Cette après-midi nous décidons d'aller voir un autre château de Frédéric II, le château de Melfi.

Nous reprenons la route fantôme, toujours aussi déserte (il ne s'agit pas d'une petite route de montagne enchassée entre les arbres, non, il s'agit d'une quatre voies jaunissante posée sur les champs. Par endroits les plaques de goudron commencent à se détacher, ailleurs des boules d'herbes folles roulent sur la chaussée. On se croirait dans un western.)

Nous disposons d'une carte assez sommaire, je m'oriente un peu au soleil, nous prenons une nouvelle route, superbe, empruntant de longs viaducs incompréhensibles au-dessus de la campagne, sans que l'on comprenne ce choix de surplomber les champs plutôt que de poser la chaussée sur la terre. Le soleil descend, nous sommes partis tard, le déjeuner a duré longtemps, Massimo m'a résumé en français son intervention en français, dans cette langue parfaite, sans hésitation mais lente, suite de mots choisis avec soin, qui me fait goûter ma langue comme une langue étrangère et parler avec de plus en plus de surprise.

A la sortie de cette route, je me trompe et nous fais prendre la direction "Nicolas de Melfi". Nous nous engageons sur une magnifique route suspendue, un moment parallèle à celle que nous venons d'emprunter. Nulle indication, nul village à l'horizon, nul croisement. Route suspendue et gratuite, qui ne va nulle part, qui n'apparaît pas sur la carte. Elle dure. Elle est longue. Il est impossible de la quitter, puisqu'elle est une interminable avenue entre ciel et terre.
A la première sortie, qui paraît être également la fin de la route, (mais où sommes-nous?), nous profitons d'un rond-point pour faire demi-tour et emprunter dans l'autre sens cette route magnifique et inutile.


(Melfi. Le corps central du bâtiment est cimenté. En 1231, les Constitutions de Frédéric II ont été signées (ou données?) ici.)