Billets qui ont 'suicide' comme mot-clé.

Sms bis

H. rentre de Tours. Sms reçu :

H : — Train en retard. Une femme s'est allongée sur les voies pour se suicider. Avec un autre gars j'ai été la chercher sur les voies.
moi : — ?? Tu portes ton slip par-dessus ton pantalon ?


(Blague à part, H. a été secoué tout le week-end.)

Des stats tristes

Rien à raconter, alors je mets quelques liens de sujets effleurés sur FB :

- le rapport du Crédit Suisse sur la richesse mondiale (merci JY) et ma mauvaise conscience à savoir que je fais partie des 5% les plus riches (évidemment, cela fait trois cent cinquante millions de personnes malgré tout);

- la courbe descendante des tués sur la route en quarante ans;

- des chiffres sur le suicide (2006. De la difficulté d'identifier précisément un suicide. Des hommes âgés de plus de 45 ans et non des adolescentes anorexiques. Etc.) Un observatoire a été créé en France en 2014.
Le projet le plus extraordinaire que je connaisse contre le suicide est celui-ci. Il a été transplanté en Allemagne, j'aimerais qu'il s'implante en France.

Les mots qui tuent

Je l'ai tué.
Je ne réponds rien. Je n'ai naturellement pas tendance à faire dans la consolation facile, mais dans un cas comme celui-là, cela n'aurait aucun sens.
Restons factuelle:
— Je ne sais pas, je ne l'ai jamais rencontré. Mais ce n'était pas un coup de tête, c'était parfaitement préparé.
— Oui, mais quand je lui ai dit «j'attendais mieux de toi», je l'ai tué. La psy m'a interrogé, elle a interrogé Eric, elle m'a dit que je devrais vivre avec ça.

Doctrine de l'Eglise sur le suicide

L'enterrement du suicidé a lieu demain, près de B**.

— C'est à l'église, je me demande comment ils ont obtenu ça.
— Tu sais, l'Eglise a quand même évolué sur le sujet. Par contre, tout est possible concernant le prêtre: Pascal m'a raconté une horreur dans de telles circonstances, un sermon terrible qui avait anéanti les parents.
— Ah oui, genre Breaking the Waves… ?
— Si tu veux… Bref, tout est possible, comme d'habitude, le pire comme le meilleur.



Et comme j'écris cela plusieurs jours après, je peux dire que le prêtre a été "formidable" (sic).

Week-end

Week-end très difficile. Epuisement nerveux. Un suicide dans une toute petite équipe entraîne un très fort sentiment de culpabilité en chacun.

O. est rentré du ski cette nuit. Il était dans une chambrée où chacun essayait de démontrer qu'il connaissait la cité la plus dangereuse. Comme l'a exprimé pudiquement O., «nous n'avons pas le même bagage culturel».

Emotions contradictoires

Appris un suicide, une mort, et une future naissance. Ai pu recommander (pour le suicide en entreprise) psya dont on m'avait expliqué l'intérêt le matin même (prendre en charge les équipes secouées par la nouvelle).

(Comment le dire sans que cela sonne cyniquement: la naissance concerne des amis proches, tandis que je ne connais pas les morts directement, ce sont des amis ou des connaissances d'amis (je le note ainsi pour que les lecteurs qui me connaissent IRL ne s'inquiètent pas).)

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Agenda
J'ai demandé la différence entre les protestants orthodoxes et les protestants libéraux. La scission date du XVIIe ou XVIIIe siècle à peu près. Les premiers lisent la Bible à travers Calvin et Luther, les deuxièmes accordent davantage de place à la modernité, à la culture, à la politique. Les premiers sont appelés en Allemagne "alte reformierte kirche", en France protestants évangéliques (traduction d'"evangelischen Kirche", à ne pas confondre avec "evangelikaner Kirche" (et je me demande si les traductions des journaux font toujours la différence)) et les seconds protestants libéraux.
Karl Barth était un "néo orthodoxe", un libéral ayant redonné toute sa place à l'Ecriture, en récusant le politique et le culturel.

A. est rentrée d'Angleterre. Pluie dans les rues de Brighton mais pas d'inondation. Ferry retardé deux jours pour cause de tempête.

Dans mon sac:
- Fantômette et le trésor du pharaon que je lis machinalement en rentrant pour me détendre
- Langelot et l'avion détourné
- La terrasse de Malagar
, de Claude Mauriac, que j'aurais dû terminé dans la journée
- The Importance of Being Earnest and others plays de Wilde
- Discours de la méthode que je pensais entreprendre à la fin de la Terrasse
- L'islam que j'aime, l'islam qui m'inquiète de Christian Delorme, qu'on m'a rendu.

Les infos sur France Inter et France Musique

Sur France Inter à six heures et demie durant le petit déjeuner (citation à peu près, de mémoire):
Un homme s'est suicidé dans Notre-Dame pour protester contre le mariage gay. Dans une lettre, il a appelé à d'autres actions inédites et spectaculaires.

Sur France Musique à sept heures en voiture:
L'écrivain Dominique Venner s'est suicidé dans Notre-Dame à 78 ans. Les raisons de son acte ne sont pas très claires mais pour Marine Le Pen il est évident qu'il s'agit d'une opposition au mariage homosexuel.

Je médite trois secondes sur l'information que j'aurais eu en n'écoutant qu'une seule radio (la veille, l'ouragan qui a détruit une ville des Etats-Unis avait occupé le temps d'antenne sur France Inter, tandis que c'était l'actualité internationale (la Syrie) qui prenait cette place sur France Musique. Evidemment, la comparaison n'est pas juste, peut-être qu'à sept heures, heure de plus grande écoute, France Inter fait moins dans l'anecdotique. A vérifier).

Histoire atroce

Ma tante me donne des nouvelles de mon professeur d'histoire-géo de terminale, du nouveau drame (le troisième) qui le frappe (la phrase cliché convient hélas trop bien).

Elle enchaîne sur une famille de voisins ou de collègues (je suis d'une oreille distraite) qui se suicidaient en masse à chaque génération (je songe à Wittgenstein, mais ne dis rien: elle ne le connaît sans doute pas, et puis mes souvenirs sont imprécis).

— Tu sais comment le beau-père s'est suicidé? Il s'est coupé la main.
Je ne réagi pas parce que je ne comprends pas. Elle précise:
— Il s'est coupé la main à la hache et s'est vidé de son sang.

Maintenant ça suffit

Quand je lis par-dessus l'épaule de mon voisin «X., 57 ans, quatre enfants, s'est immolé par le feu devant son ancienne agence Telecom», je n'ai pas du tout envie de compatir.

J'ai envie de lui donner deux claques ou trois. Ça me met en rogne. On ne se suicide pas à 57 ans avec quatre enfants quand on travaille chez France Telecom. Au mieux ou au pire on fait la grève de la faim dans le bureau de la DRH (Direction des Ressources Humaines). Mais qu'est-ce que c'est que ces histoires ?

Vitrine sociale

Si ma mère n'était pas de ce monde, j'aurais toujours la ressource de me suicider. Mais, outre que rien n'assure que j'aurais le courage d'un tel acte, je crains le chagrin qu'elle en éprouverait, et plus encore celui qu'elle se sentirait tenue, par ses convictions, son éducation, par l'usage, d'en ressentir.
RC, Hommage au Carré, p.49

C'est drôle, c'est toujours ce que j'ai pensé de ma mère, à peu près: qu'un suicide ne lui ferait pas vraiment de chagrin, que cela lui causerait avant tout une honte sociale ("cela ne se fait pas") et a thrilling (enfin quelque chose d'un peu dramatique à raconter).

(Dans la phrase de RC, reste ambigu le fait qu'il redoute le chagrin social parce que ce serait du chagrin ou parce qu'il serait artificiel).

Désarroi

Durant mes années de lycées, en particulier en première et terminale, je n'allais pas très bien, voire franchement mal (mais comme personne ne paraissait s'en apercevoir (malgré mes 8/5 de tension), je n'ai compris que des années après que j'étais allée réellement mal). J'ai passé mon premier trimestre de terminale à choisir la fenêtre du troisième étage par laquelle me jeter, sans rien dire à personne puisque la rumeur voulait que quand on en parlait, on ne le faisait pas...

Il y avait dans la classe un redoublant, Emm. Rétif, très blond, aux yeux d'un bleu porcelaine (un iris étonnant, composé de mosaïque). Il était toujours gai. Le premier appel du premier cours de philo avait donné lieu à l'échange suivant:
— Rétif, Rétif... Tiens, j'ai un cousin qui s'appelle Rétif!
— Moi aussi.
Eclat de rire général.
On l'appelait Frite.

Un jour, je me souviens de la salle, de la lumière, j'associe ce moment je ne sais pourquoi à l'image de Danton de Wajda qui faisait beaucoup de bruit à ce moment-là, il m'a dit quelque chose, je ne sais plus quoi, je me souviens de tout sauf de cette phrase, et je me suis dit: «Ce n'est pas possible, je ne peux pas leur faire ça.»
Et j'ai continué à aller mal, mais j'ai abandonné mon projet.

L'élève qui s'est suicidé l'autre jour dans la classe de mon fils fait remonter tous ces souvenirs. Lui n'a pas croisé Frite et je suis bouleversée.


(Et quand j'écris ce genre de billet, je pense «Le roi Midas a des oreilles d'âne». Enterrer ici ce qu'on n'ose dire à personne, dans cette illusion que personne ne viendra y voir.)

Le fils de Léa

Du côté de ma grand-mère maternelle, les femmes paraissent indestructibles. Presque centenaire, mon arrière-grand-mère, dont j'ai un souvenir vague, est réputée avoir encore braconné sur les terres du château de M*** la veille de sa mort.

Ma grand-mère a quatre-vingt-treize ans. Elle s'ennuie, elle se plaint, elle supporte mal l'inactivité à laquelle la contraignent ses forces déclinantes et ses filles liguées "pour qu'il ne lui arrive rien". (Mais si l'on s'insurge devant cette tyrannie, ma tante Jacqueline répond: «Et s'il lui arrive quelque chose, qui s'en occupera?» Alors lâchement, nous nous taisons.)
Ma grand-mère s'ennuie, elle devient sourde, elle aimerait que cela s'arrête, c'est long, elle s'ennuie.
Ma grand-mère va bien, aussi bien que je nous souhaite à tous d'aller à cet âge, et même aujourd'hui.

Sa sœur Léa va un peu moins bien. Elle a fêté ses quatre-vingt-dix-neuf ans fin juillet. Elle peine à marcher, elle est en maison de retraite où elle décida un beau jour de se retirer, sans raison précise. A l'époque elle était parfaitement autonome.
Mais si ses jambes la trahissent, elle a gardé sa tête et son entêtement. Ma tante Jacqueline soupire: «On va aller lui souhaiter son anniversaire, elle va encore nous dire des méchancetés sur tout le monde. D'ailleurs les autres se plaignent, il y a une femme qui ma dit que Léa voulait tout le temps jouer à la belote, et qu'une fois en place, elle refusait de laisser jouer les autres, qu'elle ne voulait pas tourner.»
Ça me fait rire, ça ne me paraît pas bien méchant et plutôt drôle.
D'un autre côté je ne vis pas avec elle.

Mon premier souvenir net de Léa remonte à 1996, je l'avais vue aux quatre-vingts ans de ma grand-mère. Elle était veuve depuis de longues années. Elle parlait tout le temps du «gosse», ce qui m'avait paru étrange. Renseignement pris (discrètement dans la famille), il s'agissait de son fils, un bon à rien (sic), qui après avoir coulé son épicerie (sic), vivait chez sa mère.
«Mais il a quel âge?»
Le gosse avait soixante ans.

La semaine dernière un mail m'attendait. «Le gosse» s'était suicidé.



(Et je relis ses lignes en me demandant si je fais du sensationalisme. Sur le coup j'étais très en colère contre ce cousin: quel imbécile, qu'allions-nous dire à sa mère? (Crise cardiaque, a décidé le psychologue de la maison de retraite.)
Maintenant, je me dis que qu'il a sans doute passé une vie entière à se faire traiter de bon à rien. Que s'est-il passé pour qu'il décide que cela devait cesser? Est-ce que je m'écris un roman?)

Que dire ?

Mercredi soir : concert d'enfants.
Jeudi soir: théâtre, Yves-Noël Genod.
Jeudi et vendredi : colloque sur le kitsch.
Samedi : exposition Marcheschi à Nemours.
Dimanche : assesseur en bureau de vote.

Perte de mémoire, glissements. Le quotidien se délite. Ebahissement et silence. Joie et pleurs. Etonnement. Silence.
Menace du silence et tentation du silence.

J'ai pleuré en apprenant la mort de David Carradine.
Je me rends compte qu'à côté des gens dont je découvre qu'ils étaient encore vivants quand j'apprends leur mort, il y a ceux que je pense encore vivants bien que les sachant morts.
Exemple: Paul Newman.
Autre exemple : Jacques Martin.

Rien à bloguer

Rien à bloguer (variation sur le thème «Qu'est-ce que je peux faire? Ch'ais pas quoi faire.») Il faudrait répondre aux commentaires ci-dessous — plus tard — et à mes mails — plus tard. Il faudrait que je vérifie la date de l'anniversaire de David — plus tard. Je me dis qu'il faudrait un autre jeu de couleurs pour ce blog, noir et gris, car certains jours j'ai honte d'aborder certains sujets sous les couleurs rose et mauve.

J'ai perdu mes gants rouges.
J'ai envie de fumer.
J'ai envie de lire.
J'ai envie de dormir.
Je me mets à écrire comme les teenagers sur FB.
Ou alors comme Valentin Zamor.
C'est fun.
(Mais pas trop longtemps).

Je me demande ce que devient Serge.


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Je complète six ans après: en réalité j'avais quelque chose à bloguer, mais je trouvais indécent de l'exposer alors (cela explique ma phrase sur les couleurs de ce blog). Voici ce que je retrouve en marge du blog, non publié en 2009:

- Lundi il y a quinze jours : début des travaux, poussière, camping.
- Lundi il y a huit jours : déchirure de la cornée.
- Mardi il y a huit jours : suicide au lycée.
- Demain, enterrement.

Explication que j'ajoute aujourd'hui 12 mars 2015 : Le suicide était celui d'une jeune fille en seconde au lycée de Clément. Lui était en première et la connaissait bien.
C'était une jeune fille adoptée qui n'a pas supporté l'idée d'avoir été abandonnée. Elle s'est tiré une balle dans la tête sur le Pont des Arts, dit la rumeur. Et ceci flattait trop le goût du sensationnel pour que je le racontasse alors. Aujourd'hui je l'écris pour que cet événement et cette jeune fille ne soient pas oubliés.

Wittgenstein (le film)

Vendredi, j'abandonne ma stagiaire d'été à 11h30 pour aller voir Wittgenstein au Reflet.

C'est un film étrange, davantage une série de photos commentées que véritablement un film. Le fond est noir, le décor minimal. Les personnages sont habillés soit de façon classique, morne, universitaire anglais, soit de couleurs vives et excentriques. Il y a même un martien (vert).
C'est un film qui repose sur les dialogues, qui veut montrer l'asociabilité, la soif de perfection, l'isolement mais aussi le désir de solitude de Wittgenstein.

Je m'aperçois que je connaissais déjà sa biographie grâce à L'Amour l'Automne, je connais même davantage d'anecdotes qu'il n'en est montré. Le film m'a permis de mettre les événements dans l'ordre : Vienne, trois frères suicidés, un quatrième manchot (d'où le Concerto pour la main gauche de Ravel), Cambridge, la Norvège, la première guerre mondiale, prisonnier en Italie, le poste d'instituteur, le retour à Cambridge, la découverte de l'homosexualité, le désir de travailler comme ouvrier en URSS, la brouille avec Russell, la fuite en Irlande, le cancer, le retour à Cambridge pour mourir.

C'est à peine un film. Cela a le mérite de baliser le chemin pour de futures lectures.

Exemple de dialogue (de mémoire):
Un élève : Professeur, je ne comprends pas.
W : Pourquoi croyons-nous que le soleil tourne autour de la terre ?
L'élève: parce que c'est ce que nous voyons.
W: Et que verrions-nous si la terre tournait autour du soleil?
L'élève se tait, puis répond: J'ai compris.

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