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Observateur impartial

Sur le trottoir rue Vaugirard, tôt le matin (il fait encore nuit), un vieil Arabe, visage tanné et bonnet de laine en jacquard, murmure en regardant la nuée de vélibs et les piétons pressés:

— Y a quique chose qui va pas en France.

En vélo dans Paris

Chaque fois que je prends un vélo dans Paris, je pense à Philippe qui m'avait confié: «Le vélo à Paris, ça ne marchera jamais. Et tu sais pourquoi? Parce que Paris est une ville construite sur des collines.»

Et je pédale en me demandant si Pékin est plat, et je pédale en me demandant s'il y a beaucoup de vélos à Rome. (Le reste du temps je regarde le nom des rues: tiens, une rue des Gobelins qui donne dans l'avenue des Gobelins, tiens, un garage rue Toussaint (Toussaint quoi? entre l'avenue de Choisy et l'avenue d'Italie)).
Rome et Paris, sept collines, douze collines, mais laquelle est laquelle?
Voyons, les monts, Montparnasse, Montmartre, la montagne Sainte-Geneviève;
Les parcs, les Buttes Chaumont, le parc Montsouris, le père Lachaise.
Je compte mentalement sur mes doigts, ça fait six.
L'Arc-de-triomphe, sept...
Si j'en trouve sept, sachant qu'on oublie toujours un élément dans une énumération, faut-il déduire que Paris est construit sur douze collines? Et je pédale, me demandant si Belleville est sur la même colline que les Buttes-Chaumont, il me semble que vers Stalingrad ça monte, et la Butte-aux-cailles... Pas de doute, c'est douze.

Raisons d'Etat

Je réussis samedi matin à me lever plus tôt qu'en semaine avec pour objectif la séance de 9h10 aux Halles. Je laisse la voiture gare de Lyon, prend la rue Roland Barthes toujours aussi rêveuse (quelle douceur de savoir que cette rue n'est pas destinée aux voitures), tous les vélos sont au rouge, je vais à la station suivante (c'est facile, c'est ce que j'ai fait la veille), deux types de la maintenance sont perplexes devant la carte de la borne: visiblement ils ont pour mission de réparer une station de vélos, mais ils ne savent pas très bien laquelle, et ils ne savent pas lire une carte. J'essaie de leur indiquer comment aller rue Roland Barthes mais ça ne leur convient pas à cause des sens interdits, je leur fait remarquer qu'ils pourraient y aller à pied, cela semble les épouvanter.

Les Halles, une place pour rendre mon vélo presque en face de l'appartement de Zvezdo, le film, pas le temps de boire un café.

Raisons d'Etat est un beau film, un film long et lent, durant lequel on ne s'ennuie pas. Il couvre une durée de six à sept jours, du 19 au 26 avril 1961 (de mémoire, soit les jours qui suivent le débarquement de la Baie des Cochons : quelqu'un a trahi, qui est-ce?
C'est l'occasion de divers flash-back qui permettent de retracer la vie du héros Edward Wilson.
C'est un film mélancolique, sans pathos, très sobre. La question est classique, qu'est-ce qu'être loyal dans un monde de mensonges? Comment ne pas trahir son pays, comment ne pas se trahir?

Peut-être un peu trop de gros plans, peut-être un peu trop de violons par moments, mais des scènes magnifiques, comme celle du lacet, par exemple.
Ai-je rêvé, ou Matt Damon se tasse au fur à mesure du film?
C'est un film très WASP. Un vieil Italien demande à Edward Wilson: «Nous avons la famille et la religion, les juifs ont leurs traditions, même les niggers ont leur musique, qu'est-ce que vous avez, vous? — Nous, nous avons les Etats-Unis d'Amérique, les autres ne font que passer» (are only visitors), répond Wilson.

Je n'ai pas compris les quelques critiques que j'ai lues ça et là avant de voir le film, notamment que cela donnait une mauvaise image de la CIA — cela n'en donne qu'une image humaine — et que le héros se renfermait de plus en plus: il ne me semble pas qu'il soit davantage renfermé à la fin qu'au début. L'Histoire broie les individus, voilà tout.


En sortant, je reprends un vélo, je passe sous l'appartement de Zvezdo et je vais rejoindre Tlön pour continuer nos gender studies. (Il a ses habitudes dans un restaurant où la serveuse est très jolie et très souriante).
Tlön, très classe, a son propre vélo, et pas un vélo de prolétaire qu'on partage (non mais quelle horreur!).

En Velib avec Gvgvsse

Vendredi soir, Gvgvsse propose de me rejoindre à la Madeleine en Velib. Je lui fais remarquer par texto que cela risque de ne pas être très pratique avec mes talons de 10 cm.
Il découvrira que ce n'était pas une façon de parler, je pense même que ces talons doivent en faire onze. Tant pis, je ferai du vélo nu-pied puisqu'il n'y a pas de picots sur les pédales (ce n'est pas pédaler qui est gênant avec des talons, ce sont les moments où l'on s'arrête: ça déséquilibre. Question d'habitude, après une première tentative, je garderai mes chaussures).

Donc Vincent me fait prendre un ticket pour une journée. Je ne sais pas si j'aurais essayé sans lui, à lire les journaux je ne comprenais plus s'il fallait un abonnement ou pas. Les bornes sont à la fois simples et compliquées, je crois que la première fois il doit falloir prendre son temps.

J'ai une illumination lorsque je gare mon vélo la première fois et que Vincent me fait remarquer que je peux réutiliser mon ticket pendant 24 heures: il suffit de rendre son vélo toutes les demi-heures, et en reprendre un, et c'est reparti pour une demi-heure gratuite... (mais Tlön a lu dans Libé qu'il fallait attendre dix minutes entre chaque emprunt. A vérifier (enfin, sans grand intérêt non plus, car on ne va pas changer de vélo toutes les demi-heures juste pour économiser un euro).

Le soir près de gare de Lyon toutes les stations sont pleines, je ne peux pas rendre mon vélo. Je découvre la rue Roland Barthes avec beaucoup d'émotion, ce n'est pas une rue, plutôt une large allée sous deux rangées d'arbres que je ne connais pas. Je finis par garer mon vélo assez loin et reviens à pied.
Le lendemain, j'emprunterai trois vélos dans la journée et j'attraperai un rhume. A 17 heures, je ferai cadeau de mon ticket à un couple en train d'essayer d'acheter un ticket (Il reste deux heures utilisables).

Le jouissif du vélo, c'est de pouvoir emprunter les couloirs de bus, même ceux à contre-sens.
Pauvres bus et taxis, les vélos sont une véritable plaie qui ralentit la circulation.
Il faudra que je regarde combien de minutes je perdrais à prendre un vélo plutôt que la ligne 14. Avoir une carte intégrale et une carte vélib', cela me paraît redondant.


PS: Vincent est un vrai chauffard à vélo.
PPS: Ce billet, bien sûr, parce que je n'ai rien à dire.


Adage de Gvgvsse à retenir : il faut surveiller les cons. (Je m'en suis déjà servi trois fois entre hier et aujourd'hui).

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