvrir des lieux oubliés des grands axes1 et nous nous retrouvons sur de véritables routes de montagne à épingles à cheveux. Nous arrivons à Volterra, un beau palazzo à notre droite, et si nous nous arrêtions?

C'est ainsi que nous avons failli ne jamais arriver à la mer.
Remparts, jardin public, ruines étrusques (peu à voir quand on ne sait pas construire des demeures en 3D à partir de quelques pierres), vue spectaculaire sur la campagne et les collines. Billet tout inclus, nous entrons donc dans le musée étrusque Guarnacci, ce qui ne nous serait pas venu à l'idée sans cela. Des urnes et des urnes, des centaines d'urnes funéraires sculptées, les premières rondes, en forme d'amphores, puis des caisses rectangulaires.
Les sculptures me laissent songeuses, quelle époque, quelle influence, certaines paraissent primitives, d'autres très grecques, les Grecs — ou les Phéniciens? — ont colonisé les côtes, à quelle époque, je suis perdue. Tant pis. Il faut se faire une raison, je ne suis pas et ne serai pas une spécialiste de l'art étrusque, il faut renoncer à comprendre, pas assez de temps.
Mosaïques, outils, bijoux.
C'est très impressionnant, par la finesse, par la quantité, par le travail de reconstitution des archéologues.

Déjeuner presque en face du musée dans une cave à vin, découverte des tripes à la Toscane (appelées aussi tripes à la Florentine). Remontées dans la ville, deux spécialités, le sel de terre (mais nous n'en trouverons pas) et les truffes. J'achète du miel, du sel, de la confiture de poires aux truffes («Nos poires», nous apprend avec fierté la jeune vendeuse. Et leurs chiens, en photo sur le mur: des épagneuls noirs.) Dans le magasin, nous succédons à des Français et précédons des Français.

Dans les rues, un ruban rouge est attaché à la plupart des portes. Mes amis FB à qui je pose la question m'apprennent qu'il s'agit d'une œuvre d'art. Je copie le résumé traduit de Robert: «En hiver, un mur datant de la période médiévale s'est écroulé, laissant un trou béant. Le ruban rouge symbolise " la blessure ", la trace de la douleur incise dans le corps de la cité, suite à l'éboulement. Un groupe d'artistes, Archivio Zeta, a réuni d'un ruban rouge de plusieurs km les lieux emblématiques de la ville pour finir par se précipiter dans la "blessure" (ferita )…»

Visite du palais des prieurs, assez vite. Après Sienne tout paraît un peu fade. Nous montons au sommet de la tour sur un malentendu (nous ne savions pas que cet escalier menait là). Nous sommes seuls, nous étions seuls dans le palais, nous sommes heureusement seuls dans les escaliers très étroits («Ne pas toucher le mur»: de peur qu'il ne s'effrite?), il y a beaucoup de vent en haut de la tour dont il me semble avoir lu que c'était la plus haute de Toscane (172 mètres de tour en haut d'une colline de 531 mètres).

Il est tard, nous ne verrons pas la pinacothèque, nous sommes fatigués et nous n'arrivons jamais à la mer à temps.

Cecina plage. Nous rachetons des draps de plage (comme à la Rochelle: la prochaine fois il faudra en emmener un! (et si nous sommes en gîte, du sel, du poivre, un rouleau de sopalin, de l'huile, du vinaigre, un torchon, un paquet de pâtes pour le premier soir)) et des tongs pour H.
Il n'y a pas beaucoup de monde qui se baigne (deux très jolies jeunes filles), H. essaie et revient presque aussitôt: «je comprends pourquoi personne ne se baigne: la plage plonge à pic, les graviers roulent et le courant entraîne au large». Nous allons prendre une glace et rentrons par un autre chemin, un peu moins accidenté dans une campagne baignée par le soleil couchant.

Il y a des flaques d'eau dans les nids de poule en arrivant au gîte: orage il y a quelques minutes. La propriétaire nous dira que c'est la première pluie depuis trois mois.

H. fait quelques brasses dans la piscine.
Est-ce la mer, l'iode, la glace au lait, le soir je suis épuisée.


Note
1 : Lu par dessus l'épaule d'H. : «Après tout, il est permis de rêver que le progrès mécanique s'arrache à lui-même cette rançon où se loge notre espoir: l'obligeant à rendre une menue monnaie de solitude et d'oubli, en échange de l'intimité dont il nous ravit massivement la jouissance.» Tristes Tropiques p.126, 1955.

Retour

J’ai été trop légère sur la pharmacie. Liste pour la prochaine fois :
- Casquette quelle que soit la saison
- Crème solaire (idem)
- Lunettes (idem)
- Dafalgan codéïné
- Doliprane
- Lotion de Foucaud (pour détendre les muscles, désinfecter les ampoules, vivifier par son odeur)
- Synthol en crème
- Emplâtre Voltaren 1% autocollant
- Homéoplasmine (pour les ampoules et petits bobos)
- Sparadrah micropore (idem)
- Vicks et boule quiès (de base)

Et donc je n’ai pas ramé ce matin. Je pense que j’aurais pu faire la moitié de la distance, mais il faut ensuite rentrer et nous sommes quatre dans un bateau. Je n’ai pas pris le risque de ne plus pouvoir ramer. (D’ailleurs ça n’existe pas de ne plus pouvoir ramer. On rame, on rentre. Ensuite on paie. C’est ce que j’ai voulu éviter.)

Je passe la matinée entre le ponton à donner un coup de mains aux uns et aux autres et la terrasse au soleil.
J’apprends que la vice-présidente du club, une femme de cinq ou dix ans de moins que moi à la silhouette juvénile, est à l’hôpital. rupture d'anévrisme? Personne ne sait exactement, la phrase est : «elle va mieux, on peut l’appeler, elle recommence à parler».
J’apprendrai que son ami en voyage à l’autre bout du monde avait trouvé qu’elle « disait des choses bizarres » au téléphone. Quelques heures plus tard, comme elle ne lui répondait pas, il a téléphoné aux pompiers qui ont défoncé la porte et l’ont trouvée recroquevillée en fœtus dans un coin de l’appartement.
Je ne parle pas de Jacqueline. Je ne dis rien. Je fais le vide, je me chauffe au soleil.

Repas, valise. Démontage des bateaux, amarrage sur la remorque.

Comme la camionnette et la remorque vont plus lentement que nous, nous arrivons à Dole les premiers et partons à la recherche d’un café ouvert. Il y en a deux, au-delà de la cathédrale.
Fête foraine au bord du Doubs. Il doit y avoir un club d'amateurs de Terre-Neuves, nous en voyons passer une dizaine, une quinzaine, au loin. C’est très impressionnant.

Remontage des bateaux, rangement de la remorque. Jacky nous offre un café au club qui utilise des tasses en porcelaine (don de rameurs qui se débarrassent de vieux services) : c’est joli. Achat de casquette. Retour en voiture.

Dans l'obscurité de la voiture je fais discrètement une attaque de chagrin: la nouvelle de l'anévrisme de L. liée au fait que j'ai ramé en double deux jours de suite… Et ces trois jours qui m'ont tant rappelé le stage à Cholet pour préparer la coupe de France, logées à quatre en caravane et cette horrible entraîneur… Je sais que j'espère voir Nathalie en allant ramer à Marseille en septembre, je sais aussi que je le redoute. Cette peur de me mettre à pleurer en disant: «Elle me manque tant» (ce qui est idiot: que signifie «manquer tant» alors que je ne la voyais jamais? j'ai parfois l'impression de faire du sur-place dans l'enfance. Qu'attends-je?)

J’ai presque mis autant de temps à faire Neuilly-Yerres que Dole-Paris (j'exagère, mais pas tant que ça): les RER ne s'arrêtaient pas entre Villeneuve-St-Georges et Melun mais ce n'était pas annoncé (et donc au lieu de prendre le premier train pour Villeneuve j'ai attendu le troisième qui allait à Melun…); j'ai réussi à prévenir Hervé alors que je n'avais quasi plus de batterie et lui a été bloqué par une intervention de pompiers sur la route entre Yerres et Villeneuve.

Vingt-six titres pour une année

J'aime les jeux, les listes, les livres. Difficile dès lors de résister à une telle proposition (via Gilles Jobin, même si je sais qu'elle est suicidaire, car je vais bourrer (j'ai bourré) ma liste de tout ce que je ne prends jamais le temps de lire parce que c'est long ou compliqué (tout ne peut pas se lire par tranche de vingt minutes (je me rappelle à dix-sept ans avoir commencé La Critique de la Raison pure dans le RER, en me disant qu'il n'y avait pas de raison… C'était un Folio, je n'ai jamais dépassé la moitié de la deuxième page)) et que je ne tiendrai pas la distance.
D'un autre côté, je n'aime pas perdre un pari.

Le plus difficile à trouver ont été les lettres U et I (je n'en aurai plus pour 2008, à moins de retenir Uderzo malicieusement suggéré par C.), en revanche j'ai des A, B, K, M, en pagaille.
Tout provient de ma bibliothèque, sauf Don Quichotte et La Naissance de la tragédie. Ceux qui attendent depuis le plus longtemps sont sans doute les Updike et Inoué (1987?).
Le but de tout cela est de diminuer la "PAL", acronyme pour "pile à lire": cela m'amuse, donner un nom au phénomène des livres en retard, c'est l'institutionaliser.
  • Ian Rankin, Hide and Seek 13/01/2007
  • Sergueï Eisenstein, MLB, plongée dans le sein maternel 29/01/2007
  • Emmanuel Lévinas, Quatre lectures talmuldiques 06/07/2007
  • Witold Grombrowicz, Cours de philosophie en six heures et quart 08/08/2007
  • Virginia Woolf, Promenade au phare 20/08/2007
  • Qiu Xialong, Mort d'une héroïne rouge 22/08/2007
  • Yasushi Inoué, Le fusil de chasse 19/10/2007
  • * Eric Auerbach, Mimésis
  • * Yves Bonnefoy, Rome 1630
  • * Cervantès, Don Quichotte
  • * Dante, La Divine Comédie
  • * Finkielkraut-Sloterdjik, Les battements du monde
  • * Pierre Hadot, Wittgenstein et les limites du langage
  • * Henry James, Portrait of a Lady
  • * Reinhart Kosellek, Le Futur passé
  • * Stéphane Mallarmé
  • * Friedrich Nietzsche, Naissance de la tragédie
  • * Claude Orrieux, Histoire grecque
  • * Guy Petitdemange, Philosophes et philosophies du XXe siècle
  • * Pascal Quignard, La nuit et le silence
  • * Alain Steinsaltz, La Rose aux treize pétales
  • * Albert Thibaudet, La Poésie de Stéphane Mallarmé
  • * John Updike, The Centaur
  • * Vicomte de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations
  • * Frances A. Yates, L'Art de la mémoire
  • * Stéphane Zaganski, L'Impureté de Dieu
Mon entourage me fait remarquer fort désagréablement que c'est une façon stupide de choisir ses livres.
Dans l'absolu, c'est vrai, il serait ridicule de ne choisir un auteur qu'à cause de son initiale.
Mais si l'on considère que ces livres sont dans ma bilbliothèque depuis quelques jours ou quelques années, et donc destinés à être lus, la contrainte imposée par le "challenge 2007" n'est qu'une façon de s'obliger à faire un choix, et c'est ce qu'il me faut : il m'arrive si souvent de ne pas savoir quoi lire en regardant ma bibliothèque.
Oserai-je avouer que je me sens soulagée à l'idée de choisir parmi vingt-six (puisque l'ordre de lecture n'est pas imposé) plutôt que parmi tout ce qui traîne chez moi?


Note pour mémoire
C'est l'anniversaire de la chute du mur de Berlin. J'y pense toujours avec beaucoup d'émotion.
9/11, 11/9, deux dates qui ont changé le monde, comme le fait remarquer Thomas Friedman.
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