Billets qui ont '2017-08-28' comme date.

Mon fils ce héros

Tandis que nous regardons Sense 8 zonés sur le canapé, je reçois un sms d'Olivier contenant une vidéo : les cheveux dorés par le soleil couchant, il gobe coup sur coup deux Flamby.

Navrance

RC a été interviewé dans le cadre des manifestations de Charlottesville car les néo-nazis (croix gammée et KuKluxKan) chantent : « ils ne nous remplaceront pas », « les juifs ne nous remplaceront pas » : le Grand Remplacement est le titre d’un des derniers livres de RC. C’est un terme que l’on retrouve d’ailleurs dans la presse française, ce qui prouve qu’il est davantage lu que les gens ne l’avouent.

Je suis comme anesthésiée. Je n’imaginais pas qu’il tomberait si bas.
Voilà qui fait curieusement écho à mes interrogations d’il y a deux jours.

Inconcevable

Petit déjeuner. Nous écoutons la radio. Soudain H. et moi nous nous figeons : venons-nous d’entendre quelques nouvelles déclarations fracassantes de Trump ou des suprémacistes ? (novlangue. Dire aussi « alt-rigt »)

Non. Ce qui a suspendu nos gestes et notre souffle, c’est l’annonce que Big Ben allait se taire.
Non ? Un pilier de notre monde, les carillons de grands-mères dans les cuisines, s’écroule.
Mais le journaliste continue : il ne s’agit que de réparations, cela devrait durer quatre ans.
Ouf.


— Il n’aurait pas pu le remplacer par un enregistrement le temps des travaux ?
— Ceci n’est pas britannique. Big Ben est irremplaçable, Big Ben ou rien.


Le silence sera effectif après les douze coups de midi le 21 août.


***

Dans la série "la forme d'une ville change plus vite, hélas", le Bugsy (rue Montalivet, celle des Verdurin) est en travaux. Moi qui en aimais tant la déco (films noirs, prohibition, années 20), j'ai très peur de le voir se transformer en quelque chose de très banal (très moderne, très in, sans personnalité). On verra.

D’accomplissement en accomplissement

Levés tôt : en ce matin de pont, un (quoi ? plombier, égoutier, ouvrier ?) de Sanitra passait déboucher les canalisations, ou plutôt la canalisation, celle connectée à la baignoire et à la machine à laver qui se bouche tous les trois à dix ans. L’ouvrier nous a affirmé être celui qui était venu en 2001 : mais quel âge avait-il, il paraît si jeune.
Il doit y avoir quelques mètres de canalisation à contre-pente sous la terrasse, diagnostique-t-il, ce qui fait que l’eau stagne et des dépôts se forment et se calcifient. Il nous a conseillé d’introduire une fois par an le karcher avec une buse particulière dans le tuyau pour le curer nous-mêmes : « cela vous reviendra beaucoup moins cher ». (Je l’écris ici pour garder une trace du conseil.)

Il ne restait déjà plus que deux jours sur le week-end de quatre. La météo annonçait du soleil aujourd’hui, de la pluie demain. J’ai donc abandonné le grenier (qui n’aura perdu que dix centimètres de papier) pour décréter que maintenant que j’avais fini de lasurer le nouvel abri pour le bois, il fallait déplacer la stère ou la stère et demie appuyée contre la maison dans le-dit abri (afin que le plombier-fumiste puisse venir faire les travaux destinés à isoler le robinet extérieur : «  C’est tout un ensemble ! » (s’exclamait mon père, etc.))

Je ne sais plus pour quelle raison, peut-être simplement ma paresse, mon statut d’épouse et de mère alors que mon fils a dix-huit ans, je n’avais pas participé à la constitution du tas de bois initial. Aujourd’hui, Olivier est en camp scout et Hervé a des contractures suite à son passage chez l’ostéopathe vendredi, donc la corvée de bois retombe sur A. et moi, Hervé supervisant l’utilisation de la brouette.

Brouette par brouette nous déplaçons les bûches. Le chêne coupé par les voisins malveillants, les arbres poussant comme de la mauvaise herbe contre les murs ou au dessus du fil à linge, le châtaignier qui a fini par mourir de ses blessures de 2000, je vois défiler un peu de notre histoire en rangeant les bûches dans l’abri à bois. Nous dérangeons araignées et fourmis (cela grouille : « Ne touche à rien, tu vas voir, dans vingt minutes, tout aura disparu. » Un quart d’heure plus tard, plus une fourmi, plus un oeuf, tout a été rapatrié à l’abri par les fourmis organisées jusque dans l’affolement. « Incroyable ! »), j’entasse en mettant le bois le moins sec en bas, il fait chaud. Deux heures de travail le matin, pause déjeuner, nous reprenons à deux, sans H.
A. se plaint, elle se sent barbouillée, la chaleur ou l’ennui ? « Rentre, je vais finir seule. » Une brouette, deux, cinq, je m’obstine, il fait chaud mais je ne veux pas avoir à y revenir, je veux que cette tâche soit derrière moi. Je suis satisfaite car il se confirme que mon dos est guéri.

En fin d’après-midi, coup de main au fils de nos amis expatriés qui a commandé un lit au Conforama d’Ormesson : comme il n’a ni permis ni voiture il lui faut un chauffeur. Nous passons deux heures sur la route de Boissy-St-Léger et Ormesson. Etonnants paysages, la forêt et la campagne rôdent aux portes de l’Ile de France.
Antoine ne s’est pas méfié, il pensait qu’il suffisait de se présenter à Conforama pour avoir un camion. Mais non : il n’y en a que deux ou trois, il faut les réserver, ils sont sortis, il doivent être rentrés avant six heures et demie, nous n’aurons pas le temps de le ramener… (Pendant ce temps deux employés se disputent violemment dans l’entrepôt, si violemment que la réceptionniste avec laquelle nous parlementons, embarrassée, se lève pour fermer la petite fenêtre derrière elle).
Nous nous regardons. Antoine part en vacances la semaine prochaine, H. sera à Tours (or il faut que nous soyons deux, un pour la camionnette, un pour la voiture qui nous amène à Ormesson), Antoine est venu avec un ami qui habite St Ouen, de l’autre côté de la région parisienne, ce qui représente des heures de transport… Repartir bredouilles ?
Riant in petto, j’observe H. utiliser une stratégie que nous avons développée au cours des années : l’occupation physique du terrain. Il ne discute pas, il n’argumente pas, il reste là au comptoir flanqué des deux jeunes gens qui ne se rendent compte de rien, prononçant de temps à autre une platitude pour donner l’illusion d’une conversation (« C’est très ennuyeux », « Dommage que ce ne soit pas précisé sur le site », etc) tandis que je fais lentement les cent pas dans la salle d’attente. La réceptionniste, la soixantaine ridée, revêche et énergique, nous a vus et entendus discuter, évaluer les différentes autres possibilités (conclusion : aucune). H. reste là, elle répond au téléphone, fourrage dans ses papiers. Comme par magie quelqu’un ramène une camionnette, elle tente de nous expliquer que nous n’aurons pas le temps de ramener le véhicule; Hervé impavide, campé sur ses deux pieds, commence à sortir son permis de conduire.
La camionnette est à nous.

Ranger the room of requirement

J’avais l’intention durant ce long week-end de l’Assomption (quatre jours) de ranger le grenier, une pièce mal isolée, très froide l’hiver, dans laquelle sont entreposés les habits d’hiver, les jouets et les livres d’enfants que j’ai conservés, les valises vides. Peu à peu elle est devenue la porte que l’on ouvre pour déposer rapidement tout ce qui gêne, les cartons d’ordinateur qu’il faut conserver « au cas où » (il faille les emmener chez le réparateur), la caisse qui contient les ampoules de rechange, les multiples caisses de câbles et prises en tous genres pour ordinateur, les piles de papier (cours, factures, prospectus) qu’il faudrait trier, jeter, classer, quelques livres achetés dernièrement (depuis un à trois ans) qui n’ont pas encore trouvé leur place sur une étagère, des chapeaux de paille posés à plat sur les papiers pour ne pas être déformés (c’est compliqué de ranger des chapeaux), la table à repasser, les rouleaux de papier cadeaux, la crèche, l’étagère à DVD à partir de la lettre R qui n’ont pas trouvé de place dans la pièce précédente.

2017-0812-room-of-requirement.jpg


Le plancher est infesté de puces, mais moins qu’on pourrait le craindre car les araignées règnent dans les angles.
Il y a également un lit d’appoint, devenu peu à peu inaccessible au fur à mesure que les objets s’entassent autour de lui.

Mon ambition est donc de ranger et réorganiser ce grenier — en particulier rapprocher le lit de la porte donc du radiateur — de façon à ce qu’il redevienne utilisable en cas de besoin. Il s’agit également de venir à bout de deux ans de cours éparpillés sur quatre mètres carré (le sol reste l’endroit le plus naturel pour stocker le papier…)

J’ai commencé hier après-midi. J’ai pris dix centimètres de papier (devant moi, sur le sol en ouvrant la porte, sans choisir) que j’ai descendu d’un étage, j’ai commencé à ranger les cours dans des classeurs entre grec, ecclésiologie et « agir chrétien » (liturgie et morale, les deux domaines de l’action, par opposition à la réflexion spirituelle ou théologique) tandis qu’Hervé m’encourageait d’un « à quoi bon ? Tu ne les reliras jamais. »
Ce n’est sans doute pas faux, mais si j’ai envie du plaisir sadique d’obliger mes enfants à trier et jeter après ma mort ?
J’ai retrouvé des notes prises pendant la présentation du Silence de la peur. Traduire la Bible sous le communisme à l’ambassade tchèque en juin 2015. Il fallait que j’écrive le billet correspondant à cette soirée du 8 juin, mais mes notes étaient trop lacunaires : elles auraient servi d’aide-mémoire à une rédaction immédiate, mais deux ans plus tard il me manquait trop de détails.
Alors j’ai abandonné mon rangement et entrepris de lire le livre.



NB : Le titre est une référence au tome 5 d'Harry Potter.

Rendez-vous

Je dépose Olivier pour son camp scout à neuf heures et quart, heure de rendez-vous des chefs. Les jeunes doivent arriver à neuf heures et demie mais certains parents sont déjà là.
— Oh non, soupire-t-il.
— Ils sont pressés de se débarrasser de leurs enfants, proposé-je.
— Le problème, c'est qu'il y a les deux types : ceux qui arrivent à quinze et ceux qui arrivent à quarante-cinq.

Décidément le scoutisme est une école de la vie.
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