Billets qui ont 'Champs-sur-Marne' comme ville.

Champs

En regardant mon téléphone vers dix heures, je m'aperçois que j'ai reçu un sms du chef de groupe scout à trois heures du matin: orage à Strasbourg, les pio ont été évacués au Zénith, la caravane a peu de dégâts car les chefs ont fait aussitôt coucher les tentes (comme on abat la voile d'un navire).
Dans la matinée, le père de H. appelle: Vous avez des nouvelles d'O.? — Non, répond cruellement Hervé. (Mais il est bien évident que nous en aurions s'il lui était arrivé quelque chose).

Nous retournons chercher Jack pour le déjeuner (je dois calmer l'impulsion naturelle d'Hervé qui a toujours peur d'être en retard: «Laisse-lui le temps, il est en vacances»). Et effectivement nous arriverons un peu trop tôt, il n'est pas prêt, ce qui nous donnera le temps de nous promener dans le parc de l'hôtel.

Dans la voiture, Jack me parle de La Procure et me montre l'un de ses achats: un livre d'Henri Lefebvre (impossible de me rappeler lequel) qu'il a l'intention de traduire: il trouve Lefebvre injustement sous-estimé aux Etats-Unis. Sur le coup ce nom ne me dit rien, mais en voyant dans la liste des ouvrages du même auteur que Lefebvre a écrit le Que sais-je sur le marxisme, je me souviens de l'anecdote sur Sartre que je raconte. Jack rit de bon cœur.

Repas de restes (et Jack de s'exclamer qu'il s'agit des meilleurs restes qu'il ait jamais mangés, et moi, toujours aussi inadaptée au small talk, de me demander s'il est sincère… (quelques tomates et quelques saucisses, un peu de rosé, du soleil et de l'ombre… Cela vaut-il autant d'enthousiasme?)) Nous discutons, nous abordons une fois de plus le problème des niveaux de langage. Je lui montre Léo Malet qui me semble de "l'argot classique", une langue en soi et non un jargon vulgaire.

Que faire cet après-midi? Pas Grosbois ouvert que le dimanche, pas Courances dont seuls les jardins se visitent l'été (les propriétaires doivent venir y résider, je suppose). Fontainebleau ou Vaux-le-Vicomte… je n'ai pas très envie, j'imagine la foule et le soleil et je n'ai pas très envie. Je cherche quelque chose de pittoresque, qui permette de briller de retour aux Etats-Unis.
Et pourquoi pas Champs? Il me semble qu'il a rouvert, et je me rappelle encore de tentative infructueuse. Le château des Liaisons dangereuses, cela parlera aux Philadelphiens.

Ce fut une très bonne idée.
Peu de monde, une restauration parfaite, des jardins magnifiques, un espace suffisamment restreint pour les problèmes de genoux de Jack (mais comment aurait-il fait à Vaux?), un retour en suivant au mieux (avec maints détours) les rives de la Marne.

Le soir, partant du principe que cela ne doit être rare à Philly, nous emmenons Jack dans notre restaurant marocain favori. A vrai dire, le temps ne s'y prête guère (il fait un peu chaud pour s'empiffrer de couscous!) mais cela ne décourage pas Jack.
Tandis que nous le ramènons à sa chambre, un orage éclate. Un mariage bat son plein à l'hôtel, j'espère que cela ne l'empêchera pas de dormir. Je songe à un autre mariage chez un blogueur cher et je me demande s'il pleut là-bas aussi.

Demain Jack continue son périple par la Belgique.

Se casser le nez

L'une des raisons pour lesquelles j'ai abandonné les visites de châteaux, expositions, musées, outre la réticence de mon entourage, c'est la difficulté à dompter horaires et calendrier. C'est un monde où l'exception est la règle et où le théorème de Murphy s'applique systématiquement: fermé le week-end alors que vous n'êtes libre que le week-end, ouvert le week-end alors que vous serez reparti, fermé à partir de 16 heures, ouvert à partir de 16 heures, fermeture exceptionnelle... Grrrrr. Cela m'exaspère.
Il faudrait téléphoner systématiquement, ce qui m'exaspère également.


Lundi, j'avais l'intention de visiter le musée d'Art moderne de la ville de Paris. Le bâtiment est désert, sinistre, les tables sur la terrasse prennent l'eau dans l'attente que celle-ci se transforme en mouss, les fenêtres sont sales, tout respire l'abandon. J'aurais pourtant juré que ce musée avait rouvert au printemps. Je feuillette fébrilement L'officiel des spectacles: le musée est ouvert tous les jours sauf le lundi.
Je maudis les petits malins qui ont voulu se démarquer des jours de visite des musées nationaux, sur lesquels je m'étais intuitivement appuyée (jour de fermeture le mardi). Je suppose que cela permet d'avoir un musée à visiter le mardi...

Qu'à cela ne tienne, un coup de fil à C. pour qu'il nous rejoigne à l'hôtel de Soubise, que nous tenons à visiter depuis les concerts "des jeunes talents" auxquels nous avons assisté. Nous arrivons essouflés, une heure avant la fermeture des guichets (en espérant que la fermeture des guichets ne coïncide pas avec la fermeture du musée): il était inutile de tant se dépêcher, le musée est exceptionnellement fermé pour réfection jusqu'au 21 août.

Vendredi, j'emmène C. visiter le château de Champs, résidence de la duchesse de Pompadour avant qu'elle n'achète Ménard. A la suite de divers malentendus, nous n'avons pas déjeuné et nous nous arrêtons au café manger un sandwich (rillettes pour l'un, saucisson sec pour l'autre) et boire un coca. À côté de nous une femme sans âge dans un anorack léger gris/kaki parle toute seule en scrutant l'écran de télé par dessus son épaule: «douze, dix-sept, dix-huit, zut il m'en manque un, si j'avais coché le dix c'était bon». Elle a l'air désespérée, elle fouille dans son sac, se lève, va faire enregistrer une autre grille, je regarde l'écran, en bas à droite s'affiche «prochain tirage dans:» et les secondes défilent dans un compte à rebours. Il y a un tirage toutes les trois minutes, je suis éberluée, je m'empare d'une grille sur la table d'à côté pour lire les instructions.
La femme revient, se rassoit, le manège se répète. Le patron qui jouait aux dés au comptoir avec un client vient s'assoir en face d'elle, visiblement il a perdu, il crie à la serveuse d'un air mi-furieux, mi-dégoûté: «donne-lui ce qu'il veut, trois sandwiches s'il veut.» Il ajoute à la cantonnade: «On croit qu'ils jouent aux dominos, mais ils en veulent à votre chemise.» Le client, un jeune homme, rit, penaud.

Nous quittons le café. C'est le dernier bâtiment sur la route avant le château, et c'est surprenant, ce château ainsi dans la ville (une ville très basse, austère, sans grâce). Des douves, une grille, un aimable gardien qui nous invite à entrer: «Ce n'est pas payant? — Euh... Le château ne se visite pas, on a eu des problèmes d'infiltration l'année dernière».
Je suis furieuse et déçue, je regarde C.; maintenant qu'on est là, autant visiter les jardins.
Le jardin à la française est immense, quelques herbes folles profitent déjà des vacances des jardiniers. Une très belle fontaine représente Scylla, entourée de monstres qui ressemblent à des loups. Nous nous arrêtons lire quelques minutes sur un banc, mais le vent est trop froid pour rester immobiles longtemps. Au loin, entre les arbres, on aperçoit des immeubles et une tour de radiodiffusion, un autre monde.
En revenant, un coup d'œil à travers les carreaux nous permet de regretter encore davantage que les visites soient suspendues. Qu'il vous suffise d'imaginer que le château a servi de décor au film Les liaisons dangereuses.

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