Billets qui ont '2016-07-26' comme date.

Mise au point

Sur FB, GC (spécialiste de l'Afrique anglophone) énonce inutile de s'émouvoir pour Jacques Hamel, le prêtre assassiné aujourd'hui en Normandie par un fanatique musulman, puisque les catholiques ont assassiné des milliers de musulmans en république du Congo Centrafrique (si des imprécisions se sont glissées dans mon résumé, je sais qu'il rectifiera).
J'avais commencé par répondre sur FB sous sa remarque, mais j'ai effacé ma réponse lors d'une fausse manip. Alors je mets quelques mots ici, juste pour les avoir (enfin) écrits.
Je trouve ce genre de remarques totalement déplacé pour dire le moins. D'une part elles consistent à appliquer au passé des normes qui n'existaient pas à l'époque, d'autre part(je barre en fonction du commentaire de GC.) Elles reproduisent ce qu'elles condamnent: elles écrasent les individus sous un principe au lieu de rendre toute sa valeur d'homme à chacun. Elles condamnent à reconduire perpétuellement les mêmes gestes, à base de rancune et de haine, à partir du comptage précis des torts et des vertus de chacun. Mais qui peut donc tenir un tel livre de compte?

Je me souviens du même GC en train de regretter (après le Bataclan?) qu'on n'ait pas davantage parlé du massacre dans une école kenyane en avril 2015, semblant dénoncer un cas de "deux poids deux mesures". Mais je me souviens aussi avoir pensé en avril 2015: "c'est une école chrétienne, personne ne dira rien, d'une part pour ne pas exacerber les tensions confessionnelles, d'autre part parce qu'en Occident, dans l'imaginaire occidental, les chrétiens ne peuvent pas être des victimes. Ce sont forcément des persécuteurs. Et on ne plaint pas les persécuteurs. On pense ou on dit: "bien fait".
(Dis-moi, Guillaume, t'es-tu indigné devant le récit de cette musulmane venue se recueillir devant ses morts à Nice et qui s'est fait insulter? Parce que ce que tu viens de faire, c'est le même mouvement que les insulteurs).

Je me souviens du jour où j'ai compris que nous allions laisser mourir les chrétiens d'Orient sans rien dire, parce qu'ils étaient chrétiens. Une statistique était sortie qui montrait que la religion la plus persécutée dans le monde était le christianisme, et cela avait fait rire Kozlika sur Twitter (rire d'incrédulité, pas de moquerie). On sortait de la "bataille" pour le mariage gay (le mariage pour tous), et j'ai compris que mes amis homos, mes connaissances homos, en voulaient si profondément à l'Eglise qu'ils ne verraient pas, jamais ou beaucoup trop tard, des persécutions qui menées contre n'importe qui d'autre auraient aussitôt coalisé leur soutien. J'ai compris que cette fois-ci, eux, généralement si sensibles aux persécutions, ne diraient rien; et que les autres groupes capables d'indignation (la "gauche", pour parler vite, et l'Eglise elle-même) ne diraient rien non plus, pour éviter d'allumer une guerre de religions, suffisamment proche comme cela (leur donné-je tort? Non, oui, je ne sais pas. Mais des gens meurent en martyr, pour leur foi, cela mérite au moins du respect.)

Je ne peux pas en vouloir à mes amis homos. Je comprends leur point de vue, d'autant plus que j'ai souvent eu honte de l'Eglise devant certains propos inadmissibles. Mais toi, Guillaume, j'ai un peu plus de mal à comprendre. Vas-y, compte les morts au Congo, les fous anti IVG, les prêtres pédophiles. Compte les léproseries, les aides aux galériens, les soupes du Secours catholique, l'aide actuelle aux réfugiés en Grèce. Compte tout ce que tu veux et explique-moi comment tu fais tes calculs et comment tu tires le bilan comptable de tout cela. La méthode de calcul chrétienne veut qu'une étincelle de lumière vaille plus qu'un océan de ténèbres. Mais on n'est pas obligé d'utiliser cette méthode. Laquelle retiens-tu? Œil pour œil, dent pour dent? Autre chose?

Bien fait pour les chrétiens, ils ont massacré, bien fait pour l'Occident, il a colonisé. OK. Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait? On se suicide tout de suite pour montrer notre remords, on se laisse assassiner par repentir ou on cherche une solution pour passer à un autre modèle?

Ouibus

Encore du skiff le midi, j’ai les fesses scarifiées (au sens propre: les marques de la coulisse gravées au sang), il y a du courant et du vent, c’est dur. Dix kilomètres.

Le soir, je devais rejoindre Hervé à Tours pour passer un long week-end ensemble.
Au dernier moment, par curiosité, je n’ai pas pris un billet de TGV, mais un billet de bus parce que Captain Train (je ne chanterai jamais assez le bien que je pense de Captain train) le proposait. Trois heures de trajet avec du wifi, je me suis imaginée en train de traverser la Beauce profonde en rattrapant mon retard en blogage.

En réalité, je me suis retrouvée coincée sur un siège étroit à côté d'un charmante Canadienne qui lisait Le Maître et Marguerite, sans pouvoir m'étirer alors que tous les muscles me faisaient mal, avec un wifi pourri, bloquée par les embouteillages des départs en week-end.

Nous sommes partis en retard, arrivés en retard, et à ce prix-là personne ne vous aide à placer votre bagage en soute. Mais le conducteur était aimable et les deux rastas derrière moi, un jeune et un mature, tenaient une conversation édifiante (— Je t'ai trouvé un boulot à la Poste, je t'avais dit de pas dire que tu avais le bac, mais tu n'en fais qu'à ta tête. — Mais avec le bac, la formation était plus courte. — Oui, mais ils ne t'ont pas pris. L'important c'est d'avoir la place, quatre mois plus tard tu dis: "Ah au fait, j'ai mon bac", et tu progresses. Mais tu veux toujours en faire à ta tête.)

Bref, pas convaincue du tout par ce voyage en bus: quel est l'intérêt de prendre l'autoroute pour faire exactement le même trajet que le train? J'étais persuadée que le but, c'était de passer dans des endroits non desservis par la SNCF. Et c'était cela qui m'intéressait, la flânerie, le voyage, pas l'arrivée.
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